OPINION

 

Des mots pour le peuple Français et ses voisins ...

Nafaa Mohamed Salem

C'est avec les sentiments du plus vif malaise et de la tristesse la plus profonde que je me suis retrouvé penché sur le bout de ce papier à fin de vous adresser ces mots. J'étais bien loin de me croire assez obligé pour être un jour en correspondance avec un peuple.

Nous les Sahraouis, nous étions alors bien bédouins; nous avions des âmes ardentes; nous étions naturellement nourris dans les principes de la liberté, ces principes finirent de consolider nos manières de penser et d'exister. Depuis lors et malgré nos souffrances, notre désir le plus vif était de pouvoir propager ces principes dans notre zone et surtout de les voir adoptés comme base d'un état Saharaui pour lequel nous avons tout sacrifié. Je suis entré dans ces détails pour vous donner une faible idée de l'impression qu'a du produire en moi l'ingérence de votre gouvernement aux affaires les plus sensibles de mon pays, celles de son destin, sans avoir recours à mentionner, bien sûr, les résolutions et avis légales en relation ; car mettant à part l'affection et le respect que votre pays m'inspire, ces mots se rattachent aux idées favorites de notre existence mentale et physique et aux pensées les plus fécondes qui soient jamais entrées dans nos esprits. Je n'hésitai pas un moment à entreprendre cette interprétation bien persuadé de l'immense menace que cette ingérence devait produire, non seulement au Sahara Occidental, mais dans toute cette partie du monde qui est encore aux prises avec les turbulences.

Je ne sais pas, et en vain j'ai fait des démarches pour le savoir, pourquoi la France nous tourmente ? Il me semble que je fais le plus grand tort du monde aux sentiments de mon coeur, de tâcher de vous le faire connaître en l'écrivant. C'était de l'extrême violence aux chuchotements dans les plus obscurs couloirs des Nations Unies.

Quel profit la France a-t-elle cueilli des massacres commis contre nos hommes ? Quel bien-être gagne la France d'un infini soutien logistique, économique, diplomatique, technique et militaires fourni aveuglement et sans cesse à un agresseur sanglant et sauvage. Quels délicieux plats allez-vous jouir d'un accord de pêche piraté ?

Je ne dois pas m'en rapporter à vous, je sais que c'était toujours loin de vous. Que je serais heureux, si vous en pouviez bien juger par la violence de votre gouvernement ! Mais, je ne puis m'empêcher de vous dire, bien aussi vivement que je le sens, que vous ne devriez pas nous maltraiter, comme vous faites, par un oubli, qui nous met au désespoir, et qui est même honteux pour tout le monde ; il est bien juste au moins, que vous souffriez que nous plaignons nos malheurs.

Il serait difficile de vous donner une idée de l'inconcevable opiniâtreté de votre gouvernement sur ce point. Ceux qui, comme les Sahraouis, pensent que l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental est aussi juste, qu'elle est utile et nécessaire pour mettre fin à ce conflit, sont regardés aujourd'hui comme des fous, visionnaires qui sacrifient à des théories vagues et inapplicables, car voila, en fin, tout le but de votre gouvernement est la conservation de ses zones d'influence.

Le gouvernement Chirac ne manquerait de s'en gargariser sur toutes les tribunes, à nous embêter, ainsi éclaboussant au passage la réputation de la France sur la scène internationale. Je désire vous signaler notre vive opposition à une telle ingérence. Le silence sur une telle "bétise" encourage cette politique agressive. Il appert qu'un tel geste ne viserait qu'à donner un lustre de crédibilité à des malheureuses interventions ici et ailleurs.

Nous ne nous opposons surtout pas à la participation de la France à la recherche d'une solution pacifique du conflit au Sahara Occidental. Je crois, au contraire, que la France à tout intérêt à aider les peuples de la région. Toutefois, il serait sage pour la France d'utiliser d'autres avenues, plus neutres, pour ce faire. Heureusement pour vous le système constitutionnel est assez solidement établi pour que vous puissiez donc avoir la bonté de lui indiquer la destination que vous voudrez bien qu'on lui donne, un geste, sans doute, si respectable dans les peuples qui conservent leur foi.

Je finirai donc en vous réitérant mes sincères voeux en vous assurant la parfaite considération et la haute estime avec la quelle je suis votre dévoué interlocuteur.

Nafaa Mohamed Salem
Citoyen Sahraoui

078.06.06


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