HISTOIRE


5. LE MOUVEMENT DE LIBÉRATION NATIONALE

La guerre de 1957-58 contre la présence coloniale espagnole fut une authentique manifestation du nationalisme sahraoui, malgré le peu de rayonnement politique du mouvement sur le plan intérieur, la prééminence de l'aspect religieux (jihad) sur l'objectif politique (indépendance) et les manipulation sournoises menées par l'expansionnisme marocain naissant du post-protectorat.
Un élément de poids qui confirme cela: la complicité entre l'Espagne, la France et le Maroc pour étouffer le mouvement sahraoui à travers l' " opération Ouragan ", au cours de laquelle deux cents avions français et espagnols et les forces des armées des trois pays s'unirent pour déclencher une contre-offensive à partir des côtes sahraouies, de la Mauritanie, de l'Algérie et du Maroc. Cette complicité s'illustre aussi par la contrepartie faite par l'Espagne au Maroc en lui cédant la province sahraouie de Tarfaya ( villes : Tarfaya et Tantan) en 1958.
Si après cette guerre perdue le peuple sahraoui fut à nouveau l'objet d'une entreprise d'extermination et de persécution, sa conscience nationale et politique n'a fait néanmoins que s'affermir.
Malgré la grande vigilance coloniale au Sahara et la répression systémique au Maroc, à partir du début des années soixante commença une réorganisation des forces vives nationalistes dans les villes, les centres ouvriers et au sein des réfugiés dans les pays voisins. Ce processus sera matérialisé par la formation d'une organisation politique indépendantiste (et clandestine) dont la tâche fut de réunir et de canaliser les forces et les aspirations populaires. Le Mouvement de Libération du Sahara se développera à l'intérieur et élargira son action à toute la colonie.
Sans recourir à des opérations armées, l'action de la nouvelle organisation commença à se manifester à travers des grèves de travailleurs, des actes de rejet de l'administration coloniale et de ses représentants (comme à l'époque la récente Assemblée Générale du Sahara, la " jemaâ "), des revendications estudiantines à caractères purement politiques telles l'enseignement de la langue arabe et de l'histoire nationale sahraouie, la construction d'écoles, de collèges et d'établissements pour les jeunes, etc...
Vivant dans la clandestinité le mouvement commença à être traqué par l'appareil de sécurité espagnol; en 1969 le couvre-feu fut décrété sur tout le territoire, suivi de nombreux emprisonnements et d'expulsions. La même année, l'ONU demanda à l'Espagne de mettre en application la résolution 1514 pour décoloniser le territoire.

Zemla

Face à cette situation, le gouvernement colonial monta une opération à caractère publicitaire, le 17 juin 1970 à El Ayoun, en convoquant une manifestation sahraouie pour exprimer l' " adhésion à la Mère Patrie ". La manoeuvre fut décelée par le MLS qui saisissait l'occasion pour manifester explicitement le rejet par le peuple sahraoui du colonialisme et présenter un document dans lequel il demande à l'Espagne qu'elle concède le plus tôt possible l' indépendance au territoire. La manifestation à El Ayoun, quartier de Zemla, à laquelle prirent part des milliers de personnes, se réédita à Smara et Dakhla. Surpris un général espagnol ordonna aux force de la police et de la légion (EL Tercio) de faire disparaître la foule; ce fut le massacre suivi de persécutions et d'emprisonnements de centaines de militants.
Cet événement marqua un nouveau jalon dans l'évolution du Mouvement de Libération Nationale Sahraoui dans la mesure où il n'a pas seulement démasqué le caractère colonialiste du " paternalisme franquiste" et du " provincialisme" mais aussi attiré l'attention des pays de la région, de l'Afrique et du monde, sur l'existence et sur la lutte du peuple sahraoui pour sa liberté. Mais le plus important est que le 17 juin a donné au MLNS une expérience dans la lutte contre la domination étrangère et accéléré la prise de conscience dans les milieux sahraouis marginalisés soit par l'effet colonial soit par la politique d'absorption entreprise au sein des exilés par le Maroc et la Mauritanie.
Réorganisé dans des conditions particulièrement difficiles tout au long des années 1971 et 1972, le Mouvement se transforma en une Organisation armée portant le nom de Front populaire pour la Libération de Saguia el Hamra et Rio de Oro (Front POLISARIO) après un congrès constitutif tenu le 10 mai 1973.
La lutte armée fut déclenchée le 20 mai parallèlement au déploiement d'une action politique d'envergure visant à modifier et organiser tout le peuple en faveur de l'indépendance nationale, expliquer au niveau international la situation de la colonie et solliciter appui moral et matériel à la cause.
Le Front POLISARIO avait dirigé son action contre l'ensemble des piliers du colonialisme (armée, administration, diplomatie et alliances régionales). Après des années d'intense action sur tout ces fronts, l'Avant-garde obligea l'Espagne à reconnaître le droit à l'autodétermination et à l'indépendance; ses troupes abandonnaient de nombreux postes à l'intérieur. Elle renonça à la politique néocoloniale qu'elle se proposait de mettre en oeuvre à travers l'octroi de l' "indépendance" au "PUNS", un parti fantoche créé pour ce but par les services secrets espagnols à la dernière heure, qui n'a pu franchir l'épreuve du soutien du peuple dans sa totalité au Front POLISARIO.
Ce n'est pas un hasard si, durant ces années de maturation de la conscience nationaliste, une foule de mouvements prend naissance et se présente avec éclat sur la scène internationale. Ces prétendus mouvements, appuyés, cautionnés par les gouvernements espagnol et marocain, ont contribué à répandre dans l'opinion publique, européenne en particulier, une image faussée de la situation au Sahara Occidental .
Le premier à se présenter sur la scène est le MOREHOB, le Mouvement Révolutionnaire des Hommes Bleus, né en 1972 au Maroc, dans le but de libérer le Sahara et les présides espagnoles de Ceuta et de Melilla. Son président Eduardo Moha arrive en effet à Alger début 1973. Il y réside quelque temps sans que l'Algérie lui accorde un soutien particulier. Mais bientôt, Moha disparaît d'Alger pour se manifester dans des pays européens et arabes puis revient à Rabat pour y défendre les thèses marocaines. Ainsi est dévoilée sa véritable identité: Bachir Figugi, agent marocain. Du reste le pseudonyme était mal choisi: malgré l'allusion aux Hommes Bleus, le nom de Moha n'a rien de Sahraoui, sans parler du prénom chrétien.
En 1975, on entend parler du P.U.N.S., Parti de l'Union Nationale Sahraouie, lancé par Madrid en Europe et dans les pays arabes. Au Sahara il regroupe quelques notables, des membres de la JEMAA et les députés sahraouis mais, comme les événements postérieurs le démontreront, beaucoup d'entre eux s'étaient ralliés par convenance. De toute manière, ce mouvement reste coupé de l'ensemble de la population.
Puis c'est le tour du F.L.U., Front de Libération et de l'Unité, constitué par des militaires marocains. A Rabat et à Nouakchott naissent et disparaissent d'autres sigles encore qui ne durent que le temps d'un éclair.

SUITE: 6. La reprise des revendications Maroco-Mauritaniennes


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