OPINION

 

Pieux mensonges, inavouables et sordides intérêts

Baba. M. Sayed

 

Le président du nouveau-ancien conseil consultatif royal pour les affaires sahariennes (CORCAS), Ikhallih Anna wald Rachid (IKhallih ilhoum pour les sahraouis), est décidément un homme comblé. Et il ne le cache pas.

Convaincu d'avoir obtenu de Mohamed VI ce qu'il n'a pu obtenir, par le passé, ni de l'Espagne fasciste de Franco quand il était le secrétaire général du Parti de l'union nationale sahraouie (PUNS), ni du roi Hassan II qui s'est contenté de le nommer, pendant un court laps de temps, secrétaire d'État chargé des affaires sahariennes, IKhallih ilhoum donne l'impression, depuis sa nomination à la tête du CORCAS, d'avoir, enfin, décroché la lune.

Sur tous les plateaux de télévision marocains où il est « royalement » invité et complaisamment « interrogé », le « président » qui ne semblait bouder son plaisir, n'avait, apparemment, qu'un seul souci, montrer qu'il est à la hauteur de l'importante « mission » que vient de lui confier sa « Majesté », le roi Mohamed VI. Comme pour conjurer le mauvais sort et décourager certains journalistes qui, par moment, ont essayé de lui mettre « le nez » sur « des » affaires de corruption et d'enrichissement illicite ( sa gestion de la ville de l'Aaiun, les marchés juteux qu'il aurait passés avec des sociétés espagnoles), n'avait de cesse de répéter qu'il ne devrait avoir pour interlocuteur, en tant que président du Corcas et à ce titre chargé du dossier sensible du Sahara Occidental que le roi Mohamed VI qui l'a personnellement désigné.

Sûr de détenir enfin l'opportunité de réaliser le rêve de sa vie, être le chef reconnu du Sahara Occidental, le « président » n'a eu qu'une seule obsession tout au long de ses nombreux shows sur les petits écrans marocains, montrer qu'il a le profil requis pour la tâche qui l'attend et en même temps convaincre qu'il veut s'y consacrer corps et âme, si « on » voudrait bien lui en donner les possibilités et les moyens.

Pour arriver à ses fins, Ikhallih al-houm n'hésite pas à jouer aux grands devins. À le croire, la question du Sahara Occidental, qui, continue de tenir en alerte, depuis 1975, le Royaume, qui absorbe l'essentiel de ses maigres ressources, qui provoque, chaque jour un peu plus, son isolement sur la scène internationale et pour la solution de laquelle aussi bien l'armée que la diplomatie marocaines (pour ne parler que de ces deux segments de l'appareil du Makhzen) se sont montrées impuissantes pour ne pas dire se sont, littéralement, cassées les dents, est sur le point de trouver, si on suit ses conseils, la solution « immédiate », « juste » et « durable » qu'elle appelle !!

Pour réaliser les miracles promis, dans des délais relativement courts, le « président » s'estime en droit d'attendre de ses mentors de l'aider à obtenir une seule faveur qu'il juge nécessaire pour pouvoir mener à bien son « Job » : que les gens du ministère de l'intérieur ( entendez Fouad Al-Himma et Omar Hadrami, les deux personnes qui ont, au ministère de l'intérieur marocain, la haute main sur le dossier du Sahara Occidental ) lui « foutent » la paix et le laissent avoir le roi pour principal interlocuteur !! Autrement dit, Ikhallih Al-Houm veut, en clair, faire comprendre aux plus hautes autorités marocaines (le roi et ses proches en particulier) que la condition sine qua none pour réussir sa « mission », est qu'elles le consacrent « petit » roi sous la direction exclusive du « grand ».

En somme ce que semble viser le « président » est qu'il soit reconnu et célébré officiellement comme le grand « manitou » du Sud comme le roi Mohamed VI l'est dans le Nord. C'est apparemment le « marché » que le « président » semble vouloir s'efforcer de mettre entre les mains de ses « compatriotes » marocains en échange de la possibilité de les aider à solder l'héritage de trente années de guerre avec le F. Polisario.

A suivre le raisonnement du « président », le régime d'autonomie proposé par Hassan II, il y a quelques années, et relancé par Mohamed VI constitue la seule solution possible du conflit du Sahara Occidental étant donné, bien entendu, toujours selon le « président » que le référendum d'autodétermination, accepté pourtant les deux belligérants, le Maroc et le F. Polisario, est impossible à mettre en œuvre.

A la question de savoir quelles seraient les raisons qui amèneraient le Front Polisario à accepter maintenant un projet mort-né qu'il avait jugé auparavant irrecevable, Ikhallih al-houm, en véritable otage et pion du Makhzen ne disposant ni de légitimité ni de moyens à la hauteur de ses ambitions, ne semble parier que sur l'effet et l'impact que produiraient son discours et ses effets de manches sur les responsables du F.Polisario, c'est-à-dire Absolument rien !

En tout cas, à la lumière de la certitude (illusoire) que semble nourrir Ikhallih Al-Houm dans sa capacité d'honorer ses engagements à l'égard de l'État marocain (l'aider à se débarrasser du boulet du Sahara Occidental en relançant la politique initiée avec les résultats que l'on sait, il y a quelques années, par l'homme fort du Royaume, Idriss Al-Basri, « la patrie est clémente et miséricordieuse » ) et de sa « naïveté » (réelle ou feinte) de vouloir croire que le Makhzen serait en mesure de lui accorder effectivement, en contrepartie de ses éventuels services, le titre du grand manitou du Sud ainsi que tous les privilèges qui en découleraient, l'on ne peut que conclure, à l'avance et dès à présent, à l'échec inévitable d'une entreprise, qui, parce qu'elle n'est qu'une énième tentative effectuée de la part des autorités marocaines d'éviter l'inévitable, une décolonisation en bonne et due forme du Sahara Occidental, ne peut que se révéler un réel et cuisant échec pour ceux qui l'ont conçue et imaginée.

Les affirmations solennelles d'Ikhallih al-houm sur sa capacité de résoudre « définitivement » la question du Sahara Occidental, ne peuvent être comprises et perçues que comme que de pieux mensonges destinées, en réalité, à dissimuler les inavouables et sordides intérêts que le « président » n'a cessé de poursuivre hier, en tant que national-franquiste et aujourd'hui en tant que « sujet » de « Sa Majesté ».

N'est-il pas temps pour lui de comprendre que l'on ne peut pas naviguer à contre-courant et que les traîtres qui s'évertuent à vouloir barrer la route de l'émancipation devant leurs peuples, les maintenir dans l'indignité et la servitude, comme il a toujours essayé désespérément de le faire depuis des décennies, ne peuvent échapper à la sanction qu'ils méritent, l'échec cuisant de leurs entreprises et la condamnation implacable de l'histoire ?

22.04.06


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