NATIONS UNIES

Conseil de sécurité

Distr.GÉNÉRALE

S/2000/131
17 février 2000
FRANÇAIS
ORIGINAL: ANGLAIS

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RAPPORT DU SECRETAIRE GENERAL SUR LA SITUATION CONCERNANT LE SAHARA OCCIDENTAL

 

I. - INTRODUCTION

1. Par sa résolution 1282 (1999) du 14 décembre 1999, le Conseil de sécurité a décidé de proroger le mandat de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) jusqu'au 29 février 2000 afin d'achever l'opération d'identification des électeurs, de publier une deuxième liste provisoire d'électeurs et de mettre en train la procédure de recours pour les groupements tribaux H41, H61 et J51/52. Le Conseil m'a prié de lui faire rapport avant le terme du présent mandat sur les perspectives de progrès vers l'application du plan de règlement (S/21360 et S/22464 et corr.1) dans un délai raisonnable, conformément aux accords conclus entre les parties, le Royaume du Maroc et le Front populaire pour la libéracion de Saguia El-Hamra et du Rio de Oro (Front POLISARIO) sous les auspices de mon Envoyé personnel, James A. Baker III (S/1997/742, annexes I à III), et sur l'ensemble des mesures des Nations Unies (S/1999/483/add.1).

2. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 1282 (1999) du Conseil de sécurité. Il décrit les faits nouveaux intervenus depuis mon précédent rapport au Conseil, en date du 6 décembre 1999 (S/1999/1219).

 

II. FAITS NOUVEAUX SURVENUS PENDANT LA PERIODE A L'EXAMEN

3. Mon Représentant spécial, Williams Eagleton, a poursuivi ses consultations avec les parties en vue de rechercher les moyens de faire progresser le processus engagé, en particulier en ce qui concerne la nouvelle série de recours faisant suite à la publication de la deuxième partie de la liste provisoire d'électeurs le 17 janvier (voir plus loin section A), ainsi que les préparatifs en vue de rapatriement des réfugiés sahraouis. A cette fin, mon Représentant spécial a rencontré le Secrétaire d'Etat marocain aux Affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri à Rabat, le 21 décembre 1999, le Ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa et le Secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Fouad El Himma, le 11 janvier 2000, et de nouveau M. Benaïssa et M. Fassi Fihri, le 31 janvier. Il s'est entretenu avec le Secrétaire général du Front POLISARIO, Mohamed Abdelaziz, et le Coordonnateur du Front POLISARIO avec la MINURSO, Emhamed Khaddad, à Tindouf (Algérie) le 27 janvier. Il a eu de nouveaux entretiens avec ce dernier à New York le 6 février.

4. Le Front POLISARIO a continué de se déclarer préoccupé par les retards dus au grand nombre de recours prévus à l'issue de la publication de la deuxième partie de la liste provisoire d'électeurs qui viendront s'ajouter aux 79.000 recours concernant la première partie de cette liste publiée le 15 juillet 1999. Il a instamment demandé qu'une interprétation stricte soit donnée à des procédures de recevabilité (S/1999/483/add.1, p. 14), afin de réduire le délai requis pour clore la procédure de recours. Pour leur part, les autorités marocaines ont réaffirmé le droit de tout requérant de faire appel en citant des témoins capables de fournir des éléments nouveaux à l'appui de sa demande d'inscription sur la liste.

5. A l'issue de la publication de la deuxième partie de la liste provisoire le 17 janvier, les autorités marocaines ont exprimé leur surprise et leur consternation devant le petit nombre de requérants dont les demandes avaient été jugées recevables. Elles ont souligné qu'il importait que la procédure de recours prévoie que tous les Sahraouis rejetés par la Commission d'identification de la MINURSO aient la possibilité de représenter leur dossier. Elles ont une nouvelle fois mis en cause l'impartialité et l'objectivité des membres de la Commission d'identification et tenu à faire savoir que le référendum ne se tiendrait pas si une seule personne venant du Sahara se voyait dénier le droit d'y participer. De son côté, le Front POLISARIO a mis en garde contre toute tentative visant à retarder la tenue du référendum et demandé l'application rapide du plan de règlement des Nations Unies. Les Représentants du Front POLISARIO ont estimé que, si le processus prenait de nouveaux retards importants, la procédure n'aurait plus aucune raison d'être et les hostilités pourraient reprendre. M. Abdelaziz a rappelé les préoccupations du Front POLISARIO au sujet des retards survenus dans le processus de mise en œuvre au cours des entretiens qu'il a eus avec moi au Siège le 7 février.

