LE COURRIER DE FRANCE

 

N° 05 - juillet- août 1998

 

Edité par la Représentation du F. POLISARIO en France
11, rue Le Châtelier, 75017 Paris, tél : +33.1. 44 15 99 46
Responsable de la publication :
Fadel Ismael

SOMMAIRE

ONU

  • Résolution 1185 du Conseil de Sécurité
  • Identification
  • Crédit à la Minurso

RASD

  • Charles Dunbar rencotre une délégation sahraouie
  • Session ordinaire du Parlement sahraoui
  • Réaction du F. Polisario aux déclaration de Youssoufi
  • Sensibilisation aux mines anti-personnel
  • Territoires occupés : intimidation avant le référendum
  • Le F. Polisario appelle Rabat à une meilleure volonté politique

DROITS DE L'HOMME

  • Rapport annuel du CICR
  • 50ème session de la Sous-commission des droits humains
  • Suite aux manifestations de Lemseyed

EUROPE

  • Pays-Bas : Plateforme"Vrede voor de Westelijke Sahara"
  • Hongrie : Des voix de solidarité avec le peuple sahraoui
  • Pression sur les Sahraouis en Europe

AMERIQUE DU NORD

  • Parlementaires US au Sahara Occidental
  • Chambre des Représentants des USA: appel au déminage du S.O.

MAROC

  • Sit-in à Rabat de solidarité avec Serfaty
  • Protestation marocaine contre Al Jazira
  • Hauts officiers marocains morts dans un accident aérien

 

DOCUMENTS

  • Interview de monsieur Charles Dunbar, representant special du secrétaire général des nations unies pour le S. O.
  • Rapport du Secrétaire général de l'ONU (S/1998/634, 10.7.98)

SOLIDARITE

  • Jeunesse
  • Femmes

PRESSE

  • POUR ! (N° 17, mai-juin 1998)
    Le Maroc secoué, Mounir Youcef
  • LIBERATION (24 juin 1998)
    Droits de l'homme : la dette


O.N.U.

Résolution 1185 du Conseil de Sécurité

 

Identification : Bilan au 7 août 1998 :
Personnes convoquées depuis décembre 1997: 113.677.
Personnes identifiées depuis décembre 1997: 84.646
Personnes identifiées depuis août 1994: 144.758.

Crédit à la Minurso
L'Assemblée Générale de l'ONU a alloué, le 29 juin 1998, à la MINURSO, pour la période du 1er juillet au 30 octobre 1998, un crédit de 22 749 540 dollars (Arso, Actualités Hébdomadaires n°25).


R.A.S.D.


Charles Dunbar rencotre une délégation sahraouie
Le représentant spécial du Secrétaire genéral des Nations Unies s'est entretenu, le 3 juillet 1998, au centre de la MINURSO à Tindouf, avec une délégation sahraouie, composée de MM. M'hamed Khaddad, coordinateur du F. Polisario avec la MINURSO et Brahim Ghali, ministre chargé des territoires occupés.

Session ordinaire du Parlement sahraoui
Sous la présidence d'Abdelkader Taleb-Omar et en présence du Premier Ministre Mahfoud Ali Beiba et de son cabinet, le Conseil National Sahraoui (Parlement) a tenu une session ordinaire du 20 au 27 juin 1998. L'ordre du jour comprenait l'évolution du processus d'identification, le programme gouvernemental et les divers projets ministériels à longue et moyenne échéance, ainsi que des thèmes concernant l'économie, la planification, l'administration et la gestion des affaires de l'Etat.
Les 7 commissions spécialisées dans les domaines sociaux, politiques et militaires ont poursuivi leurs travaux jusqu'au 29 juin. Elles présenteront ensuite leurs propositions aux députés. Les ministres soumettront également leurs projets concernant en particulier le rapatriement des réfugiés dans les zones libérées en collaboration avec le HCR.

