Nations Unies

S/2003/565
Conseil de sécurité

Distr. générale

23 mai 2003

Français
Original: anglais

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Rapport du Secrétaire général sur la situation concernant le Sahara occidental

I. Introduction

1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 1469 (2003) du Conseil de sécurité en date du 25 mars 2003, dans laquelle le Conseil, réaffirmant toutes ses résolutions précédentes relatives au Sahara occidental, en particulier sa résolution 1429 (2002) du 30 juillet 2002, a prorogé le mandat de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) jusqu'au 31 mai 2003 et m'a prié de lui présenter, avant le 19 mai, un rapport sur la situation concernant le Sahara occidental, notamment sur les vues des parties relatives à la proposition que mon Envoyé personnel leur a présentée en janvier 2003. Le présent rapport traite de l'évolution de la situation depuis mon rapport précédent au Conseil sur la situation concernant le Sahara occidental en date du 16 janvier 2003 (S/2003/59).

II. Évolution de la situation sur le terrain

A. Activités de mon Représentant spécial

2. Au cours de la période considérée, mon Représentant spécial pour le Sahara occidental, M. William Lacy Swing (États-Unis d'Amérique), a continué d'avoir des combats réguliers avec les représentants des parties. Il s'est entretenu régulièrement avec des représentants du Gouvernement marocain et du Frente Popular para la Liberación de Saguía el-Hamra y del Río de Oro (Front POLISARIO) à Laayoune et dans la région de Tindouf, afin de maintenir le contact avec eux et de suivre l'évolution de la situation sur le terrain. Il s'est aussi entretenu avec des responsables des parties et des pays voisins à l'occasion de ses visites à Rabat en février et à Tindouf, Alger et Nouakchott, en avril.

3. Du 4 au 7 mars, mon Représentant spécial s'est entretenu, à Genève et à Rome, avec des responsables du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et du Programme alimentaire mondial (PAM) afin d'examiner avec eux les moyens de résoudre les questions humanitaires liées au conflit qui sont en suspens, notamment l'application de mesures de confiance par le HCR en coopération avec la MINURSO; les pénuries alimentaires persistantes dans les camps de réfugiés de la région de Tindouf; et les prisonniers de guerre marocains et les personnes portées disparues par l'une et l'autre parties depuis le début du conflit. Il s'est également entretenu avec des représentants des grands pays donateurs.

B. Activités de la Commission d'identification

4. Au cours de la période considérée, la Commission d'identification a poursuivi l'archivage électronique des 244 643 dossiers des personnes qui ont demandé à être inscrites sur la liste des électeurs pour le référendum au Sahara occidental. Elle a achevé son travail à la mi-mai, de sorte que tous les dossiers sont désormais scannés, et archivés et stockés sur des disques durs et des disquettes de secours afin que leurs données soient sauvegardées dans les meilleures conditions de sécurité.

C. Aspects militaires

5. Au 10 mai 2003, la composante militaire de la MINURSO comptait 229 observateurs militaires et membres de contingents, par rapport à un effectif autorisé de 230 personnes (voir annexe I). Sous le commandement du général de division Gyorgy Száraz (Hongrie), elle a continué à surveiller le cessez-le-feu entre l'Armée royale marocaine et les forces militaires du Front POLISARIO, entré en vigueur le 6 septembre 1991. Pendant la période à l'examen, la zone placée sous la responsabilité de la Mission est restée calme et rien sur le terrain n'autorise à penser que l'une ou l'autre partie entend reprendre prochainement les hostilités.

6. Les patrouilles terrestres et aériennes de la MINURSO ont continué à opérer des deux côtés du mur de défense (berm), en se rendant pour les inspecter auprès des unités terrestres de l'Armée royale marocaine et du Front POLISARIO dont les effectifs sont supérieurs à ceux d'une compagnie, conformément aux arrangements relatifs au cessez-le-feu conclu entre la MINURSO, d'une part, et l'Armée royale marocaine et le Front POLISARIO, d'autre part. Les forces armées de l'Armée royale marocaine et celles du Front POLISARIO ont poursuivi leurs activités de maintenance et de formation habituelles.

7. Le Front POLISARIO continue à imposer des restrictions mineures à la liberté de mouvement de la MINURSO. Ces restrictions n'empêchent pas la Mission de surveiller la situation à l'est du berm mais ses patrouilles aériennes et terrestres gagneraient en efficacité si elles disposaient d'une entière liberté de mouvement.

8. La MINURSO a continué à coopérer avec les parties en ce qui concerne le marquage et l'élimination des mines et des munitions non explosées. Pendant la période considérée, elle a découvert et marqué 14 mines et munitions non explosées et surveillé 16 opérations de destruction de mines menées par l'Armée royale marocaine. Le 19 février, le Front POLISARIO a signalé l'explosion d'une mine, qui a tué un civil dans la zone placée sous la responsabilité de l'équipe de la Mission en poste au site de Mijek (secteur sud). La MINURSO aide également le Service de l'action antimines du Département des opérations de maintien de la paix à préparer à l'intention du personnel militaire et civil des Nations Unies en poste dans la région un atelier de lutte contre les mines terrestres et les munitions non explosées au Sahara occidental, qui se tiendra en Mauritanie du 25 au 28 juin 2003.

9. La mise en place, au sein de la MINURSO, d'une unité de gestion de l'information pour l'action anti-mines, qui utilisera le Système de gestion de l'information pour l'action anti-mines, est en cours; cette unité doit devenir opérationnelle au deuxième semestre de 2003. À la demande du Service de l'action anti-mines, le Centre international de Genève pour le déminage humanitaire aide la MINURSO à installer le Système de gestion de l'information pour l'action antimines et à assurer les formations et à maintenir et améliorer les logiciels nécessaires, et il lui fournit des services d'appui généraux à mesure que la mise en place de l'unité susmentionnée progresse. Cette unité permettra à la MINURSO de compléter les données sur les mines et les munitions non explosées qu'elle a recueillies au fil des années, et qui lui serviront pour planifier toute action de déminage future dans la région.

D. Police civile

10. Au 10 mai, la composante police civile de la MINURSO comptait 26 membres (voir annexe I), placés sous le commandement de l'inspecteur général Om Prakash Rathor (Inde). Elle a continué à assurer la protection des fichiers et des documents confidentiels rassemblés dans les centres de la Commission d'identification à Laayoune et Tindouf. Les activités de formation se sont poursuivies, notamment les réunions d'information du HCR, sur le rapatriement librement consenti vu sous l'angle de la protection et les instruments internationaux relatifs aux réfugiés.