A. Identification et recours

6. L'opération d'identification des requérants appartenant aux groupements tribaux H41, H61 et J51/52, commencée le 15 juin 1999, a été achevée le 30 décembre comme prévu par la MINURSO qui a interrogé 51.220 requérants, ce qui portait à 198.469 le nombre total de requérants interrogés depuis le début du processus d'identification en 1994. La Commission d'identification a commencé à examiner la deuxième série de recours le 17 janvier, lorsque mon Représentant spécial a communiqué aux deux parties la deuxième partie de la liste provisoire de requérants admis à voter, qui contenait les noms de 2135 requérants sur les 51 220 interrogés pour les groupements tribaux H41, H61 et J51/52. Avec les 84 251 requérants jugés habilités à voter dont le nom figure sur la première partie de la liste provisoire publiée le 15 juillet 1999 (sur les 147 249 appartenant à des tribus sahraouies autres que ces trois groupements) le nombre total de requérants admis à voter se chiffrait à 86 386. Conformément à la procédure de recours de la MINURSO (S/1999/483/add.1), tous ceux qui ont été exclus de la liste provisoire d'électeurs ont le droit de former un recours et les personnes admises à voter peuvent aussi contester l'inscription d'autres sur cette liste.

7. La MINURSO a ouvert des centres dans le territoire (Boudjour, Dakhla et Laayoune) dans la région de Tindouf en Algérie (Camp Smara), au Maroc (Assa, Goulimine, Rabat, Tan-Tan, Taroudant, Tata et Zagora) et en Mauritanie (Nouadhibou et Zouerate) afin de recevoir les recours émanant des groupements tribaux H41, H61 et J51/52. Au 11 février, 29 260 recours avaient été reçus, 22 065 requérants s'étant rendus dans ces centres (dont 3 876 avaient eu accès à leurs dossiers d'identification), et ayant obtenu une transcription de leur dossier. Comme lors de la première série de recours (S/1999/1219, par. 9), jusqu'ici la plupart de ces recours ont été introduits en vertu de l'article 9.1 iii) des procédures de recours (S/1998/483/Add.1) par des requérants qui, sur la base de leur interrogatoire, ne répondaient pas aux critères d'admissibilité et ont donc été exclus de la deuxième partie de la liste provisoire d'électeurs. Aucun recours n'a encore été introduit en vertu de l'article 9.2, pour contester l'inscription d'un autre requérant sur la liste.

8. Bien qu'elle continue de recevoir des recours introduits par des requérants appartenant aux groupements tribaux H41, H61 et J51/52, la Commission d'identification a presque achevé l'examen des éléments d'information requis ainsi que les travaux techniques connexes concernant les 79 000 recours reçus à l'issue de la publication de la première partie de la liste provisoire d'électeurs, le 15 juillet 1999.

B. Prisonniers de guerre

9. Le 26 janvier 2000, le Gouvernement marocain a informé par écrit le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qu'il était prêt à accueillir tous les prisonniers de guerre marocains dont le nom figurait sur la liste que le Front POLISARIO avait remise à mon Représentant spécial le 23 novembre 1999 (voir S/1999/1219, Par. 12). Le CICR a par la suite fait savoir à mon Représentant spécial qu'il prenait les dispositions requises à cette fin en consultation avec les parties.