Réaction du F. Polisario aux déclaration de Youssoufi
En réaction aux déclarations du Premier Ministre marocain, qui a accusé le 28 juin 1998 le F. Polisario d'être responsable du retard du processus d'identification et qui a estimé que le référendum est un "lux" et que l'intégration du Sahara Occidental "a été faite en 1976", le représentant du F. Polisario en France, Fadel Ismail, a fait, le 1er juillet 1998, la déclaration suivante :
«Alors que l'ONU, par l'entremise de la MINURSO, s'emploie activement à préparer la tenue du référendum d'autodétermination au Sahara Occidental, le Maroc vient de donner la preuve qu'il ne prend pas du tout au sérieux cet effort. (...) Notre étonnement est d'autant plus grand lorsque Youssoufi prétend souhaiter que l'accord de Houston "soit respecté", alors que c'est justement Rabat qui renie aujourd'hui son engagement concernant l'accord signé par les deux parties à Houston, portant sur la question des tribus contestées. Comment peut-on concilier le respect des Accords de
Houston sur la tenue d'un véritable référendum d'autodétermination du peuple sahraoui et affirmer en même temps que ce référendum ne peut être qu'une simple "formalité" et que la question est "résolue" depuis 1976 ?! (...) Nous constatons que plus l'échéance du référendum approche, plus la position du Maroc se précise davantage: Rabat est contre la tenue du référendum, car il est certain de le perdre. Alors faute de pouvoir l'empêcher, il multiplie les difficultés pour le retarder le plus longtemps possible. La communauté internationale le laissera-t-elle faire ?»

Sensibilisation aux mines anti-personnel
A la demande du gouvernement de la RASD, "Norwegian People's Aid", ONG norvégienne, a élaboré un projet de formation et de sensibilisation aux dangers des mines pour les réfugiés sahraouis. Des centaines de milliers, voire des millions de mines antipersonnel et des objets non explosés ont été dispersés au Sahara Occidental, séquelles de la guerre. Les Sahraouis seront confrontés à ce problème lors du rapatriement et durant bien des années après.
Le projet comporte une première phase de sensibilisation aux dangers que représentent les zones contaminées du Sahara Occidental. Les groupes de réfugiés à haut risque sont identifiés et des équipes de formation mises sur pied. Dans la phase de consolidation, le projet s'adressera à tous les candidats au retour.
Par la suite il est prévu d'aborder les différentes formes d'aide possible en rapport avec les mines : surveillance, marquage, déminage et assistance aux victimes. Depuis début juin une équipe de 4 personnes est dans les camps, elle a débuté les cours de formation des instructeurs sahraouis au centre de formation professionnelle de Gazouani (Arso).

Territoires occupés : intimidation avant le référendum
Des vols, des bagarres et des agressions nocturnes de colons marocains contre des Sahraouis se multiplient depuis début mai au Sahara Occidental. Le but de ces exactions est de justifier l'intervention de l'appareil répressif marocain dans les quartiers sahraouis, non pour protéger les Sahraouis, mais pour mieux contrôler leurs activités politiques et pour les intimider en vue du référendum.

Le F. Polisario appelle Rabat à une meilleure volonté politique
Dans une déclaration faite le 21 juillet 1998, M. Salek Boubih, ambassadeur de la RASD à Alger, a déclaré que "compte tenu du retard dans l'opération d'identification", la date prévue pour l'organisation du référendum sera retardée. Il a rejeté la responsabilité du retard de l'opération d'identification sur le Maroc, appelant Rabat à "faire preuve d'une meilleure volonté".
"Il y a actuellement une grande chance de paix que les parties en conflit n'ont pas eu durant 25 ans passés et qu'il faudrait saisir afin de trouver une solution definitive à la question du Sahara Occidental", a-t-il ajouté. Il a qualifié de "positif et objectif" le dernier rapport du Secrétaire genéral de l'ONU Kofi Annan, soulignant que le Polisario était "disponible à coopérer d'une manière sérieuse et responsable" avec la MINURSO.
Concernant l'opération d'identification, M. Salek Boubih a indiqué qu'il ne restait à examiner que le cas de "15.000 à 18.000 personnes appartenant à des tribus qui ne sont pas sujets à conflit" entre les deux parties, ajoutant que la MINURSO pourrait ensuite examiner le cas de 65.000 autres personnes que "le Maroc a proposé d'identifier", estimant toutefois que ces personnes "sont des Marocains qui n'ont aucun lien avec le Sahara Occidental, ni avec les tribus sahraouies".


