Lettre ouverte au gouvernement japonais
à l'égard du problème du Sahara Occidental
à l'occasion de la 3ème conférance de TICAD
(Tokyo International Conference on African Development)

 

 

le 12 mai 2003

 

A l'attention des
Monsieur Junichiro KOIZUMI
Premier Ministre
Madame Junko KAWAGUCHI
Ministre des Affaires Etrangères

 

La troisième conférence de TICAD se tiendra à Tokyo en octobre 2003. Dans l'organisation de cette manifestation d'envergure internationale qui porte sur le développement en Afrique, le gouvernement japonais joue un rôle primordial.

Nous estimons que la conférence a une signification importante car c'est à travers elle que le gouvernement japonais définira sa politique extérieure vis-à-vis du continent africain.

Nous notons que lors des conférences précédentes en 1993 et 1998, le Maroc a été invité alors qu'il occupe illégalement le Sahara Occidental, ce problème n'ayant d'ailleurs jamais été abordé, comme s'il n'existait pas. Nous ne pourrons pas accepter que cet attitude soit de nouveau adoptée dans la troisième conférence et si le Maroc est invité à TICAD III, doit être également invité un représentant du Sahara Occidental qui est reconnu aux Nations Unies comme un territoire non autonome, distinct du Maroc. Dans le cas où l'invitation de celui-ci serait impossible, le Maroc n'a pas sa place dans la conférence.

Le gouvernement japonais a exprimé, à plusieurs occasions comme au TICAD ou aux colloques sur les conflits africains, sa volonté et sa capacité de contribuer à la prévention et la résolution des conflits en Afrique ; il a participé à l'envoi de ses forces d'autodéfense ou de délégation d'observateurs dans les processus électoraux. A contrario, il n'a pas donné de contribution dans la MINURSO créée en 1991. De ce fait, on peut conclure que le gouvernement japonais ne s'est guère exprimé et n'a pas agi positivement en faveur d'une solution juste et pour la tenue du référendum d'autodétermination pour le règlement de la colonisation du Sahara Occidental. Cette position passive apparaît non seulement dans les débats des Nations Unies, mais aussi dans sa mission d'information au public sur ce problème.

D'ailleurs il est étonnant de ne pas voir le nom du Sahara Occidental dans la liste de tâches des départements comme celui de Moyen Orient et Afrique, publiée dans la page web du Ministère des Affaires Etrangères. Ainsi, tout cela pourrait nous conduire à considérer que le gouvernement japonais reconnaît du fait l'occupation marocaine du Sahara Occidental.

Dans la situation actuelle, inviter seulement le Maroc, qui est l'une des deux parties au conflit au Sahara Occidental, à une conférence de telle envergure comme le TICAD, se peut interpréter comme le rejet de la neutralité qui est une condition requise dans l'engagement à la solution du conflit et par conséquent un appui ouvertement exprimé au Maroc.

Par conséquent nous vous adressons les questions suivantes et vous prions de nous donner la réponse sincère d'autant plus qu'il s'agit de l'attitude politique du gouvernement japonais sur le problème du Sahara Occidental, voire sa politique extérieure sur l'Afrique. Nous espérons la recevoir avant le 30 mai 2003.

D'autre part, nous portons à votre connaissance que cette lettre ouverte a été présentée aux personnes ou organisations du soutien, japonais et étrangers et la même procédure est prévue pour votre réponse. Ainsi, au cas où nous ne la recevrions pas, nous devrions en faire état.

1. La République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), membre en plein droit de l'OUA depuis 1982, a participé de fait aux conférences à tous les niveaux de l'organisation et continue de jouir au même titre dans la Union Africain née en juillet 2002. Or, bien que la relation avec l'UA soit indispensable pour la tenue de la conférence du TICAD, la RASD n'est pas invitée. Quelle en est la raison, cette attitude n'exprimerait-elle pas une sous-estimation de la décision politique africaine?

D'autre part, le fait que le gouvernement japonais ne reconnaisse pas la RASD avec laquelle il n'a pas établi de relation diplomatique et que la RASD ne soit pas membre de l'ONU, ne doit pas être une raison pour ne pas l'inviter. En effet, dans les conférences internationales, surtout celles dont l'objet est économique, la participation de la Corée du Nord et Taiwan n'a pas posé le problème au Japon pour mettre ces pays autour de la table.

2. La Nations Unies ne reconnaissant pas l'annexion du territoire du Sahara Occidental, considèrent celui-ci comme territoire de non autonomie et cherchent, jusqu'à aujourd'hui, une solution à travers l'exercice du droit à l'autodétermination, dans un référendum. Cependant, la position du Maroc va à l'encontre de la volonté de la communauté internationale en posant des problèmes aux critères de l'identification des votants, en tournant le dos à l'accord de Houston de 1996 et en signant le contrat d'exploration pétrolière au Sahara Occidental avec des pays étrangers. Il est à signaler que le département des affaires juridiques des Nations Unies a mis en lumière par son avis du 29 janvier 2002 que le contrat d'exploitation pétrolière avec le Maroc violerait la légalité internationale.