C. Aspects militaires

10. Au 17 février 2000, les effectifs de la composante militaire de la MINURSO étaient de 230 hommes, tous grades confondus (voir annexe). Sous le commandement du général de brigade Claude Buze (Belgique), la composante militaire a continué de surveiller le cessez-le-feu entre l'Armée royale marocaine et les forces du Front POLISARIO, entré en vigueur le 6 septembre 1991. La zone qui relève de la responsabilité de la MINURSO est demeurée généralement calme et on ne sache pas qu'aucune des deux parties envisage de reprendre les hostilités dans un proche avenir. La mise en œuvre des accords militaires entre la MINURSO et les deux parties sur le marquage et la neutralisation des mines et des munitions non explosées et sur l'échange connexe d'informations détaillées s'est poursuivi. Au cours de la période considérée, les forces du Front POLISARIO et l'Armée royale marocaine ont effectué au total sept opérations de neutralisation d'explosifs et de munitions.

D. Police civile

11. Pendant la période considérée, la composante police civile de la MINURSO a secondé la Commission d'identification dans les centres d'identification jusqu'à la fin du mois de décembre 1999 et a fourni son concours dans les centres de recours depuis le 17 janvier 2000. Elle compte actuellement 81 membres, placés sous le commandement du Chef de la police de la MINURSO, l'inspecteur général Om Prakash Rathor (Inde).

E. Préparatifs en vue du rapatriement des réfugiés sahraouis

12. Pendant la période considérée, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), agissant en consultation et en collaboration étroites avec la MINURSO a poursuivi ses préparatifs en vue du rapatriement des réfugiés sahraouis, comme le prévoit le plan de règlement des Nations Unies. Le HCR a renforcé sa présence dans la zone de la mission, en affectant du personnel supplémentaire à Laayoune et à Tindouf.

13. Le HCR a terminé ses opérations de préenregistrement, qui lui servent à s'assurer que les réfugiés souhaitent être rapatriés et à savoir quelle serait leur destination finale dans le territoire. Le nombre total des réfugiés préenregistrés depuis le début des opérations en août 1997 est de 107 149. Ce chiffre ne comprend que les réfugiés dont la MINURSO a déterminé qu'ils ont le droit de voter ainsi que les membres de leur famille immédiate. Pendant ces opérations, les réfugiés, dans leur immense majorité, ont fait savoir qu'ils souhaitaient être rapatriés seulement dans la partie du territoire située à l'est du mur de sable, quelle que soit la partie du territoire dont ils sont originaires.

14. Mon Représentant spécial et le HCR ont poursuivi leurs consultations avec les parties pour commencer à appliquer des mesures de confiance transfrontières, y compris des visites familiales, en application de la Résolution 1282 (1999) du Conseil de sécurité. Toutefois, aucun progrès n'a été réalisé parce que le Front POLISARIO continue de s'inquiéter de l'absence de garanties de sécurité dans la partie du territoire située à l'ouest du mur de sable et les réfugiés des camps de Tindouf continuent eux aussi à craindre pour leur sécurité, bien qu'à l'origine ils aient bien accueilli les mesures de confiance envisagées.

 

III. EVALUATION DES PROGRES RALISES DANS L'APPLICATION DU PLAN ET DES PROBLEMES QUI SUBSISTENT

15. Dans sa résolution 1282 (1999), le Conseil de sécurité m'a prié de lui faire rapport sur les perspectives de progrès vers l'application du plan de règlement dans un délai raisonnable. A cette fin, il peut être bon de rappeler les principales dispositions de ce plan (voir S/21360, par. 47). Pendant la période de transition, l'ONU, en coopération avec l'Organisation de l'unité africaine, devait avoir l'entière et exclusive responsabilité de l'organisation et du contrôle d'un référendum dans le territoire, destiné à permettre à la population du Sahara occidental de choisir librement, sans contrainte administrative ou militaire, entre l'indépendance et l'intégration au Maroc. A cette fin, un cessez-le-feu devait être proclamé, suivi d'un échange de prisonniers de guerre, de la réduction des effectifs des forces marocaines dans le territoire et du cantonnement des combattants des deux parties à des emplacements déterminés. De façon que les conditions soient réunies pour la tenue d'un référendum libre et régulier, l'ONU devait contrôler d'autres aspects de l'administration du territoire, notamment le maintien de l'ordre. Après la proclamation d'une amnistie, les prisonniers politiques sahraouis devaient être relaxés et toutes les lois et tous les règlements risquant d'entraver le déroulement d'un référendum libre et régulier devaient être suspendus dans la mesure jugée nécessaire. Après la promulgation d'une amnistie générale et complète, tous les réfugiés et les autres Sahraouis résidant hors du territoire et souhaitant y revenir seraient mis en mesure de le faire par l'ONU, après que celle-ci aurait établi qu'ils sont habilités à voter. La coopération des deux parties et des deux pays voisins, l'Algérie et la Mauritanie, était considérée comme une condition essentielle à l'application du plan règlement (voir S/22464, par. 55).