E. Prisonniers de guerre, autres détenus et personnes portées disparues

11. Mon Représentant spécial a continué à essayer de faire admettre au Front POLISARIO qu'il doit libérer les prisonniers de guerre qu'il détient encore et aux deux parties qu'elles doivent aider activement le Comité international de la Croix- Rouge à déterminer ce qu'il est advenu des personnes portées disparues. Le 7 février, il s'est rendu dans un centre de détention de la région de Tindouf dans lequel des prisonniers de guerre étaient toujours détenus.

12. Le 26 février, le CICR a rapatrié au Maroc 100 prisonniers de guerre dont le Front POLISARIO avait annoncé la libération le 10 février comme suite à la demande d'un État Membre. Le Front POLISARIO détient toujours 1 160 prisonniers de guerre, dont certains depuis plus de 20 ans.

F. Réfugiés sahraouis

13. Comme je l'ai déjà indiqué, un haut fonctionnaire du HCR et mon Représentant spécial ont eu des entretiens avec les parties en novembre et décembre 2002 sur l'application des mesures de confiance du HCR. Les Gouvernements algérien et mauritanien ont été consultés au sujet des activités proposées. Quoique d'accord en principe avec lesdites mesures, le Front POLISARIO et le Gouvernement marocain ont exprimé des vues divergentes sur le mode de sélection des réfugiés de la région de Tindouf qui seraient autorisés à rendre visite aux membres de leur famille se trouvant au Sahara occidental. Les tentatives de compromis ont échoué jusqu'à présent, aucune des deux parties n'étant disposée à revenir sur sa position quant à l'utilisation de la liste provisoire des électeurs pour choisir lesdits réfugiés.

14. Le HCR et mon Représentant spécial n'en ont pas moins continué à s'efforcer d'appliquer les mesures de confiance, en mettant l'accent sur les activités qui n'étaient pas contestées. Mon Représentant spécial s'est entretenu séparément avec des représentants du Front POLISARIO et du Gouvernement marocain en février en vue d'examiner les mesures de confiance réduites et simplifiées proposées par le HCR, selon lesquelles celui-ci assurerait des services téléphoniques et des services de courrier et de messagerie électronique limités entre certains camps de réfugiés de la région de Tindouf et le territoire. Cette nouvelle proposition ne prévoyait aucune activité impliquant des mouvements de personnes de part et d'autre du berm, bien que de telles activités puissent être envisagées à un stade ultérieur. À la suite de ces entretiens, en mars, le Front POLISARIO et le Gouvernement marocain ont donné officiellement leur accord pour le lancement de ces services limités. Mon Représentant spécial en a informé les Gouvernements algérien et mauritanien en avril.

15. En conséquence, le 15 avril, le HCR a mis en service une liaison téléphonique gratuite à sens unique entre le camp de réfugiés dit du 27 février et le territoire. Le 16 avril, le Front POLISARIO a demandé que cette liaison soit suspendue jusqu'à la fin avril afin de pouvoir prendre les dispositions logistiques nécessaires pour que les réfugiés de camps éloignés qui ne bénéficient pas de services téléphoniques puissent se rendre au centre téléphonique du HCR pour y téléphoner. Au 14 mai, la liaison téléphonique n'avait pas encore été rétablie. Vu son utilité pour les contacts personnels, le HCR et mon Représentant spécial continueront à plaider en faveur de son rétablissement dans les meilleurs délais.

16. Le HCR prévoyait également d'assurer, à compter du 15 mai, des échanges bidirectionnels de courrier personnel entre les camps de réfugiés de Tindouf et la ville de Laayoune, dans le territoire. Ces échanges ont été retardés à la demande du Gouvernement marocain, qui souhaite connaître les résultats de nouvelles consultations avec le HCR concernant les modalités de leur mise en oeuvre.

17. Le HCR reste prêt à rétablir la liaison téléphonique suspendue, à assurer les échanges de courrier prévus et à commencer, en étroite collaboration avec la MINURSO, à préparer l'extension de la liaison téléphonique au camp d'El Ayun à la mi-juin, puis à d'autres camps de réfugiés ultérieurement, ainsi que l'extension des échanges de courrier personnel à d'autres villes du Sahara occidental. Tout cela suppose, bien entendu, que des fonds soient disponibles, que l'intérêt des bénéficiaires se maintienne et que les parties coopèrent pleinement.

18. Bien que, de manière générale, l'aide alimentaire aux réfugiés sahraouis de la région de Tindouf se soit légèrement améliorée, il y a toujours des pénuries d'aliments d'une importance aussi vitale que les céréales et les huiles végétales et le niveau global de l'aide apportée par les donateurs au programme d'assistance du PAM aux réfugiés sahraouis reste faible.

G. Union africaine

19. Le 20 février, une délégation de haut niveau de représentants de l'Union africaine s'est rendue dans les camps de réfugiés de la région de Tindouf pour évaluer la situation et faire un don symbolique de 100 000 dollars aux réfugiés. Le 22 avril, le Président par intérim de la Commission de l'Union africaine, M. Amara Essy, s'est entretenu dans la région de Tindouf avec des dirigeants du Front POLISARIO.

20. Au cours de la période considérée, la délégation d'observation de l'Union africaine auprès de la MINURSO, dirigée par l'Ambassadeur Yilma Tadesse (Éthiopie), a continué à apporter un soutien précieux à la Mission et à coopérer avec elle.

III. Aspects financiers

21. Dans sa résolution 56/298 du 27 juin 2002, l'Assemblée générale a ouvert pour inscription au Compte spécial de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental, au titre de l'exercice allant du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003, un crédit d'un montant brut de 43 412 900 dollars comprenant 41 529 500 dollars pour le fonctionnement de la Mission, 1 681 900 dollars pour le compte d'appui aux opérations de maintien de la paix et 201 500 dollars pour la Base de soutien logistique des Nations Unies à Brindisi (Italie). Du 29 avril 1991, date d'entrée en fonctions de la MINURSO, au 30 avril 2003, le montant total des dépenses de fonctionnement de la Mission s'est élevé à 495,2 millions de dollars.

22. Au 30 avril 2003, le montant des contributions non acquittées au titre du compte spécial de la MINURSO s'élevait à 54 452 011 dollars et le montant total des contributions non acquittées au titre de l'ensemble des opérations de maintien de la paix s'élevait à 1 375 914 354 dollars.