EUROPE


Pays-Bas : Plateforme"Vrede voor de Westelijke Sahara"

Des délégué-es de différentes organisations politiques, sociales et religieuses représentant les diverses couches de la population néerlandaise ont constitué une plateforme "Vrede voor de Westelijke Sahara" (Paix pour le Sahara Occidental) aux Pays-Bas.
Ses membres se veulent concernés par le conflit du Sahara Occidental, sont convaincus qu'une solution juste doit être trouvée et que la décolonisation du territoire doit se réaliser rapidement à travers un référendum d'autodétermination. Le but fondamental de la plateforme "Vrede voor de Westelijke Sahara" est de soutenir l'action de la MINURSO, par l'envoi sur place d'observateurs lors du référendum prévu l'an prochain.

Hongrie : Des voix de solidarité avec le peuple sahraoui

Pression sur les Sahraouis en Europe

La pression psychologique sur les Sahraouis vivant à l'étranger est souvent très forte. En Allemagne, des Sahraouis sympathisants du Polisario reçoivent jusqu'à 20 lettres par semaine de la part de Marocains, mais aussi de membres de leur famille vivant dans les zones occupées. Dans ces lettres on leur demande de retourner dans leur "patrie marocaine". Souvent les familles sont contraintes d'écrire de telles lettres. On leur promet d'importants avantages matériels. Parfois Le harcèlement se manifeste aussi par des téléphones nocturnes. Dans les universités, les gares et les aéroports les Sahraouis sont souvent abordés par des Marocains qui les entraînent contre leur gré dans des discussions (Westsahara Wochenspiegel No 27).


Amérique du Nord


Parlementaires US au Sahara Occidental - Le républicain Lester Munson et le démocrate Celes Hugles, membres du Congrès américain, ont effectué, du 10 au 11 juillet 1998, une tournée d'information au Sahara Occidental. A El Ayoun ils ont rencontré des responsables de la MINURSO ainsi que des responsables locaux puis ont visité les bureaux de la MINURSO à Smara, où sont en poste quelques observateurs américains, avant de se rendre à Tindouf.

Chambre des Représentants des USA: appel au déminage du S.O. - Revenant des camps de réfugiés sahraouis qu'il a visité récemment, le député Joseph Pitts a déclaré, le 21 juillet 1998, devant la Chambre des Représentants qu'il avait été profondément impressionné par la force et la détermination de la population sahraouie qui vit dans des conditions très dures. Evoquant les obstructions du Maroc au plan de paix, en particulier les entraves au déploiement de l'unité de déminage suédoise, il a appelé le royaume du Maroc à revoir sa position ainsi que l'a demandé l'ONU.
M. Pitts a évoqué, le 29 juillet 1998, le problème des prisonniers de guerre au Sahara Occidental. Il a rencontré dernièrement dans les camps sahraouis 84 prisonniers de guerre marocains, libérés par le Front Polisario en signe de bonne volonté, auxquels le Maroc ne permet pas de rentrer dan leur propre pays. Il a également rencontré l'AFAPREDESA, l'ONG sahraouie qui s'occupe des 526 Sahraouis toujours portés disparus. M. Pitts demande au Maroc de revoir sa politique, de rechercher les personnes disparues et d'accepter le retour de ses propres soldats libérés par le Front Polisario.
Le député Joseph R. Pitts est intervenu, le 5 août 1998 à la chambre des représentants us, pour rappeler les préoccupations exprimées par le Secrétaire général dans son dernier rapport et souligner qu'un référendum libre, régulier et transparent au Sahara Occidental est vital pour la paix et la stabilité de l'Afrique du Nord.