Bien que le Maroc occupe ainsi illégalement le Sahara Occidental et que cela soit une menace pour la paix et la sécurité régionale, base du développement, pour quelle raison le gouvernement japonais l'invite-t-il à la conférence du TICAD, alors qu'il n'est pas le membre de Union Africaine? Considère-t-il que le Maroc représente la volonté du peuple du Sahara Occidental?

Avec nos salutations distinguées,

Association Japon-Sahara: Kagawa
Campagne pour le Sahara Occidental: Tokyo
Noriko AOYAGI (Traductrice)
Midori IIJIMA(Professeur adjointe à l'Université Rikkyo)
Hideaki UEMURAÅiProfesseur adjoint à l'Université KeisenÅj
Satoshi UKAIÅiProfesseur à l'Université HitotsubashiÅj
Kenji OHKIÅiAssociation Japon-Timor EstÅFShimonosekiÅj
Naohiko OHKUMA
Kazuo OHTAÅiDirecteur de l'Association Japonaise pour la Recherche de PaixÅj
Mari OKAÅiProfesseur adjointe à l'Université KyotoÅj
Tomonari KASUGA
Toshio KADOKURA (Lecteur à l'Université chretienne de Ibaraki)
Naoko KAWAKAMI (Association Japonaise pour la Recherche de Yoseba)
Ichiro KAWABE (Professeur adjoint à l'Université Aichi)
Yoko KITAZAWA (Directeur-générale de l'Association Japonaise pour la Recherche de Paix)
Akira KUSUHARA (Professeur à l'Université Kokugakuin)
Keiko SAIGA (Lecteur à l'Université Osaka-Sangyo)
Masaaki SATAKE (Professeur à l'Université Shikoku-gakuin)
Keiko SHINGO (Traductrice)
Yukitoshi SUNASO (Professeur à l'Université de Kumamoto)
Toshiyuki TAKABAYASHI (Professeur adjoint à l'Université Shikoku-gakuin)
Shinichi TAKEUCHI
Junko TAKEUCHI (Professeur adjointe à l'Université des études étrangères de Kobe)
Misato TODA (Professeur à l'Université Bunkyo)
Chizuko TOMINAGA (Professeur à l'Université de femmes de Miyagi-gakuin)
Yasuko NUKATA (Université de femmes de Osaka)
Tamio NOMURA (Amnistie Internationale: Japon)
Kiiko HIROMITSU (Lecteur à l'Université Shimane)
Kiyoko FURUSAWA (Professeur adjointe à l'Université Keisen)
Noboko MURAKAMI (Traductrice)
Yoshihiko MURATA (Comite CHT : Japon)
Jun MORIKAWA (Professeur à l'Université Rakuno)
Takao YAMAGAMI
 

Le 4 juin 2003
 

A l'attention de M. Toshiyuki TAKABAYASHI

Association Japon-Sahara, Kegawa

 

Je vous prie de trouver ci-dessous la réponse à votre lettre ouverte datée du 12 mai 2003.

Notre pays apporte des efforts divers et constants pour l'installation de la paix en Afrique. Aux travaux de TICAD ou au Sommet du G8 le gouvernement japonais s'est engagé, en collaboration avec la communauté internationale, à la résolution des conflits ou à l'instauration du paix, et il a l'intention de continuer à faire des efforts avec ses principaux partenaires pour la résolution des problèmes en Afrique.

A l'égard de la question du Sahara Occidental que vous avez évoquée, les Nations Unies ont pris l'initiative et déployé des efforts pour la résolution du conflit. Bien que le Secrétaire Général de l'ONU ait présenté dans son rapport du 19 février 2002 quatre options concrètes pour aboutir à une solution, comme vous le savez, le Conseil de Sécurité n'arrive pas encore à trouver d'issue. Notre pays souhaite que le problème du Sahara Occidental trouve sa solution pacifique et immédiate à travers la discussion entre les deux parties et apporte son soutien aux efforts du représentant du Secrétaire Général.

Quant à la question de la participation du Sahara Occidental à la troisième conférence de TICAD, il faut tenir compte du fait que notre pays ne reconaît pas la "République Arabe Sahraouie Démocratique" et que le problème du Sahara Occidental n'est pas encore résolu malgré l'initiative et les démarches onusiennes pour sa résolution. Dans pareille situation, nous considérons qu'inviter la "République Arabe Sahraouie Démocratique" à la Conférence TICAD III, qui se tient sur l'initiative de notre gouvernement et dont il est un des organisateurs, serait anticiper sur le positionnement de la communauté internationale à l'égard de cette question.

Pour cette raison, notre pays n'invitera pas la "République Arabe Sahraouie Démocratique" à la Conférence de TICAD III. D'autre part, le Royaume du Maroc étant une nation concernée par le développement africain, il est invité à cette Conférence.

Quoi qu'il en soit, notre pays souhaite que le problème du Sahara Occidental se résolve rapidement sous les auspices des Nations Unies et dans ce but il poursuivra ses efforts.

Veuillez agréer, Messieurs, mes sincères salutations.

Toshitsugu Umezawa
Chef de la deuxième section pour l'Afrique
Département du Moyen-Orien et de l'Afrique
Ministère des Affaires Etrangères, Japon


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