IV. Évaluation des progrès réalisés et des problèmes rencontrés depuis la nomination de mon Envoyé personnel

23. Dans mon rapport du 20 juin 2001 au Conseil de sécurité (S/2001/613), j'ai décrit de façon assez détaillée les difficultés auxquelles s'était heurtée l'ONU au cours des 11 années précédentes dans les efforts qu'elle déploie pour faire appliquer le plan de règlement (S/21360 et S/22464 et Corr.1). Malgré ces efforts, le processus d'identification des électeurs en vue du référendum a connu des impasses répétées. Après une impasse particulièrement longue, qui a duré de la fin de 1995 au début de 1997, j'ai nommé M. James A. Baker III mon Envoyé personnel en mars 1997 et lui ai demandé d'évaluer, en consultation avec les parties, l'applicabilité du plan dans sa forme actuelle; d'examiner s'il y serait possible d'y apporter des ajustements acceptables pour les deux parties qui augmenteraient sensiblement les chances de le voir mis en oeuvre dans un avenir proche; et, dans la négative, de m'indiquer d'autres moyens pour régler le conflit. À l'issue d'une tournée dans la région, au cours de laquelle mon Envoyé personnel s'est entretenu avec les dirigeants des deux parties et des pays voisins, il m'a informé qu'aucune des parties ne s'était montrée disposée à chercher une solution politique en dehors de l'application du plan de règlement.

24. De l'avis de mon Envoyé personnel, le seul moyen réaliste d'évaluer l'applicabilité du plan consistait à organiser des pourparlers directs entre les parties. Il n'était pas sans savoir, cependant, que les efforts déployés jusqu'à présent par l'ONU pour organiser des pourparlers directs avaient échoué, principalement à cause de la réticence du Gouvernement marocain à avoir des contacts directs avec le Front POLISARIO.

25. Sur l'invitation de mon Envoyé personnel, les parties se sont rencontrées à Lisbonne le 23 juin 1997, ce qui constituait le premier contact direct entre elles depuis de longues années, pour discuter de questions de fond. Cette réunion n'a duré qu'une journée, les deux parties hésitant à accepter la proposition présentée par mon Envoyé personnel pour concilier leurs positions sur le processus d'identification, au motif qu'elles devaient consulter leurs dirigeants avant de répondre. Cette façon de procéder devait devenir une habitude, confirmée au cours des trois séries ultérieures de pourparlers directs tenues en 1997, qui illustre la forte réticence des parties à accepter les propositions qui leur sont faites pour concilier leurs positions sur les questions qui font obstacle à l'application du plan de règlement. Cependant, grâce à la persévérance de mon Envoyé personnel et de son équipe, au cours d'une série de pourparlers qui s'est tenue à Houston, (Texas, États-Unis) du 14 au 16 septembre 1997, les parties sont parvenues à un accord sur toutes les questions où il y avait des divergences dans leurs positions. Les textes connus depuis sous le nom d'« Accords de Houston » (S/1997/742, annexe III) permettaient de reprendre le processus d'identification et, par conséquent, l'application du plan de règlement.

26. Aux paragraphes 27 à 29 de mon rapport de juin 2001 (S/2001/613) j'ai décrit les graves difficultés auxquelles on s'est heurté pour exécuter et mener à son terme le processus d'identification et énuméré les principaux problèmes qui restaient à régler par rapport au plan de règlement après la conclusion des Accords de Houston en septembre 1997. On lit dans ce rapport que, depuis l'achèvement du processus d'identification à la fin de 1999, un total de 131 038 recours avaient été déposés auprès de la MINURSO. Les procédures de recours promettaient d'être encore plus lentes, plus pesantes et plus controversées que le processus d'identification lui-même, qui avait duré cinq ans et demi.

27. Dans ces conditions, au début de 2000, j'ai demandé à mon Envoyé personnel d'entreprendre de nouvelles consultations avec les parties et les pays voisins. Après s'être rendu dans la région du 8 au 11 avril, mon Envoyé personnel m'a fait savoir qu'il serait nécessaire de convoquer une réunion entre les parties afin d'examiner les problèmes relatifs à l'application du plan de règlement et des Accords de Houston, ainsi que d'autres approches éventuelles.

28. La première d'une série de trois réunions qui se sont tenues en 2000 a eu lieu à Londres le 14 mai. Les représentants des pays voisins, l'Algérie et la Mauritanie, y étaient également présents. La réunion n'a pas réussi à régler les problèmes opposant les parties. Mon Envoyé personnel leur a donc demandé de présenter à la réunion suivante des solutions concrètes aux multiples problèmes relatifs au plan de règlement sur lesquelles elles pourraient tomber d'accord, ou, si cela n'était pas possible, d'être prêtes à examiner d'autres façons de parvenir à un règlement rapide, durable et concerté de leur différend sur le Sahara occidental.

29. Au cours de la deuxième réunion, qui s'est tenue le 28 juin à Londres, chacune des parties a précisé les domaines &endash; touchant principalement aux procédures de recours et au rapatriement des réfugiés &endash; qui, selon elles, présentaient des difficultés pour la mise en oeuvre du plan. Cependant, aucune d'elles n'a formulé de propositions précises sur lesquelles elles pourraient s'entendre afin de régler les multiples problèmes auxquels se heurtait l'application du plan. Mon Envoyé personnel leur a alors rappelé qu'il restait, à son avis, d'autres problèmes à régler, à savoir la mise en oeuvre des résultats du référendum, la libération des prisonniers de guerre et des détenus politiques du Sahara occidental et les problèmes éventuels liés à l'application du Code de conduite pour la campagne du référendum.

30. Mon Envoyé personnel s'est également déclaré préoccupé de ce que les parties n'aient pas réussi jusqu'alors à trouver une solution négociée à ces problèmes à cause du degré élevé d'animosité qui subsistait entre elles. Selon lui, aucune des deux parties ne s'était montrée disposée à se défaire d'une mentalité selon laquelle le gagnant emporte tout ni à examiner d'éventuelles solutions politiques dans le cadre desquelles chacune obtiendrait non la totalité, mais une partie de ce qu'elles voulaient, et permettrait à l'autre de faire de même. Après avoir demandé en vain aux parties de formuler des propositions concrètes pour sortir de l'impasse, mon Envoyé personnel a estimé que la réunion avait aggravé les divergences de vues entre les parties au lieu de marquer un progrès.

31. Néanmoins, mon Envoyé personnel, estimant qu'une solution politique était possible moyennant un dialogue direct entre les parties, a demandé à celles-ci de se rencontrer à nouveau pour essayer de parvenir à une solution politique. Il a alors rappelé aux parties que, si elles acceptaient d'envisager une solution politique autre que le plan de règlement, elles n'engageraient pas leurs positions finales, étant donné que, selon les règles de ces consultations, il n'y aurait d'accord sur rien tant qu'il n'y aurait pas d'accord sur tout.

32. La troisième réunion des parties tenue sous les auspices de mon Envoyé personnel a eu lieu à Berlin le 28 septembre 2000. Pendant les discussions sur l'état d'avancement du plan de règlement, les parties ont réitéré leurs positions; l'une et l'autre, cependant, ont réaffirmé leur volonté de coopérer avec l'Organisation des Nations Unies. Mon Envoyé personnel a fait observer aux parties qu'il entendait les mêmes arguments et les mêmes promesses de coopération depuis 1997 et qu'il était par conséquent sceptique quant à la valeur à leur accorder.

