Un quart de siècle de solidarité

XXVIème conférence européenne de soutien au peuple sahraoui

Bruxelles, 24, 25 et 26 novembre 2000

 

Discours de Mohamed Abdelaziz, Secrétaire général du Front Polisario et Président de la RASD, 24.11.00

 

Monsieur le président de la coordination des comités européens
Honorables Parlementaires
Honorables membres du corps Diplomatique
Ami (e)s solidaires
Mesdames, Messieurs,

C'est pour moi un grand honneur et un immense plaisir de m'adresser à vous à l'occasion de la 26ème conférence de la coordination des comités qui tient, aujourd'hui, ses assises en Belgique.

Oui, nous fêtons ainsi, l'an 26 de la solidarité et du soutien au peuple Sahraoui. Cela fait un quart de siècle que ce mouvement d'amitié, de solidarité et de soutien aux droits du peuple sahraoui a pris forme. Ainsi les comités de solidarité, dont l'action était éparpillée, ont décidé, sous la houlette et l'impulsion de Pierre Galand et d'autres amis, de coordonner leur action, accorder leurs projets d'aide, pour leur imprimer toute l'efficacité, et devenir ainsi le creuset où se forge une solidarité chaque fois plus importante, et se tissent des liens indéfectibles entre vous et nous et, au-delà, entre vos peuples et le peuple bénéficiaire : le peuple Sahraoui.

C'est pourquoi il m'échoit l'honneur, au nom des femmes des enfants, des hommes qui continuent à souffrir le martyr de l'exil et de ceux et celles qui subissent encore les affres de l'occupation, de rendre un hommage appuyé, à notre ami et frère Pierre Galand et à travers lui au Comité de solidarité, à OXFAM belge et à la Task Force pour s'être déployés sans compter pour que cet événement puisse être organisé dans les meilleures conditions possibles.

Y a-t-il besoin de rappeler que lorsque l'agression a été déclenchée en 1975 contre le peuple Sahraoui, que celui-ci fuyait les bombardements au phosphore et au napalm de l'aviation marocaine, puissamment soutenue par l'intervention éhontée de la France, les aides nous parvenaient de l'Algérie s¦ur, mais aussi d'OXFAM Belgique présidée alors par Pierre Galand, fondateur du comité de soutien belge, oui Monsieur Pierre Galand qui ne s'est jamais départi de son attitude solidaire résolue, décidée à l'égard du peuple Sahraoui comme pour d'autres causes de justice. Un homme de droit et principe que nous saluons et saluons tous ses amis

Cette conférence est rehaussée par la présence d'une importante délégation venue représenter dans sa grande diversité l'Algérie S¦ur, oui l'Algérie qui accueille le peuple sahraoui en détresse, oui l'Algérie qui fut et reste un sol de solidarité pour le peuple sahraoui, une référence et un recours pour tous les mouvements de libération qui ont combattu le colonialisme et l'oppression. De même, j'aimerais exprimer la reconnaissance du peuple sahraoui au sénateur Mme Benhabyles dont le dynamisme prouve combien est populaire et profonde la solidarité algérienne avec la lutte juste que mène le peuple sahraoui pour l'autodétermination et la liberté.

Sont également présents avec nous des amis qui ont effectué un long et puisant trajet comme M. Rafel Correa Flores, Président del Parlamento Latino ainsi que les députés qui l'accompagnent. Nous apprécions leur geste et leur demandons d'être les interprètes de nos sentiments d'amitié et de gratitude à tous les membres de leur Assemblée, au grand peuple du Venezuela et à notre Cher Ami le président Hugo CHAVEZ.

Que toutes et tous ceux qui nous honorent de leur présence à cet acte aujourd'hui trouvent le témoignage de notre gratitude et de notre profonde reconnaissanceŠNos remerciements vont également à tous les amis de la solidarité là où ils se trouvent.

Mesdames, Messieurs,

Comme chacun sait la question du Sahara Occidental est une question de décolonisation, sa solution réside dans l'exercice par le peuple Sahraoui de son droit à l'autodétermination à travers un référendum d'autodétermination. A cet effet, un plan de règlement, élaboré conjointement par l'ONU et l'OUA, accepté aussi bien par le POLISARIO que par le Royaume du Maroc, est entré en phase d'application avec l'établissement d'un cessez-le-feu en septembre 1991 et le déploiement des premiers contingents de la MINURSO (Mission des Nations Unies pour un Référendum au Sahara Occidental )

Malgré tous les obstacles et les embûches érigés devant elle par le Maroc, la MINURSO est parvenue à établir, après cinq années de dur labeur, la liste provisoire des votants comme elle a entrepris d'autres tâches tel le pré-enregistrement en vue du rapatriement des réfugiés.