16. Aux termes du plan de règlement, la période de transition devait commencer au moment de l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, le 6 septembre 1991, "jour J", et se terminer au moment de la proclamation des résultats du référendum, prévus à l'origine en janvier 1992. Toutefois, la période de transition a été repoussée à plusieurs reprises en raison du long retard pris par les préparatifs menés par la MINURSO du fait essentiellement de divergences entre les parties ainsi que de désaccords avec l'ONU au sujet de l'interprétation et de l'application des dispositions clefs du plan de règlement.

17. Peu après la création de la MINURSO en avril 1991, il est apparu que, bien que les parties aient accepté précédemment le plan de règlement, d'importantes divergences subsistaient. Après deux séries de consultations vaines tenues entre l'ONU et les deux parties en 1991, la question de la désignation des emplacements à retenir pour le cantonnement des forces du Front POLISARIO a finalement été réglée dans le cadre des accords de Houston de 1997 (voir S/1997/742, annexes I à III), les deux parties, ainsi que l'Algérie et la Mauritanie, acceptant une formule de compromis avancée par mon Envoyé personnel (S/1997/742, annexe II). Dans le domaine du retour des réfugiés sahraouis et dans celui de l'établissement des listes électorales, par contre, certaines questions majeures ne sont pas toujours réglées.

18. Comme les membres du Conseil de sécurité le savent, il a dix ans que la question de l'établissement des listes électorales est constamment bloquée faute d'un accord sur la façon d'identifier les Sahraouis qui auraient le droit de participer au référendum. Le Front POLISARIO a maintenu dès le départ qu'en application du plan de règlement, seuls les 74.000 personnes énumérées dans le recensement effectué par les Espagnols en 1974 devraient être habilitées à participer au référendum. Le Maroc pour sa part soutenait que des milliers d'autres Sahraouis avaient tout autant le droit de voter, y compris ceux qui se trouvaient dans le territoire au moment du recensement mais qui n'avaient pas été inclus dans l'énumération, ceux qui s'étaient enfuis précédemment au Maroc, ainsi que ceux qui étaient originaires de régions faisant autrefois parties du territoire mais ayant ensuite été rétrocédées au Maroc par l'Espagne au cours des années 1950 et 1960 (ces régions font maintenant partie du Maroc méridional).

19. Le Secrétaire général de l'époque, Javiez Perez De Cuellar, a alors mis au point en décembre 1991 une serie de critères permettant de déterminer ceux qui seraient habilités à participer au référendum (S/23299, annexe), compte dûment tenu de ceux qui avaient été énumérés dans le recensement de 1974, ainsi que de ceux qui, résidant dans le territoire ou hors de celui-ci, affirmaient qu'ils avaient le droit de voter parce qu'ils étaient Sahraouis et qui avaient été omis dU recensement. Ces critères d'admissibilité, parmi lesquels figurent des critères de parenté et des critères de résidence établissant des liens avec le territoire, ont vivement inquiété le Front POLISARIO, qui a maintenu ses objections à l'égard de la participation de toute personne autre que celles qui figuraient dans le recensement de 1974 et les membres de leur famille immédiate.