33. Mon Envoyé personnel a rappelé qu'au début de la réunion, il avait demandé aux parties si elles étaient venues avec des positions nouvelles concernant l'une ou l'autre des questions à l'étude. Ni l'une ni l'autre ne l'avait fait. Il lui semblait, dans ces conditions, qu'il n'y avait de part et d'autre aucune volonté politique de faire avancer les choses. Il a quand même rappelé qu'il y avait plusieurs manières de réaliser l'autodétermination : on pouvait y parvenir par la guerre ou par la révolution; par des élections, mais c'était une solution qui exigeait de la bonne volonté; ou encore par un accord, comme les parties à d'autres différends l'avaient fait. Lorsque mon Envoyé personnel a demandé aux parties si elles seraient prêtes à essayer ce dernier moyen sans pour autant abandonner le plan de règlement, elles ont toutes les deux réaffirmé leur attachement au plan, tout en exprimant des divergences fondamentales sur la façon d'en concevoir la mise en oeuvre.

34. Mon Envoyé personnel a alors suggéré que les parties étudient les moyens de faire progresser la question de la procédure de recours, comme le souhaitait le Front POLISARIO, et qu'en même temps elles cherchent une solution politique, comme le demandait le Conseil de sécurité dans sa résolution 1309 (2000) du 25 juillet 2000. La délégation marocaine a fait observer que la question des recours avait été débattue à perte de vue et que le sujet était maintenant épuisé. Pour le Maroc, si l'examen de la question était bloquée, c'était en raison des positions prises et non en raison de problèmes techniques.

35. Mon Envoyé personnel a alors demandé aux parties si, sans abandonner le plan de règlement, elles seraient prêtes à chercher une solution politique qui pourrait &endash; ou non &endash; être soumise à un référendum. Le Front POLISARIO a répondu qu'il n'était pas prêt à envisager quoi que ce soit en dehors du plan de règlement. La délégation marocaine, de son côté, a déclaré qu'elle était prête à entamer avec le Front POLISARIO un dialogue sincère et franc, avec l'aide de mon Envoyé personnel, en vue d'élaborer une solution durable et définitive qui tiendrait compte de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du Maroc ainsi que des spécificités de la région, dans le respect des principes démocratiques et de décentralisation que le Maroc souhaitait développer et mettre en oeuvre, en commençant par la région du Sahara.

36. Le Front POLISARIO a rejeté la proposition du Maroc et redit qu'il ne participerait et souscrirait qu'à un dialogue qui s'inscrirait dans le cadre du plan de règlement.

37. À l'issue de ces consultations, mon Envoyé personnel s'est dit d'avis &endash; et je partageais son avis &endash; qu'il ne servirait à rien et pourrait être néfaste que les parties se réunissent à nouveau pour chercher une solution politique tant que le Gouvernement marocain, en tant que puissance administrative au Sahara occidental, n'était pas disposé à proposer ou à accepter de déléguer une partie de ses pouvoirs pour tous les habitants et anciens habitants du territoire, dans le cadre d'une délégation qui soit véritable, importante et conforme aux normes internationales.

38. Au début de 2001, mon Envoyé personnel a pu établir que le Maroc, en tant que puissance administrative au Sahara occidental, était disposé à appuyer un projet d'accord-cadre sur le statut du Sahara occidental (S/2001/613, annexe I) qui envisageait une délégation de pouvoir aux habitants du territoire, en attendant que le statut définitif de ce dernier soit décidé par voie de référendum cinq ans plus tard. Après avoir ainsi déterminé que le Gouvernement marocain était disposé à appuyer le projet d'accord-cadre, mon Envoyé personnel l'a présenté au Gouvernement algérien et au Front POLISARIO qui ont formulé leurs observations (ibid., annexes II et IV).

39. Étant donné les fortes réserves exprimées par le Gouvernement algérien et le fait que le Front POLISARIO n'était pas disposé à examiner le projet d'accordcadre, le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1359 (2001) du 29 juin 2001, a approuvé ma proposition tendant à inviter toutes les parties à se rencontrer face à face ou dans des pourparlers indirects, sous les auspices de mon Envoyé personnel, pour examiner le projet d'accord-cadre et négocier toutes modifications qu'elles souhaiteraient lui voir apporter. Le Conseil a également encouragé les parties à examiner toute autre proposition de règlement politique qui pourrait leur être présentée, pour parvenir à un accord mutuellement acceptable. Le Conseil a affirmé que, pendant que ces pourparlers se poursuivraient, les propositions soumises par le Front POLISARIO dans le but de surmonter les obstacles à l'application du plan seraient examinées.

40. Comme il est dit dans mes rapports du 10 janvier (S/2002/41) et du 19 février 2002 (S/2002/178), une fois la résolution 1359 (2001) adoptée, mon Envoyé personnel a rencontré des hauts responsables du Front POLISARIO et des Gouvernements algérien et mauritanien à Pinedale, dans le Wyoming (États-Unis), en août 2001. Ni le Gouvernement algérien ni le Front POLISARIO n'étaient disposés à entamer un examen approfondi du projet d'accord-cadre, malgré les signes de souplesse manifestés par le Gouvernement marocain et dont mon Envoyé personnel leur avait fait part. Compte tenu des réponses que mon Envoyé personnel avait reçues du Gouvernement algérien et du Front POLISARIO, qui avaient rejeté le projet d'accord-cadre (S/2002/41, annexes I et II), mon Envoyé personnel ne voyait guère comment les parties pourraient accepter finalement de leur plein gré cette formule pour régler leur différend au sujet du Sahara occidental. Il estimait également, avis que je partageais, que la proposition présentée par l'Algérie à la place du projet d'accord-cadre et tendant à ce que l'Organisation des Nations Unies assume la souveraineté sur le Sahara occidental afin d'y appliquer des dispositions qui semblaient identiques à celles du plan de règlement n'avait pas plus de chances que le plan de règlement lui-même de déboucher sur un règlement rapide, durable et concerté du conflit au sujet du Sahara occidental.

41. Par la suite, mon Envoyé personnel a rencontré le Président Abdelaziz Bouteflika et d'autres hauts fonctionnaires du Gouvernement algérien à l'Institut James Baker à Houston, au Texas (États-Unis), le 2 novembre 2001, et par la suite, à deux reprises, le Roi Mohammed VI et des hauts fonctionnaires marocains au Maroc, les 24 et 25 janvier 2002.

42. Comme il est dit dans mes rapports de juin 2001 (S/2001/613) et février 2002 (S/2002/178), mon Envoyé personnel considère, d'après sa propre évaluation des travaux que l'Organisation des Nations Unies a menés au cours des 11 dernières années en vue d'appliquer le plan de règlement &endash; y compris les six années pendant lesquelles il a participé lui-même à ces travaux &endash;, il est fort peu probable que le plan de règlement puisse être appliqué dans sa forme actuelle d'une manière qui permette de parvenir à un règlement rapide, durable et concerté du différend concernant le Sahara occidental.