En somme la MINURSO était en train de progresser dans son travail, sur la base d'un calendrier arrêté par le Conseil de sécuritéŠ et, voilà, qu'un coup d'arrêt lui est imposéŠ

L'attitude obstructionniste du Maroc n'a d'explication autre que la conviction de celui-ci que, au rythme où allaient les choses, le référendum ne pouvait déboucher que sur l'indépendance. Des complicités au niveau du Conseil de sécurité ont fait le reste. A cet égard, la responsabilité d'une grande puissance européenne est indéniablement engagée, une puissance qui persiste à considérer que la garantie de ses intérêts au Maghreb ne peut être assurée qu'avec la perpétuation des divisions et des tensions dans cette régionŠ Tant pis alors, pour la démocratie, la liberté et autres principes fondateurs de la République.

Le Maroc justifia d'abord sa volte-face par la question des recours. Mais il réalisa vite que, à moins que l'éligibilité soit décidée par un tribunal exclusivement marocain en lieu et place de la Commission d'identification, il n'avait aucune chance de changer substantiellement la liste déjà publiée par les Nations Unies. Le refus de la délégation marocaine de discuter de tout ce qui touche de près ou de loin la question du référendum et notamment l'identification des électeurs, lors des rencontres tenues sur l'initiative de Baker à Genève et à Berlin, est édifiant à cet égard.

Désormais, le Maroc développe un discours et une démarche clairement en rupture avec le plan de paix qu'il veut remplacer par des propositions visant à légitimer et à perpétuer le fait accompli et son occupation coloniale de notre territoire, ce que nous rejetons sans appel.

Ce dessein auquel certains ont donné par pudeur malsaine le nom de 3ème voie, n'est autre qu'une conspiration pour attenter aux droits inaliénables du peuple Sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance. Une tentative en somme pour saborder le plan de paix faisant fi de la légalité internationale.

Mesdames, Messieurs,

Par cette attitude, le nouveau pouvoir au Maroc confirme que, malgré les espoirs nourris par certains, il persévère sur la voie de l'intransigeance. Une voie qui signifie plus encore de souffrances, plus de répression, plus de jugements arbitraires pour les sahraouis.

Jusqu'à quand alors, l'Europe va-t-elle continuer à se voiler la face devant une telle réalité ?

Jusqu'à quand, le processus de décolonisation du Sahara occidental va-t-il continuer d'être détourné au profit d'analyses imposées par les desiderata de la puissance d'occupation, ou par les intérêts temporels et immédiats de certaines puissances ?

La stabilité et la paix au Maghreb, comme ailleurs aussi, ne peuvent être réalisées sans démocratie et développement économique. Une solution juste du conflit du Sahara occidental ouvrira de réelles perspectives pour la stabilité et la coopération dans notre région. Participer à pérenniser le martyr du peuple sahraoui est une curieuse et macabre manière de recherche de la paix et de la concorde dans le nord ouest africain.

L'Europe, malheureusement, continue de se taire devant la politique coloniale du Maroc et le refus de celui-ci de souscrire à la légalité internationale. Certains pays sont partenaires de la politique d'exploitation illégale de nos richesses halieutiques et minièresŠ.d'autres participent à l'effort de guerre marocainŠle maintien de plus de 100.000 soldats d'occupation au Sahara occidental pèse encore lourdement sur le budget du Maroc !

Les sahraouis luttent, depuis plus d'un quart de siècle, pour le droit de vote, le droit le plus élémentaire à décider librement de leur destin. Peut-on être encore plus en phase avec l'Europe des libertés, du respect des droits humains et de la démocratieŠUne Europe qui de la Bosnie au Timor oriental en passant par le Kosovo a montré sa capacité à faire plier les tyrans et à faire triompher le droit des peuples.

En tout état de cause, le peuple Sahraoui met en garde contre les glissements et les déviations qui ne peuvent que réduire à néant tant d'efforts accomplis par la communauté internationale avec surtout la coopération du Front Polisario.

Est-il besoin de redire devant ce parterre, que nous prenons à témoin, qu'il n'est pas question pour le peuple Sahraoui, pour le Polisario et pour le gouvernement de la R.A.S.D de souscrire à d'autres engagements que ceux pris et assumés dans le cadre du plan de paix. Toute approche voulant se substituer au verdict du peuple sahraoui sera vouée à l'échec. Le plan de règlement, accepté par les deux parties, adopté par le Conseil de sécurité et pour la mise en application duquel la Communauté internationale a consenti patience et moyens considérables reste la seule voie de solution du conflit. Son abandon signifie la rupture du cessez-le-feu et la fin de la mission de la MINURSO.

Aussi, c'est l'occasion de lancer du haut de cette tribune un appel à l'Europe en général et à l'Union européenne en particulier pour se ressaisir et mettre un terme à la politique de complaisance vis à vis du Maroc dans sa violation flagrante des droits de l'homme au Sahara occidental. Cette Europe, si généreuse envers le Maroc, a les moyens de persuader celui-ci de prendre le chemin de la légalité internationale de respecter ses engagements afin de permettre au peuple Sahraoui d'exprimer librement sa volonté à travers un référendum d'autodétermination libre, juste et transparent.

Nous ne dirons jamais assez les responsabilités lourdes qu'assume l'Europe dans le déclenchement et la poursuite de ce conflitŠ

Je souhaite plein succès aux travaux de cette 26ème Conférence de coordination de la solidarité avec le peuple sahraoui.

Merci.


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