20. Afin de sortir de cette impasse, l'ONU a tenu de longues consultations avec les deux parties au sujet de l'interprétation et de l'application des critères d'admissibilité et au sujet d'une proposition de compromis avancée par mon prédécesseur en juin 1993, date à laquelle les deux parties ont accepté de procéder sur la base de la proposition de compromis, encore qu'avec de sérieuses réserves, en particulier en ce qui concerne les dispositions relatives aux liens tribaux avec le territoire et aux preuves documentaires ou témoignages oraux pouvant être présentés à l'appui des demandes. Le Maroc craignait que les requérants qui résidaient hors du territoire au moment du recensement de 1974 mais qui étaient pourtant membres de tribus sahraouies ne soient arbitrairement exclus, tandis que le Front POLISARIO pour sa part craignait que des requérants étrangers au territoire ne soient frauduleusement inscrits sur les listes électorales. L'ONU a fait savoir qu'elle veillerait à ce que tous les électeurs éventuels soient non seulement d'authentiques Sahraouis, mais appartiennent également au territoire (voir S/1974/283, annexe II).

21. Le lancement ultérieur des opérations d'identification, en août 1974, de manière simultanée au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés de Tindouf, a constitué un grand pas en avant. Ce processus sans précédent, qui était déjà fort complexe et laborieux en soi, s'est cependant heurté dès le départ à des difficultés allant de conditions climatiques défavorables et problèmes logistiques à l'absence répétées d'observateurs des deux parties et des chefs de tribus (chioukh - un de chaque partie, comme convenu par celles-ci) appelés à témoigner lors de chaque session d'identification. Simultanément, les parties ont imposé des limites quant au nombre de requérants à identifier chaque jour. Les deux parties ont également insisté sur le fait que si, pour une raison quelconque le processus d'identification était arrêté dans un centre d'un côté, il devait également l'être dans un centre de l'autre côté, suivant le principe de la réciprocité. C'est la question des chefs de tribu désignés pour témoigner, question sur laquelle les deux parties avaient des vues fondamentalement divergentes, qui a constitué dès le départ, l'obstacle le plus important au processus d'identification. La MINURSO a fini par mettre au point une formule pour régler ce problème qui a été acceptée par les deux parties au début de 1995 (S/1995/240). Le processus a cependant continué à être retardé et interrompu du fait que le Front POLISARIO n'était par d'accord avec l'interprétation et la mise en œuvre de certaines des dispositions de cette formule, et qu'il avait des difficultés à fournir les Chioukh voulus pour identifier les membres de certaines tribus.

22. En juin 1995, une mission envoyée par le Conseil de sécurité dans la région a bien fait comprendre aux parties qu'il était essentiel qu'elles coopèrent pleinement avec la MINURSO. La mission a demandé aux parties de ne pas limiter le nombre de personnes pouvant être identifiées chaque jour et de ne plus insister sur le principe de la réciprocité en ce qui concerne le nombre et les opérations des centres d'identification de chaque partie. Elle a également demandé au Gouvernement marocain de procéder à une première vérification de l'identité d'une centaine de milliers de demandes de personnes résidant hors du territoire, pour permettre à la MINURSO de mener à bien le processus d'identification dans les délais prévus (S/1995/498). Les autorités marocaines n'étaient cependant pas disposées à procéder à cette vérification préliminaire sous prétexte qu'elle risquait de priver des vrais Sahraouis du droit de demander à participer au référendum. Le Front POLISARIO a suspendu deux fois sa participation au processus d'identification pour protester contre la position du Maroc (S/1995/779 et corr. 1, par 2 et 9). En dépit des appels répétés que le Conseil de sécurité et mon prédécesseur ont adressé aux parties pour accélérer le processus, les positions des parties ont contrecarré ces efforts, car elles n'étaient prêtes à faire des concessions sur aucune question de crainte d'affaiblir leur position. A la fin de 1995, le processus d'identification s'est arrêté, quand le Front POLISARIO a décidé qu'il ne participerait pas à l'identification des membres des trois groupements tribaux classés dans le recensement de 1974 sous l'appellation H41, H61 et J/51/52 (voir S/1995/779). Si l'on peut donc considérer que la phase initiale des opérations d'identification constituait en soi un progrès important, la MINURSO, face aux multiples contraintes décrites ci-dessus, n'a pu interviewer que 60.000 requérants entre août 1994 et décembre 1995.