43. Étant donné l'incompatibilité des positions des parties sur la question de savoir s'il serait possible de négocier des modifications du projet d'accord-cadre (ce que souhaitait le Maroc) ou de la proposition de division du territoire (formule que préféraient l'Algérie et le Front POLISARIO), j'ai proposé au Conseil de sécurité quatre options ne nécessitant pas l'assentiment des parties pour son action touchant le conflit au Sahara occidental (voir S/2002/178).

44. La première option prévoyait que l'Organisation des Nations Unies recommencerait une fois de plus à tenter d'appliquer le plan de règlement, mais sans exiger l'assentiment des deux parties avant qu'une décision puisse être prise. Elle commencerait par la procédure de recours, mais, même en suivant l'approche non consensuelle prévue, elle se serait heurtée au cours des prochaines années à la plupart des problèmes et obstacles qu'elle avait rencontrés durant les 10 dernières années. Il convient de rappeler à cet égard que le Maroc ne s'était pas montré disposé à aller de l'avant avec le plan de règlement; l'Organisation des Nations Unies risquait de ne pas être en mesure d'organiser un référendum libre et régulier dont les résultats seraient acceptés par les deux parties; et il n'y aurait toujours pas de mécanisme pour faire appliquer les résultats du référendum. Dans le cadre de cette option, la Commission d'identification de la MINURSO aurait été renforcée et, de fait, l'effectif total de l'opération aurait été augmenté.

45. La deuxième option prévoyait que mon Envoyé personnel entreprendrait de réviser le projet d'accord-cadre en prenant en considération les préoccupations exprimées par les parties et par d'autres entités ayant l'expérience de ce type de documents. Toutefois, dans une telle éventualité, mon Envoyé personnel n'aurait pas recherché l'assentiment des parties comme cela s'était fait par le passé s'agissant du plan de règlement et du projet d'accord-cadre. L'accord-cadre révisé aurait été soumis au Conseil de sécurité, qui l'aurait présenté ensuite aux parties comme étant non négociable. Si le Conseil avait retenu cette option, l'effectif de la MINURSO aurait pu être à nouveau réduit.

46. La troisième option prévoyait que le Conseil de sécurité demanderait à mon Envoyé personnel d'examiner une dernière fois avec les parties si elles étaient disposées à envisager sous ses auspices, directement ou dans le cadre de pourparlers indirects, la possibilité de diviser le territoire, étant entendu que rien ne serait décidé jusqu'à ce que tout ait été décidé. Suivant cette option, si les parties n'avaient pas pu ou voulu accepter une division du territoire avant le 1er novembre 2002, mon Envoyé personnel aurait été invité à leur soumettre une proposition de division du territoire dont le Conseil de sécurité aurait également été saisi. Celui-ci aurait alors présenté cette proposition aux parties comme étant non négociable. Cette tentative de solution politique aurait eu le mérite de donner partiellement, sinon entièrement, satisfaction à chaque partie et se serait inspirée du précédent constitué par les accords territoriaux aux termes desquels le Maroc et la Mauritanie étaient convenus en 1976 d'une division du territoire, mais sans pour autant reproduire ces accords. Si le Conseil de sécurité avait retenu cette option, l'effectif de la MINURSO aurait pu être maintenu à son niveau actuel, voire réduit.

47. La quatrième option prévoyait que le Conseil de sécurité déciderait de mettre fin aux activités de la MINURSO, ce qui revenait à reconnaître qu'après avoir tenté pendant plus de 10 ans de résoudre le problème du Sahara occidental et avoir dépensé quelque 500 millions de dollars, l'ONU ne pourrait pas le résoudre sans exiger que l'une ou l'autre des parties, ou les deux, fassent des concessions qu'elles se refusaient actuellement à faire.

48. Le Conseil n'est parvenu à un accord sur aucune de ces options. Par sa résolution 1429 (2002), il a continué d'appuyer énergiquement les efforts déployés par moi-même et par mon Envoyé personnel pour trouver une solution politique à ce différend de longue date, et il a invité mon Envoyé personnel à poursuivre ces efforts en gardant à l'esprit les préoccupations exprimées par les parties. Il s'est également déclaré prêt à étudier toute solution assurant l'autodétermination qui pourrait être proposée par moi-même et par mon Envoyé personnel, en consultation avec toutes autres personnes connaissant la question. Le Conseil de sécurité a également demandé à toutes les parties et aux États de la région de coopérer pleinement à cet égard avec moi-même et mon Envoyé personnel.

49. Suite à cette demande, mon Envoyé personnel, assisté d'un spécialiste du droit constitutionnel, a rédigé un plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental (voir annexe II), qu'il a présenté et expliqué aux parties et aux pays voisins au cours de la visite qu'il a effectuée dans la région du 14 au 17 janvier 2003. Mon Envoyé personnel a également communiqué ce plan aux membres du Conseil de sécurité au début du mois de mars. Je considère que ce plan de paix constitue un projet juste et équilibré de solution politique de la question du Sahara occidental, qui accorde à chacune des parties une partie, mais peut-être pas la totalité, de ce qu'elle veut. Il incorpore des éléments du projet d'accord-cadre acceptés par le Maroc ainsi que des éléments du plan de règlement et des Accords de Houston acceptés par les deux parties et favorisés par le Front POLISARIO. Il envisage une période de transition au cours de laquelle il y aura une division des responsabilités entre les parties en attendant la tenue d'un référendum d'autodétermination qui offrirait aux habitants authentiques du Sahara occidental la possibilité de décider de leur avenir. À la différence du plan de règlement, le plan de paix n'exige pas le consentement des deux parties à chacune des étapes de sa mise en oeuvre. On trouvera à l'annexe III du présent rapport les réponses des parties et des pays voisins au plan.

V. Observations et recommandations

50. Après de nombreuses années d'efforts exemplaires déployés par mon Envoyé personnel, le plan de paix proposé offre ce qui pourrait être une solution politique optimale au conflit du Sahara occidental, en donnant aux habitants authentiques du Sahara occidental, à l'issue d'une période de transition adéquate, la possibilité de décider de leur avenir, ce qui favoriserait la paix et la stabilité dans la région et ouvrirait la voie à des échanges et à une coopération accrus entre les pays de l'Union du Maghreb arabe. Combinant des éléments de l'accord-cadre, qui a la préférence du Maroc, et du plan de règlement, que préfère le Front POLISARIO, le plan de paix constitue une formule juste et équilibrée qui donne partiellement, sinon entièrement, satisfaction à chacune des parties. Il s'agit donc d'un compromis et, contrairement au plan de règlement, le plan de paix n'exige pas l'assentiment des deux parties à chaque stade de sa mise en oeuvre.