Maroc


Sit-in à Rabat de solidarité avec Serfaty - Le «Comité national d'action pour le retour dans son pays, le Maroc, du militant marocain Serfaty» a organisé, le 24 juillet 1998, un sit-in de protestation devant le siège du ministère des droits de l'Homme à Rabat. Les quelques 150 manifestants, une grande majorité d'anciens détenus politiques et anciens compagnons de détention de Serfaty ont entonné des slogans pour le retour de l'opposant et contre le Makhzen. Une délégation a été reçue par le Ministre marocain des droits de l'Homme, qui s'est engagé à rapporter la requête des manifestants au premier ministre. (AP)
Il faut rappeler que la cour suprême marocaine a rejeté, le 16 juillet 1998, la demande d'Abraham Serfaty d'annulation de l'arrêté d'expulsion du Maroc, prononcé à son égard le 12 novembre 1991.
Abraham Serfaty a estimé que "l'instance suprême de la justice marocaine (...) s'est disqualifiée comme justice. J'avais toujours dit (...) que nous avions
affaire à un double pouvoir : le pouvoir démocratique du premier ministre et le pouvoir "makzénien" [féodal] qu'incarne le ministre de l'intérieur, Driss Basri. Cet arrêt montre que ce pouvoir makzénien reste le plus fort".
Me Berrada, qui a assuré la défense de M. Serfaty, a dénoncé ce qu'il appelle «une imposture». «Que la cour suprême ose faire ce qu'elle a fait, cela me désespère de ce pays, de mon pays, et j'ai honte d'être marocain. (...) Tout Marocain peut désormais se voir contester sa marocanité. On peut le mettre immédiatement dans un avion et l'expulser. (...) Nous sommes tous désormais présumés étrangers. Nous sommes tous des Serfaty à partir d'aujourd'hui», a-t-il ajouté.

Protestation marocaine contre Al Jazira - Le Maroc a protesté officiellement, le 6 août 1998, auprès du Qatar contre une émission de la chaîne arabe de TV "Al Jazira" consacrée au Sahara Occidental. L'émission aurait accordé une grande place au dirigeant du Polisario Mohammed Abdelaziz et un temps comparativement très court aux déclarations du premier ministre marocain (Al Hayat, Londres).

Hauts officiers marocains morts dans un accident aérien - Lors d'un accident d'hélicoptère (12.08.98) entre Smara et Tan-Tan, le général de brigade Abid Tria ainsi que les officiers qui l'accompagnaient ont perdu la vie. Tria était chef de secteur de l'importante région militaire de Haouza. Titulaire depuis peu du grade le plus élevé de l'armée marocaine, il a participé, au début des années 1980, à la mise en place des murs dans le secteur militaire de la Saguia el-Hamra. De nombreux changements ont eu lieu dernièrement dans l'armée marocaine. De nombreux officiers ont été invités à la retraite. Certains observateurs pensent que l'accident du Général Tria rappelle un peu celui du Général Dlimi.


Droits de l'Homme


Rapport annuel du CICR

Les 1 887 prisonniers de guerre marocains aux mains du Front Polisario ont presque tous été visités par le CICR. Les médecins de l'organisation ont noté un nombre croissant de personnes nécessitant des traitement médicaux. Une liste des 362 prisonniers les plus vulnérables a été établie et transmise aux autorités sahraouies et marocaines. Les 85 prisonniers de guerre libérés par le Front Polisario sont toujours refusés par le Maroc, ce pays refusant tout rapatriement ne concernant pas l'ensemble des prisonniers. En résumé le CICR en 1997 a visité 1 969 prisonniers de guerre marocains, transmis 51 841 messages et 2 000 paquets entre prisonniers et leurs familles et contribué aux soins médicaux des prisonniers marocains et de la population sahraouie. (AH, 3/8/98)

50ème session de la Sous-commission des droits humains (Genève, 3-28.08.98)

Lors de son intervention le 05.08.98 le CETIM a regretté que les Nations Unies n'aient pas pris toutes les mesures qui s'imposent pour permettre la tenue d'un référendum libre et régulier au Sahara Occidental. Le Maroc continue de faire obstacle au plan de paix, les médias ne peuvent couvrir librement le processus. Le territoire doit être dès à présent ouvert aux observateurs et aux médias, ce qui permettra d'assurer la transparence du vote et le respect des droits humains après le référendum.