23. Quand j'ai pris mes fonctions le 1er janvier 1997, j'ai cherché à déterminer quel était le meilleur moyen de relancer le processus de paix au Sahara occidental. Dans cet esprit, j'ai nommé Envoie personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental M. Baker, ancien Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, en lui donnant pour mission de réévaluer l'applicabilité du plan de règlement (S/1997/166). A la suite de la mission exploratoire qu'il a effectuée dans la région en avril 1997 pour évaluer la situation, mon Envoyé personnel m'a informé qu'aucune des parties ne s'était montrée disposée à chercher une solution politique en dehors de l'application du plan de règlement et qu'à son avis, la seule façon réaliste d'évaluer l'applicabilité du plan consisterait à organiser des pourparlers directs entre les parties (voir S/1997/358).

24. Au cours des quatre séries de pourparlers directs qui ont eu lieu par la suite sous les auspices de mon Envoyé personnel, les parties sont parvenues à un accord sur un certain nombre de questions concernant le processus d'identification, entre autres (voir S/1997/742, annexes I à III). Elles se sont notamment mises d'accord sur une formule de compromis pour l'identification des personnes appartenant aux groupements tribaux H41, H61 et J51/52, dont les liens avec le territoire étaient contestés par le Front POLISARIO, qui se présentaient d'elles mêmes, ainsi que sur une série de mesures concrètes à appliquer en vue de la reprise du processus d'identification. Dans le cadre de cette formule de compromis, les parties sont convenues qu'elles ne parraineraient directement ou indirectement, aux fins de l'identification, aucun membre des trois groupements tribaux susmentionnés, à l'exception des personnes figurant dans le recensement de 1974 et des membres de leur famille immédiate, et qu'elles n'empêcheraient pas non plus activement les personnes appartenant à ces groupements tribaux de se présenter elles-mêmes. Les parties sont également parvenues à un accord sur un code de conduite pour la campagne référendaire, sur une déclaration relative aux pouvoirs de l'Organisation des Nations Unies durant la période de transition, et sur une formule de compromis sur le cantonnement des troupes du Front POLISARIO. Elles ont, en outre, réaffirmé qu'elles s'acquitteraient de leurs engagements en ce qui concerne les dispositions du plan de règlement des Nations Unies relatives au rapatriement des réfugiés et la libération des prisonniers de guerre et des détenus politiques sahraouis.

25. Les accords de Houston ont ouvert la voie à la reprise du processus d'identification en décembre 1997. Les opérations se sont déroulées de manière satisfaisante et, contrairement à ce qui s'était passé au cours de la phase précédente, les problèmes opérationnels ont pour la plupart pu être réglés sans difficultés. Des tensions ont cependant réapparu rapidement entre les parties, et le processus a été freiné par les interruptions provoquées par des représentants des deux parties qui se croyaient la cible d'accusations ou d'autres offenses. De nouvelles difficultés ont surgi quand des requérants appartenant aux groupements tribaux H41, H61 et J51/52 ''contestés'' ont commencé à se présenter eux-mêmes en grand nombre aux fins d'identification.

26. En septembre 1998, la MINURSO avait en définitive réussi à interviewer plus de 147.000 requérants non contestés, mais elle n'a pas pu mener à bien leur identification aussi rapidement qu'elle aurait du le faire en particulier parce que le Maroc insistait pour que les 65.000 requérants des groupements tribaux H41, H61 et J51/52 soient traités sur un pied d'égalité avec ceux des autres tribus sahraouies. Les autorités marocaines maintenaient en effet que ces 65.000 requérants avaient tous le droit d'être identifiés, alors que le Front POLISARIO demeurait opposé à l'identification de tous les requérants de ces groupes qui ne figuraient pas sur les listes du recensement de 1974 et des membres de leur famille immédiate.

27. Comme l'impasse dans laquelle se trouvait le processus d'identification tenait principalement au fait que les parties étaient incapables de parvenir à un compromis sur la question des groupements tribaux H41, H61, J51/52, j'ai décidé de proposer une solution pour faire avancer le processus. Un ensemble de mesures proposées par l'ONU a donc été proposé aux parties en octobre 1998, notamment des protocoles pour l'identification des requérants des trois groupements tribaux qui se présentaient eux-mêmes, et, pour accélérer le processus, la mise en train simultanée du processus de recours pour les requérants identifies entre 1994 et 1998. Un projet de protocole du HCR, contenant des dispositions détaillées pour le rapatriement des réfugiés sahraouis, a été présenté aux deux parties ainsi qu'a l'Algérie et la Mauritanie en novembre 1998.