51. La principale objection du Maroc au plan de paix semble être le fait que l'une des options offertes par le référendum qui doit permettre de déterminer le statut définitif du Sahara occidental est l'indépendance. Or, l'indépendance est également l'un des choix soumis au vote dans le cadre du plan de règlement, que le Maroc a accepté.

52. Il est difficile d'imaginer une solution politique qui assure l'autodétermination, conformément à la résolution 1429 (2002) du Conseil de sécurité, et exclurait en même temps l'option de l'indépendance parmi les questions soumises au vote. La difficulté est d'autant plus grande : a) que le Maroc s'est déclaré favorable au plan de règlement (qui prévoit l'indépendance parmi les deux options soumises au vote, l'autre étant l'intégration au Maroc) depuis de nombreuses années; b) que seraient inclus dans l'électorat aux fins du référendum prévu par le plan de paix tous ceux qui résident de façon continue au Sahara occidental depuis le 30 décembre 1999, et non pas seulement ceux qui seraient inscrits sur la liste électorale établie sur la base des travaux de la Commission d'identification.

53. Il est une modification au plan de paix qui pourrait dissiper les craintes du Maroc quant aux options qui seraient soumises au vote durant le référendum. On pourrait offrir une troisième option prévoyant « le maintien du partage des pouvoirs visé à l'article III du plan de paix », en d'autres termes, l'autodétermination ou l'autonomie. Le Maroc est, depuis un certain temps, favorable au principe de l'autodétermination ou de l'autonomie pour le règlement du conflit au Sahara occidental. Mon Envoyé personnel et moi-même proposons que cette troisième option soit l'un des choix possibles lors du référendum sur le plan de paix. Si aucune des trois options n'obtient la majorité des voix, celle qui aura recueilli le moins de voix sera éliminée et un nouveau référendum sera organisé pour que les électeurs puissent faire un choix entre les deux options restantes. Si c'est la troisième option, à savoir l'autodétermination ou l'autonomie, qui l'emporte, ceux qui seront habilités à participer à l'élection future des organes exécutifs et législatifs de l'Autorité du Sahara occidental seront les habitants authentiques du Sahara occidental âgés de plus de 18 ans.

54. La principale objection que le Front POLISARIO oppose au plan de paix tient, semble-t-il, au fait que ce plan n'est pas le plan de règlement. Le Front POLISARIO propose que les parties reviennent à l'application du plan de règlement, auquel seraient ajoutés les deux nouveaux éléments suivants : a) la Commission d'identification traiterait la totalité des 130 000 recours, sans que la participation des cheikhs soit exigée, et les décisions de cette commission seraient sans appel; et b) un mécanisme visant à donner effet aux résultats du référendum serait créé en vertu du Chapitre VII de la Charte. Toutefois, même avec ces deux nouveaux éléments, le plan de règlement continuerait à exiger le consentement des parties à tous les stades de sa mise en oeuvre. Il est difficile d'imaginer que le Maroc puisse accepter que la proposition du Front POLISARIO soit retenue pour la mise en oeuvre du plan de règlement. Pour ce qui est du mécanisme envisagé, on rappellera que, si, à la suite de mon rapport de février 2002 (S/2002/178), le Conseil de sécurité n'avait retenu aucune des quatre options que mon Envoyé personnel et moimême avions proposées, c'est parce qu'aucune des deux parties n'y aurait consenti ou souscrit. En conséquence, il est fort peu probable que le Conseil décide de faire appliquer les résultats du référendum au titre du Chapitre VII.

55. Les réponses des parties contiennent également un certain nombre d'objections au plan de paix d'ordre ostensiblement technique. Toutefois, prises ensemble, ces objections donnent à penser que les parties manquent toujours de la volonté nécessaire pour parvenir à une solution politique du conflit.

56. Le Conseil de sécurité ne devrait pas exclure la possibilité que l'une des parties ou les deux lui demandent d'appuyer un processus dans le cadre duquel elles négocieraient entre elles des objections et/ou des changements au plan de paix, éventuellement sous les auspices de l'ONU. Toutefois, je ne crois pas qu'une telle approche permette d'aller de l'avant. Au contraire, mon Envoyé personnel et moi pensons que les parties devraient accepter le plan tel qu'il a été proposé. Il convient de rappeler à cet égard que, pendant les six ans durant lesquels il s'est occupé de cette affaireObse, mon Envoyé personnel a réuni les parties à neuf reprises en l'espace de quatre ans, au Portugal, au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, en Allemagne et aux États-Unis d'Amérique, le plus souvent avec des résultats décevants.

57. Après plus de 11 années et près de 500 millions de dollars de contributions mises en recouvrement, il faudrait admettre que le Conseil de sécurité ne résoudra pas le problème du Sahara occidental sans demander soit à l'une des parties, soit aux deux, de faire quelque chose qu'elles ne seraient autrement nullement disposées à faire.

58. En application de la résolution 1429 (2002) du Conseil de sécurité, mon Envoyé personnel a maintenant mis au point une cinquième option, un plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental, qui vient s'ajouter aux quatre qui sont décrites dans mon rapport du 19 février 2002 (S/2002/178). Je recommande au Conseil de souscrire à ce plan de paix, qui combine certains aspects du projet d'accord-cadre et des éléments convenus du plan de règlement. Il est juste et équilibré et, à l'issue d'une période intérimaire d'autonomie, offre aux habitants authentiques du Sahara occidental l'occasion de déterminer eux-mêmes leur avenir. Les quatre options précédentes peuvent bien sûr encore être examinées, mais si le Conseil n'est pas prêt à les réétudier en vue de faire un choix, je recommande à ce dernier de prier les parties de souscrire au plan de paix et d'oeuvrer avec l'Organisation des Nations Unies à sa mise en oeuvre.

59. Je suis, à regret, parvenu à la conclusion que tant que les parties ne se montreront pas disposées à assumer leurs propres responsabilités et à faire les compromis permettant de trouver une solution au conflit, toute nouvelle initiative visant à régler le problème du Sahara occidental connaîtra le même sort que les précédentes. J'engage donc le Conseil de sécurité à saisir l'occasion qui lui est donnée de s'attaquer de manière efficace au problème de longue date du Sahara occidental en demandant aux parties d'accepter le plan de paix tel que modifié et d'oeuvrer avec l'Organisation des Nations Unies à sa mise en oeuvre.

60. Si les parties ne peuvent convenir d'une approche permettant de parvenir à une solution politique et si le Conseil de sécurité n'est pas en mesure de leur demander de prendre des mesures qui ne leur paraissent pas servir leurs intérêts, même si celles-ci sont à l'évidence dans l'intérêt de la population du Sahara occidental, le Conseil voudra peut-être se demander s'il souhaite rester activement saisi du processus politique.