Suite aux manifestations de Lemseyed

L'AFAPREDESA a communiqué, le 27 juillet 1998, que Mustapha Malaïnine Suelem, incarcéré à la prison d'Inezgane près d'Agadir avec 7 autres Sahraouis à la suite des manifestations de Lemseyed en février 1998, a été transféré à Safi où il est détenu avec les condamnés de droit commun, suite à son refus de signer une demande de grâce royale imposée par les autorités marocaines. La famille de Mustapha demande qu'il soit transféré dans la région où elle réside et que son statut de prisonnier d'opinion soit reconnu. Dautre part, les 8 Sahraouis emprisonnés protestent contre le fait qu'ils n'ont pas été autorisés à se présenter à l'identification. Voici leurs noms et leurs numéros d'écrou:

28 691 - Mohamed el Abd el Mokhtar
28 692 - Mohamed Fadel Ali Lahcen
28 693 - Larabass Mohamed Abdullah
28 694 - Sidati H'Meida Lafghir
28 695 - Hemida Yahdih Abidi
28 696 - Abdelhamid Ahmed Ramdan
28 697 - Mohamed Salem Najem Laaroussi


Solidarité avec le Sahara Occidental


Jeunesse - La troisième conférence internationale de solidarité de la jeunesse avec le Sahara Occidental se tiendra à Lisbonne du 1er au 10 août 1998 (Arso).

Femmes - Une rencontre de solidarité entre femmes d'Europe et l'Union Nationale des Femmes Sahraouies aura lieu les 25 et 26 septembre 1998 dans les campements de réfugiés sahraouis. (Un vol charter, au départ de Madrid le 24 septembre et retour le 28 septembre 1998 est à la disposition des personnes concernées).


DOCUMENTS


1. Interview de monsieur Charles Dunbar, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara Occidental (Tindouf, le 3-7-98, Ronny Hansen, freelance)


2. Rapport du Secrétaire général de l'ONU (S/1998/634, 10.7.98)


PRESSE


POUR ! (N° 17, mai-juin 1998)

Le Maroc secoué

Par Mounir Youcef

Curieusement tues par les médias français, les premières manifestations violentes n'en sont pas moins réelles. Seules des quotidiens belges, néerlandais et algériens ont donné quelques informations. Le GIC, groupe islamique combattant, revendique le renversement de la monarchie au Maroc.

A la mi-avril, le quotidien bruxellois Le Soir publie une partie des conclusions de l'enquête de la justice belge sur le démantèlement d'un réseau de soutien aux GIA, à Isselles. Stupeur chez les limiers belges : le dit réseau constituait, en fait, une cellule d'une nouvelle organisation terroriste, le Groupe Islamique combattant, GIC, dont l'acte fondateur était consigné dans un opuscule d'une cinquantaine de pages. Objectif du GIC : renverser le roi Hassan II et instaurer, au Maroc, une république islamique. Les policiers belges ne sont pas au bout de leurs surprises. Ils découvrent une liste de personnalités marocaines à abattre, une autre de sites touristiques et économiques à saboter et enfin une véritable documentation pour la formation du terroriste "de base ", de l'initiation à la fabrication de bombes artisanales au maniement des armes de guerre en passant par l'usage de multiples identités. Dans sa littérature le GIC s'inscrit dans la philosophie des GIA. Il licite le sang de ceux qui sont au pouvoir et leurs "suppôts ". Par suppôts, il entend tous ceux qui refusent de prendre les armes pour l'instauration de la chariâ. Il s'inscrit également dans l'internationalisme des GIA. Pour les dirigeants du GIC, la république islamique marocaine n'est qu'une étape pour intégrer le "Grand Khalifat" mondiale esquissé, en 1993, par Gousmi Cherif, alias Abou Abdallah, chef du GIA, abattu en août 1994. Le GIC, tout en revendiquant son origine et ses ambitions marocaines, reste néanmoins un mouvement supranational. Cela étant, l'islamisme marocain n'est pas né avec le GIC. Il a tour à tour, été instrumentalisé, toléré, réprimé, récupéré, puis à nouveau réprimé par les services marocains.

