OPINION

 

Il est temps de rendre compte

Salah Khatri

 

La politique culturelle a vocation à donner plus de dynamisme à la société. Elle doit nourrir activement la circulation des idées et des formes. Favoriser ce qu'il faudrait appeler « la démocratie de la création ». donc encourager les dynamiques d'échanges. Faciliter innovations, expérimentations. Créativité de dire et de faire autrement, débat sur la diversité des sens et encouragement aux prescripteurs à l'affût des formes qui s'inventent. Car la diversité est menacée lorsque les identités culturelles se renferment sur elles-mêmes. Sont sclérosées, réduites à leur histoire.

La politique culturelle sahraouie n'en est pas là, depuis la révolution 20 Mai 1973, on a donné la priorité à la culture propagandiste. On a construit notre politique culturelle sur la valeur quasi exclusive d'un message à délivrer un message du guerre à travers les concerts et les festivals, cette action est réelle, importante et utile à la société. Mais, la culture ce n'est pas que ça. Nous avons oublié qu'il fallait aussi chercher la manière dont chacun développerait ses talents créatifs, et que cette dynamique était une nécessité. C'est une révolution intellectuelle, tant l'interrogation, la remise en cause, l'acceptation et la différence de l'autre et la prise en compte de la richesse que cela peut représenter ne font pas partie de notre mode de pensée. Il y a bien peu de temps que le mot même de créativité surgit dans les discours de politique culturelle, Il en est de même pour la transmission du savoir. On parle d'éducation ou d'enseignement artistique, jamais. Il faut dire que depuis la révolution, l'idée communément admise reste que le peuple doit être éduqué par la culture. Mais quelle culture ? Est-ce que le chant et la danse tout la culture ? Non.

Le pouvoir politique sahraoui a toujours considéré le ministère de la culture comme un lieu d'animation pour canaliser le peuple et un lieu de concert. L'absence de perspectives condamne sa pratique artistique et culturelle à la caricature la marginalité et l'incompréhension. Si les musiques actuelles posent plus de questions sur leurs identités qu'elle ne donnent de réponses, c'est peut-être parce qu'elles ne sont pas seulement disciplines artistiques, mais aussi des modes de vie, des arts de vivre, des attitudes et des regards sur le monde. Notre politique est en général dans une pensée entre moyen et court terme, c'est un système centralisé dont les gens ne veulent plus. Ils n'ont plus confiance dans l'information distribuée du haut vers le bas où la citoyenne est considérée comme passive. Ce modèle de gestion ne fonctionne plus à l'ère de la société de l'information. Le ministère de la culture sahraoui  n'avait jamais  mise en place un projet culturel, et notre pouvoir n'avait pas la volonté politique pour donne des orientations,  ou renforce et complète l'action culturelle déjà engagée par les un et les autres.

Le nouveau regard vers les artistes a modifié des rapports sociaux au sein de la société, et constitue un problème des attitudes contrastées. Cette attitude s'exprime de la manière la plus visible dans la fête de mariage, les artistes ne sont plus artistes mais plutôt animateurs. L'angoisse des artistes qui doivent faire face à ce changement brutal dans leur vie quotidienne tranche avec l'attiédissement des responsables politique, ils attendent une perspective nouvelle. L'évolution des modes de vie, le changement des mentalités et des valeurs dans la société sahraouie aujourd'hui ne sont pas sans effet sur notre regard vers les artistes et les arts, et ils  doivent être pris en compte par le pouvoir politique.

Notre pouvoir politique ne se sentait pas concerné par une politique culturelle, il ne se rendait pas compte de l'importance des événements. Il en faudra pour renverser une verticalité du pouvoir, quelqu'il soit, un courage politique pour que participation, transparence et évaluation apparaissent. Cette politique ne crée ni droit, ni perspective pour les artistes.

Depuis 30 ans, on constate une véritable incapacité de pouvoir politique sahraoui à résoudre durablement les problèmes auxquels les artistes sont confrontés :

- le statut social des artistes.

Dans le domaine culturel comme ailleurs on observe un repli sur les vieilles valeurs. Ces forces-là travaillent aussi la politique culturelle. Il peut y avoir la tentation ou la volonté non seulement de ne pas ouvrir le cercle des formes d'expression reconnues, mais de le réduire à ce qui était son noyau dur initial.

Il nous manque encore aujourd'hui une politique pour faire face à ce nouvel événement.

Il s'agissait d'un nouvel espace d'exercice de la démocratie et une nouvelle façon plus citoyenne de voir et de faire de la politique. Et de trouver les solutions pour développer les activités des musiques actuelles en elles-mêmes, La création d'éducation artistique, la diffusion, la création musicale, formation, action culturelle, aide à la production, animation des ateliers de formation et de perfectionnement, relie les pratiques amateures et professionnelles, développe les domaines des arts plastiques, le théâtre, l'image, l'informatique. Mais aussi, au fond, de trouver les modèles à venir. D'inventer une nouvelle façon de voir, d'organiser et de faire une politique culturelle qui ait un peu de sens. Pas dans une logique corporatiste de pré-carré ou de citadelle à défendre. C'est le challenge d'une nouvelle politique culturelle, prendre en compte tous les citoyens et tenter le débat public sur les valeurs de l'art. Il faut donc ouvrir, sans crainte de perte de valeur, les chantiers de la démocratie culturelle pour favoriser des identités à la fois plurielles, variées et dynamiques. Proposer de nouvelles règles du jeu démocratique, s'accorder le droit de ré-imaginer, de remettre en cause, de reconstruire, écrire un scénario d'anticipation et imaginer des solutions, les expérimenter, les partager, les mettre sous le feu du débat et de la question avec une nouvelle boîte à outils.

Nous voilà donc les deux pieds dans un monde à grande vitesse. A très grande vitesse. Des nouveaux citoyens du monde inventent jour après jour une nouvelle forme de démocratie étayée par les nouvelles technologies, les nouvelles économies, les nouveaux médias, les nouveaux comportements. Tout est nouveau, et tout s'accélère.

Il est nécessaire de prendre le temps d'imaginer un système adapté aux objectifs nationaux, et la mise en place d'un dispositif pour mener une réflexion approfondie. Il est également fondamental de placer le dispositif dans un dynamique et savoir le remettre en cause, le faire évoluer, l'améliorer.

5 juillet 06

Salah Khatri


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