28. Au cours de la visite que j'ai effectuée dans la région à la fin de 1998, le Front POLISARIO a accepté officiellement l'ensemble de mesures proposées, tandis que les autorités marocaines ont exprimé leurs préoccupations concernant en particulier l'application simultanée des procédures de recours et d'identification. A l'issue de consultations prolongées entre les parties et la MINURSO, ainsi que le Secrétariat, un ensemble de directives opérationnelles, répondant à certaines des préoccupations des parties, a été mis au point en vue de l'application des procédures d'identification et de recours (S/1998/483/add. 1). Finalement, en avril et mars 1999, les parties ont officiellement accepté les protocoles et directives opérationnels, encore qu'avec certaines réserves et appréhensions pour des raisons opposées (S/1999/554 et S/1999/555). Avec la publication de la première partie de la liste provisoire d'électeurs, la procédure de recours a été lancée le 15 juillet 1999, six mois après la date prévue dans l'ensemble de mesures proposées par l'ONU et dix mois après la conclusion de l'identification des requérants membres de tribus autres que les groupements tribaux H41/ H61 et J51/52.

29. L'opération de préenregistrement des réfugiés sahraouis en vue de leur rapatriement qui a été achevée donne à craindre que le choix des lieux éventuels de rapatriement soulèvera de sérieux problèmes (voir plus haut, sect. E). En outre, les deux parties doivent encore faciliter, sur le plan pratique, la mise en œuvre des mesures de confiance de part et d'autre de la frontière proposée par le HCR en juin 1999. Par ailleurs, le projet de protocole du HCR relatif au rapatriement des réfugiés ne pourra pas être conclu dans un avenir proche avec les quatre parties en raison de divergences de vues fondamentales qui subsistent quant à ces principales dispositions.

 

IV. ASPECTS FINANCIERS

30. Comme je l'ai indiqué dans mon précédent rapport au Conseil de sécurité (S/1999/1219, par. 24 et 25), l'Assemblée générale, dans sa résolution 51/18B du 8 juin 1999, a ouvert un crédit d'un montant de 52,1 millions de dollars -équivalant à un montant mensuel d'environ 4,3 millions de dollars - aux fins du fonctionnement de la Mission du 1er juillet 1999 au 30 juin 2000. J'ai également obtenu du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires l'autorisation d'engager des dépenses supplémentaires d'un montant de 5,1 millions de dollars afin de pouvoir mener simultanément le processus d'identification et la procédure de recours. En conséquence, si le Conseil approuvait ma recommandation formulée plus loin au paragraphe 37, en ce qui concerne la reconduction du mandat de la MINURSO, les dépenses du fonctionnement de la Mission resteraient dans les limites du montant mensuel approuvé par l'Assemblée générale et des engagements autorisés par le Comité consultatif.

31. Le montant total des ressources que l'Assemblée générale a allouées à la MINURSO depuis la création de la mission s'élève à 437,9 millions de dollars, y compris les crédits ouverts au titre de l'exercice en cours. Au 31 janvier 2000, le montant des contributions non acquittées au compte spécial de la MINURSO s'élevait à 71,8 millions de dollars. A la même date, le montant total des contributions non acquittées au titre de l'ensemble des opérations de maintien de la paix s'établissait à 2 158.500.000 dollars.