Première manifestation officielle

Sa première manifestation officielle a eu lieu en 1973, une année après la deuxième tentative de coup d'état menée par le tout-puissant général Mohamed Oufkir. Cette année-là, une association religieuse appelée Chabiba Islamiya, Jeunesse islamique, a commencé à faire parler d'elle en organisant des raids contre les étudiants trop marqués à gauche. Le caractère national de l'organisation est indéniable. Ses actions sont commises simultanément à Casablanca, Rabat et Tanger, soit dans les trois grands centres universitaires du pays. Elle servait de véritable police dans les campus universitaires. Son président, Abdelkrim Moutii, un inspecteur de l'enseignement primaire commençait à devenir célèbre et ses prêches enregistrés en cassette audio circulaient sous le manteau. Les services marocains infiltrent l'organisation pour l'amener à l'assassinat en 1975 de Omar Benjelloun, un dirigeant de l'USFP, parti de gauche aujourd'hui au pouvoir. La manoeuvre est habile, elle permet l'élimination d'un adversaire politique brillant et la décapitation de la , devenue quelque peu encombrante. Abdelkrim Moutii fuit la répression et s'exile en Libye. Depuis, il sillonne l'Europe en vue de redynamiser la Chabiba dans l'immigration marocaine, notamment en Belgique et en Hollande. Mais Abdelkrim Moutii n'est pas la seule grande figure de l'islamisme marocain.

En 1974, Abdessalam Yassine, un collègue de Moutii - il est également inspecteur de l'enseignement primaire est envoyé en asile psychiatrique : il a osé envoyer une lettre ouverte à Hassan II lui conseillant d'adopter comme unique source de droit la Chariâ. Trois ans après il est déclaré "guéri ". Il maintient son cap politique et fait publier un périodique aux relents islamistes. Il est à nouveau arrêté en 1986. A sa sortie de prison, il crée El Adl Oual Ihsane, - Justice et bienfaisance -. Il est depuis en résidence surveillée, à Salé, dans la Banlieue de Rabat. Son organisation est interdite, mais cela n'empêche pas ses membres d'être très actifs et de faire des déclarations publiques.

L'officiel et l'officieux - Officiellement les formations islamistes n'existent pas dans le paysage politique

marocain. Mais les associations religieuses sont légion. L'une d'elles, Al Islah Ouat Tajdid, -Réforme et Renouveau-, a trouvé la parade pour être présente dans la vie politique. Elle phagocyte un parti existant mais qui n'est qu'une carcasse, joliment appelé Mouvement populaire pour la Démocratie constitutionnelle. Quatre députés le représentent dans la chambre basse du Parlement marocain.

Le traitement du dossier islamiste par les services marocains est marqué par une certaine ambiguïté. Moutii est condamné à mort par contumace, Yacine en résidence surveillée, mais les islamistes algériens ont toujours eu des facilités de déplacement sur tout le territoire du Maroc. En 1994, Abdelhak Layada, Emir national du GIA est repéré au Maroc. Il réside à Oujda, ville frontalière avec l'Algérie. Le numéro deux des services de renseignements algériens va au Maroc avec un gros dossier. Le "matériel " est des plus convaincant : photo de Layada, écoutes téléphoniques, et adresses de tous les lieux de passage des armes à destination de l'Algérie. Driss Basri, ministre marocain de l'Intérieur tergiverse et gagne du temps. Un beau jour, il appelle le général Khaled Nezzar, alors ministre algérien de la défense : le roi souhaite le recevoir. Nezzar fait le voyage et est accueilli aussitôt. Le roi lui propose un deal, en paraphrasant Larbi Ben Mhidi : " Donnez-moi le Polisario, je vous donne le GIA ". Refus ferme de Nezzar. Le Maroc livre finalement Layada après six mois de contact, alors qu'une convention d'extradition lie les deux pays.