61. Afin de donner au Conseil de sécurité suffisamment de temps pour réfléchir à sa décision, je propose de proroger de deux mois le mandat de la MINURSO, jusqu'au 31 juillet 2003.

 

Annexe I

Contributions à la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental, au 10 mai 2003.

Annexe II

[Original : anglais]

Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental

I. But

1. Le présent plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental est un accord conclu par et entre le Royaume du Maroc et le Front POLISARIO (qui sont les parties intéressées), auxquels se joignent la République démocratique populaire d'Algérie et la République islamique de Mauritanie (qui sont les pays voisins) et l'Organisation des Nations Unies. Ce plan a pour but de trouver au conflit au Sahara occidental une solution politique assurant l'autodétermination, comme l'envisage le paragraphe 1 de la résolution 1429 (2002) du Conseil de sécurité des Nations Unies en date du 30 juillet 2002. Il entrera en vigueur à la date où les parties intéressées, les pays voisins et l'Organisation des Nations Unies l'auront tous signé. Le statut définitif du Sahara occidental sera déterminé par un référendum organisé conformément à la deuxième partie du présent plan. Pendant la période allant de la date d'entrée en vigueur du plan à l'application des résultats du référendum sur le statut définitif, l'autorité gouvernementale sera exercée au Sahara occidental conformément aux dispositions de la troisième partie du plan.

II. Référendum d'autodétermination

2. Un référendum visant à déterminer le statut définitif du Sahara occidental sera organisé au plus tôt quatre ans et au plus tard cinq ans après la date d'entrée en vigueur du plan. Les options ou questions soumises au référendum seront : a) celles qui ont déjà fait l'objet d'un accord dans le Plan de règlement; et b) toutes options ou questions supplémentaires ayant fait l'objet d'un accord entre le Royaume du Maroc et l'Autorité du Sahara occidental (telle qu'elle est définie au paragraphe 8 a) ci-après).

3. Une option ou une question soumise au référendum sera réputée avoir été adoptée si elle recueille plus de 50 % des suffrages exprimés. Si plus de deux options ou questions sont soumises au référendum et qu'aucune ne recueille la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, on procédera à un deuxième tour dans le cadre duquel les deux options ou questions qui auront recueilli le plus grand nombre de voix seront soumises aux électeurs.

4. Le référendum sera organisé et conduit par l'Organisation des Nations Unies et surveillé par des observateurs internationaux accrédités par elle.

5. Sont admises à voter au référendum les personnes âgées d'au moins 18 ans et : a) qui ont été déclarées admises à voter par la Commission d'identification de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) selon la liste électorale provisoire du 30 décembre 1999 (sans qu'il soit tenu compte des recours ou autres objections); b) dont les noms figurent sur la liste de rapatriement au 31 octobre 2000 dressée par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés; ou c) qui auront résidé de manière continue au Sahara occidental depuis le 30 décembre 1999. La qualité d'électeur sera déterminée par l'Organisation des Nations Unies, dont les décisions seront finales et sans appel.

6. Une personne dont le nom n'apparaît ni sur la liste électorale provisoire du 30 décembre 1999 ni sur la liste de rapatriement du HCR au 31 octobre 2000 ne pourra être inscrite sur la liste des électeurs admis à voter que si le témoignage d'au moins trois personnes dignes de foi et/ou des preuves documentaires crédibles confirment que cette personne a résidé de manière continue au Sahara occidental depuis le 30 décembre 1999. L'Organisation des Nations Unies a) détermine la crédibilité et la valeur juridique de ces témoignages et autres éléments de preuve et, b) se fondant sur lesdits témoignages et autres éléments de preuve, détermine qui est (et qui n'est pas) qualifié en vertu du présent paragraphe pour être ajouté à la liste des électeurs admis à voter. Ces décisions de l'Organisation des Nations Unies sont finales et sans appel.

7. Les parties intéressées et les pays voisins conviennent tous d'accepter et de respecter les résultats du référendum.

III. L'autorité gouvernementale au Sahara occidental

8. Entre la date d'entrée en vigueur du présent plan et la date à laquelle un nouveau gouvernement conforme aux résultats du référendum sur le statut définitif entrera en fonctions, l'autorité gouvernementale au Sahara occidental sera exercée selon les modalités prévues par le présent plan, notamment au présent paragraphe :

a) La population du Sahara occidental, agissant par l'intermédiaire des organes exécutif, législatif et judiciaire institués par le plan &endash; lesquels organes sont parfois désignés sous le terme d'Autorité du Sahara occidental &endash; aura sous sa responsabilité les domaines ci-après, qui relèvent de sa compétence exclusive : administration locale, budget territorial, fiscalité, développement économique, sécurité intérieure, maintien de l'ordre, protection sociale, culture, éducation, commerce, transports, agriculture, mines, secteur de la pêche, industrie, environnement, logement et aménagement urbain, eau et électricité, réseau routier et équipement.

b) Le Maroc aura sous sa responsabilité les domaines ci-après, qui relèvent de sa compétence exclusive : relations extérieures (y compris les accords et conventions internationaux), sécurité nationale et défense extérieure (y compris la détermination des frontières maritimes, aériennes ou terrestres et leur protection par tous les moyens appropriés), toutes les questions relatives à la production, la vente, la possession et l'emploi d'armes et d'explosifs (à l'exception de l'emploi dûment autorisé d'armes par les forces de maintien de l'ordre de l'Autorité du Sahara occidental) et la défense de l'intégrité du territoire contre toute tentative sécessionniste, qu'elle émane de l'intérieur ou de l'extérieur du territoire, étant entendu toutefois que ce droit de défendre l'intégrité territoriale ne saurait être invoqué pour justifier quelque action que ce soit qui reviendrait à empêcher, réprimer ou entraver l'exercice pacifique du droit au débat, à l'expression d'opinions ou à faire campagne, notamment en période d'élection ou de référendum. En outre, le drapeau, la monnaie, les douanes, l'administration des postes et télécommunications du Maroc s'appliqueront au Sahara occidental. Pour toutes les fonctions décrites au présent alinéa, le Maroc est habilité à nommer des représentants qui les exerceront pour lui au Sahara occidental.

9. Dans les matières qui touchent directement les intérêts du Sahara occidental, les pouvoirs détenus par le Maroc pour les relations étrangères du Sahara occidental seront exercés en consultation avec l'Autorité du Sahara occidental. Le Maroc peut autoriser des représentants de l'Autorité à se joindre en tant que membres aux délégations diplomatiques que le Royaume envoie à des réunions internationales sur des questions économiques et autres qui présentent un intérêt direct pour le Sahara occidental.