 

V. OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

32. Voila près de neuf ans que la MINURSO a été créée en vue d'organiser un référendum d'autodétermination au Sahara occidental. Pourtant, en dépit des efforts considérables qu'elle a déployés sous l'autorité de plusieurs Représentants spéciaux successifs, il n'a pas été possible pendant toute cette période d'appliquer dans son intégralité aucune des dispositions principales du plan de règlement des Nations Unies, à l'exception de la surveillance du cessez-le-feu, en vigueur depuis le 6 septembre 1991. Comme je le rappelle dans le présent rapport, l'application de ce plan y compris le démarrage de la période de transition, a été entravée par les divergences fondamentales de vues entre les parties au sujet de l'interprétation à donner à ces dispositions principales. La question de l'identification de l'électorat, notamment, a été et demeure sans doute un problème particulièrement difficile qui pourrait finir par rendre impossible la tenue du référendum prévue par le Plan.

33. A en juger par les difficultés et les retards que la MINURSO a rencontrés dès le départ dans le cadre du processus d'identification, notamment la fixation des critères d'admissibilité à voter, les deux parties semblent partager la conviction que la composition du corps électoral déterminerait l'issue du référendum. A différents moments, par conséquent, l'une ou l'autre partie s'est abstenue de coopérer aux activités d'identification de la MINURSO, pensant qu'elles pourraient finir par fausser la composition de l'électorat d'une façon qui fasse pencher la balance en faveur de l'autre partie. De fait, pendant tout le processus d'identification, la coopération de l'une ou de l'autre partie avec la MINURSO était fondée sur l'idée qu'elle se faisait de la façon dont les résultats pourraient favoriser la partie adverse.

34. On peut s'attendre à retrouver les mêmes types de problèmes dans la procédures de recours. Etant donné que 79.000 recours ont été introduits à la suite de la publication de la première partie de la liste provisoire des personnes admises à voter, la MINURSO peut s'attendre à ce que 60.000 autres personnes en introduisent un lorsque la deuxième partie de la liste provisoire sera publiée, soit au 25 février 2000 au plus tard. Les positions adoptées par les deux parties augurent mal d'un règlement rapide de la question de la recevabilité des recours. Dans ces conditions, le calendrier envisagé n'a plus de raison d'être, comme je l'ai indiqué dans mon précédent rapport, et la date du référendum, qui a été repoussée à maintes reprises depuis 1991 ne peut toujours pas être fixée avec certitude.

35. L'audition de tous les recours, qui pourrait prendre beaucoup de temps, n'est que l'une des questions restant à régler avec les parties avant qu'un référendum ne puisse se tenir. Il s'agit notamment des questions complexes et délicates telles que celles d'un protocole de rapatriement des réfugiés sahraouis qui soit acceptable par toutes les parties intéressées, et d'un accord sur des conditions de sécurité jugées suffisantes pour que la consultation puisse se tenir dans le territoire. Comme indiqué dans le présent rapport, l'expérience montre à chaque fois que l'organisation des Nations Unies propose une solution technique pour rapprocher les points de vue des parties, quant à l'interprétation à donner à une disposition du plan de règlement, une nouvelle difficulté surgit qui appelle une autre série de longues consultations.

36. L'évolution de la situation depuis neuf ans, et en particulier au cours de ces derniers mois suscite de véritables inquiétudes et amène à se demander si une mise en œuvre ordonnée et consensuelle du plan de règlement et des accords adoptés par les parties sera possible - et ce, en dépit de l'appui fourni par la communauté internationale. En outre, en supposant même qu'un référendum se tienne en application du plan de règlement et des accords des parties, si le résultat ne devait pas être reconnu et accepté par l'une d'entre-elles, il convient de noter que le plan de règlement ne prévoit aucun mécanisme de mise en œuvre et qu'aucun ne semble devoir être proposé, ce qui invite à utiliser les moyens militaires pour assurer cette mise en œuvre.

37. Cette évaluation donne à réfléchir et il serait sage de réexaminer la situation. J'ai donc l'intention de demander à mon Envoyé personnel, M. James Baker III, de prendre l'avis des parties et, compte tenu des obstacles existants et potentiels, d'étudier les moyens de parvenir à un règlement rapide, durable et concerté de leur différend, qui définiraient leurs droits et obligations respectifs au Sahara occidental. Afin que les parties prenantes à ces consultations puissent disposer du temps nécessaire, je recommande au Conseil de sécurité de proroger le mandat de la MINURSO pour une période de trois mois s'achevant le 31 mai 2000.


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