Une autre grande figure de l'islamisme algérien armé est toujours au Maroc : Said Makhloufi Membre fondateur du FIS, il est l'auteur de l'opuscule La désobéissance civile, bible des intégristes en 1991. Entré dans la clandestinité en mai de cette année-là, il crée le Mouvement pour l'Etat islamique, MEI, dans le sud-ouest algérien. Quand la guerre entre les factions islamistes a commencé, ses troupes ont été décimées. Il s'est enfui au Maroc où il coule des jours heureux.

Le GIC a décidé de passer à l'offensive en 1998. Certaines sources parlent d'assassinat de policiers une soixantaine depuis janvier-. Le gouvernement marocain nie officiellement et met cela sur le compte d'allégations de journalistes manipulés par les services algériens. Pourtant, loin des micros et des caméras, les autorités marocaines demande à l'Algérie une collaboration dans la lutte contre l'internationale islamiste. Au Caire, à l'occasion de la réunion des ministres arabes de l'Intérieur, autour de laquelle une charte contre le terrorisme a été adoptée, Driss Basri a eu des entretiens avec son homologue algérien pour appuyer cette demande.

LIBERATION (24 juin 1998)

Droits de l'homme : la dette

Malgré des avancées, trop de cas restent en suspens.

Comment tourner la page de ce qu'on appelle ici "les années de plomb", cette période noire dont le bagne de Tazmamaret fut l'un des symboles, où des hommes, après avoir été torturés, pouvaient mourir à petit feu, oubliés de tous ? Une époque que tous ici disent révolue, mais qui pose un problème épineux au nouveau cabinet.

La volonté du Premier ministre n'est pas en cause et il l'a signifié. " Une démocratie soucieuse des règles de droit ne peut souffrir que le doute pèse sur la transparence, l'équité et la célérité de la justice ", déclarait-il, en avril, dans un discours devant le Parlement en précisant que le gouvernement "s'engageait à régler définitivement les situations restant en suspens ". Mais la nouvelle équipe doit compter, en la matière, avec l'approche divergente du ministre de l'Intérieur Driss Basri, symbole de ces années noires. Refusant de rendre des comptes sur le passé ou d'en porter le chapeau, celui-ci a tendance à balayer d'un revers de main toute question des organisations des droits de l'homme sur "les dossiers en suspens", voire à leur proposer un gentleman agreement permettant de repartir à zéro.

Un bureau d'Amnesty. Ces organisations reconnaissent pourtant les "avancées" du Maroc. Un centre des Nations Unies "pour l'information et la formation en droits humains " devrait bientôt ouvrir ses portes au Maroc, tandis qu'Amnesty International y tiendra, l'an prochain, son congrès. Au cours d'un récent colloque à Marrakech, Mary Robinson, le haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, saluait, quant à elle, les progrès réalisés, non sans avoir constaté que tout le monde ne parlait pas à l'unisson sur ce problème.

La visite très orageuse, début juin au Maroc, de Pierre Sané, le secrétaire général d'Amnesty, venu inaugurer le bureau de son organisation, en aura fourni la preuve. L'hebdomadaire Maroc Hebdo International s'en est fait l'écho, critiquant violemment " la manière disproportionnée " dont ce dernier a été reçu "comme un chef d'Etat ", sous-entendu par le gouvernement. " Qui répond à Sané ? Personne. Qui lui apporte la contradiction ? Personne. Qui défend le bilan du Maroc ? Personne. ", écrit Maroc hebdo en accusant Amnesty de "donner une image périmée et obsolète " du pays.

Objet du litige : le mémorandum de l'organisation humanitaire. Celui-ci salue, certes, les "changements positifs intervenus au Maroc dans les dernières années notamment entre 1991 et 1994 " (Libération de plus de 300 "disparus " qui avaient passé plus de dix-huit ans en détention secrète ; de 400 détenus d'opinion, commutation de plus de 190 condamnations à mort et changements dans la législation). Mais ce rapport demande aussi au gouvernement de "résoudre et de tourner la page, une fois pour toutes, sur les violations du passé et le climat d'impunité qui entoure les violations passées et présentes ".

Indemniser les "disparus". Trois questions restent en fait en suspens : celles des "disparus, des prisonniers politiques et les cas d'Abraham Serfaty et du leader islamiste Abdeslam Yassine. Le mystère plane encore sur le sort de 78 "disparus ". Des familles ignorent toujours ce qu'il est advenu des leurs. Les rescapés n'ont pas été indemnisés alors qu'ils vivent dans des situations terriblement précaires. " Notre demande d'indemnisation n'est pas une question d'argent, explique un ancien "disparu ". Car si l'Etat accepte de nous indemniser, il reconnaît sa faute. C'est la seule manière de tourner définitivement la page. " " Il faut en finir avec les privations de passeport et les tracasseries administratives à l'encontre des anciens détenus qui sont toujours considérés comme suspects ", estime, de son côté, Abdelaziz Bennani, le président de l'organisation marocaine des droits de l'homme.

Prisonniers politiques. Restent les détenus politiques, dont le ministre de l'intérieur nie l'existence, comme celle des disparus. Si moins de personnes ont été arrêtées pour leurs opinions depuis 1991 et si les peines de prison ont été généralement plus légères que dans les années 1980, Amnesty estime qu'il reste encore aujourd'hui (sans parler des détenus sahraouis) une cinquantaine de prisonniers politiques, en majorité islamistes. L'organisation humanitaire demande qu'ils soient "libérés ou rejugés dans des procès équitables ".

Plus emblématiques sont les cas de Abraham Serfaty, qui souhaite rentrer dans son pays après sept ans d'exil en France et dix-sept ans de prison au Maroc, et de Yassine, maintenu sans procès en résidence surveillée depuis 1989, et dont la libération pendant vingt-quatre heures, en 1995, avait provoqué un déferlement autour d'une mosquée de Casablanca, lors de la prière du vendredi. Une cour d'appel devrait, quoi qu'il en soit, statuer cette semaine sur la nationalité de Serfaty. " Son retour dépend de cette décision de justice ", se contente de dire à ce sujet le ministre de l'Intérieur qui a, par ailleurs, marqué sa mauvaise humeur en ne fournissant pas de récépissé officiel au bureau d'Amnesty. Le gouvernement, lui entend visiblement ne pas se laisser entraîner dans une polémique sur ce sujet et "donner du temps au temps ". Non sans avancer sur la voie d'une réforme de la justice, jugée "indispensable pour instaurer un Etat de droit ".

L'écrivain Gilles Perrault " La dernière chance du Maroc "

L'écrivain Gilles Perrault, l'homme par qui le scandale était arrivé en 1990 avec Notre ami le roi (éd.Gallimard), un livre réquisitoire contre les violations des droits de l'homme au Maroc, est prêt à reconnaître que quelque chose a bougé dans le royaume chérifien. Sur le plan des droits de l'homme, d'abord, " indéniablement des progrès ont été faits ", déclare l'écrivain à Libération, même si, ajoute-t-il, " Le pouvoir tarde à donner des réponses sur la situation des disparus ". Sur le plan politique, ensuite, " une chance est offerte pour plus de démocratie, avec tout de même des points d'interrogation énormes ". Parmi les atouts de la période, il y a, selon lui, "la personnalité insoupçonnable du Premier ministre de l'Intérieur. Sa vie entière plaide pour lui ". Au rang des inquiétudes, le maintien du ministre de l'Intérieur Driss Basri à son poste : " Tant que cet homme régnera sur le ministère de l'Intérieur, on peut se poser la question de l'avenir de l'expérience. "

Evolution. Le roi est-il devenu pour autant l' " ami " de Gilles Perrault ? " le roi est intelligent, il a très bien compris, au début des années 90, qu'il fallait lâcher du lest. Il a dû accepter d'évoluer. " Mais l'écrivain s'inquiéte : " Ce qui se passe aujourd'hui est la derniére chance du Maroc. Si l'expérience échoue, c'est la voie ouverte aux islamistes. " Et Gilles Perrault de conseiller à ses " amis marocains " de ne pas " jouer la politique du pire ", car, même au Maroc, " le pire n'est jamais sûr. Ce qui se passe est formidablement positif. "


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