10. Le pouvoir exécutif au sein de l'Autorité du Sahara occidental sera exercé par un Chef de l'exécutif élu par le peuple du Sahara occidental conformément aux dispositions des paragraphes 15 à 17 du présent plan. Le Chef de l'exécutif peut nommer les administrateurs nécessaires pour exercer les pouvoirs dévolus à l'Autorité par le plan.

11. Le pouvoir législatif au sein de l'Autorité du Sahara occidental sera exercé par une Assemblée législative élue par le peuple du Sahara occidental conformément aux dispositions des paragraphes 15 à 17 du présent plan. L'Assemblée législative est chargée d'adopter toutes les lois qui seront appliquées au Sahara occidental, à l'exception de celles qui relèvent de la compétence du Maroc en vertu du paragraphe 8 b) plus haut.

12. Le pouvoir judiciaire au Sahara occidental sera exercé par une Cour suprême du Sahara occidental et par les tribunaux inférieurs que l'Autorité du Sahara occidental pourra décider de créer. Les membres de la Cour suprême et des juridictions inférieures seront nommés par le Chef de l'exécutif avec l'assentiment de l'Assemblée législative. La Cour suprême a) sera compétente pour juger de la conformité de toute loi du Sahara occidental au présent plan (à l'exception des lois relevant de la compétence du Maroc en vertu du paragraphe 8 b) plus haut, pour lesquelles c'est la plus haute cour du Maroc qui est compétente); et b) statue en dernier ressort sur l'interprétation des lois du Sahara occidental. La Cour suprême a compétence pour déclarer nulle et non avenue toute loi, tout règlement ou tout autre texte de l'Autorité du Sahara occidental qui contredirait le présent plan ou outrepasserait la compétence attribuée à l'Autorité par le plan.

13. Les lois, règlements et autres textes adoptés par l'Autorité du Sahara occidental doivent tous être conformes aux normes internationales relatives aux droits de l'homme (y compris les normes relatives aux droits de l'homme prévues par tout traité auquel le Maroc est partie). En aucun cas la protection des droits de l'homme au Sahara occidental ne doit être moindre que celle qui est prévue par la Constitution et les lois du Maroc.

14. Les lois et règlements actuellement en vigueur au Sahara occidental resteront en vigueur tant qu'ils n'auront pas été amendés ou abrogés par une décision de l'Assemblée législative et du Chef de l'exécutif de l'Autorité du Sahara occidental, à l'exception de ceux qui relèvent des lois et règlements qui sont de la compétence du Maroc en vertu du paragraphe 8 b) plus haut.

15. L'élection de l'Assemblée législative et du Chef de l'exécutif de l'Autorité du Sahara occidental doit avoir lieu dans un délai d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur du plan. Les électeurs éliront séparément (dans le cadre d'une élection unique) le Chef de l'exécutif et les membres de l'Assemblée législative, qui exerceront leurs fonctions pendant un mandat de quatre ans ou jusqu'à ce que la forme de gouvernement du Sahara occidental ait été mise en conformité avec le résultat du référendum sur le statut définitif. L'Organisation des Nations Unies est investie d'une autorité exclusive et unique sur toutes les questions relatives à toute élection et à tout référendum relevant du présent plan, et notamment à leur organisation et à leur conduite.

16. Sont admis à voter pour l'élection de l'Assemblée législative et du Chef de l'exécutif de l'Autorité du Sahara occidental les personnes âgées d'au moins 18 ans dont le nom est inscrit soit sur la liste électorale provisoire du 30 décembre 1999 (sans qu'il soit tenu compte des recours ou autres objections) soit sur la liste de rapatriement dressée par le HCR au 31 octobre 2000. L'Organisation des Nations Unies, dont les décisions seront finales et sans appel, détermine qui est admis à voter.

IV. Questions diverses

17. Les campagnes électorale et référendaire prévues dans le présent plan seront menées dans le respect des normes internationales relatives aux droits de l'homme et des principes du Code de conduite convenu en 1997 (les Accords de Houston) par le Maroc et le Front POLISARIO, sauf les cas où il y a incompatibilité avec le présent plan. En particulier, les parties intéressées conviennent de s'abstenir de tout acte qui réduirait la capacité d'un individu de faire campagne pacifiquement pour ou contre toute personne se présentant à une élection ou pour ou contre toute option ou question proposée aux électeurs lors du référendum sur le statut définitif.

18. Ni le Maroc ni l'Autorité du Sahara occidental ne peuvent modifier ou abolir unilatéralement le statut du Sahara occidental, sauf pour adopter les lois qui se révéleraient nécessaires pour le mettre en conformité avec les résultats du référendum sur le statut définitif. Aucun changement ne peut être apporté au présent plan sans l'accord du Roi du Maroc ainsi que du Chef de l'exécutif et de l'Assemblée législative du Sahara occidental.

19. Dès la date d'entrée en vigueur du plan, tous les prisonniers politiques et les prisonniers de guerre seront libérés, chaque partie étant tenue de s'acquitter de cette obligation quel que soit le comportement de l'autre partie. Les parties intéressées conviennent de continuer de coopérer sans réserve avec les organismes internationaux compétents jusqu'à ce que le rapatriement ait été mené à son terme.

20. Dans un délai de 90 jours suivant la date d'entrée en vigueur du présent plan, les forces armées du Maroc et du Front POLISARIO seront réduites, consignées, cantonnées et, par la suite, tenues à tous points de vue de respecter strictement les dispositions des Accords de Houston de 1997. La présente disposition n'exclut ni le déploiement de forces armées marocaines sur des positions purement défensives conformément aux responsabilités en matière de défense extérieure dévolues au Maroc par le paragraphe 8 b) plus haut, ni la création et le fonctionnement normal, sous l'autorité de l'Autorité du Sahara occidental, de services de maintien de l'ordre dans le Sahara occidental.

21. L'Organisation des Nations Unies aidera les parties intéressées, et notamment l'Autorité du Sahara occidental, à s'acquitter des responsabilités que leur confère le présent plan. Le Conseil de sécurité s'engage à modifier le nom et le mandat de la MINURSO afin de lui permettre d'apporter son concours à l'application du plan, notamment pendant la période allant de son entrée en vigueur à la tenue de l'élection du Chef de l'exécutif et de l'Assemblée législative de l'Autorité du Sahara occidental.

22. Le Secrétaire général fera usage de ses bons offices pour aider les parties intéressées à appliquer le plan. Les parties intéressées conviennent que le Secrétaire général est habilité à interpréter le plan et que, en cas de désaccord sur le sens du plan, l'interprétation du Secrétaire général s'imposera à elles.

23. En signant le présent document, les parties intéressées, les pays voisins et l'Organisation des Nations Unies acceptent les dispositions du plan, qui entrera en vigueur à la date à laquelle ils l'auront tous signé.

Pour le Royaume du Maroc
Signé par
Titre
Date

Pour le Front POLISARIO
Signé par
Titre
Date

Pour la République démocratique d'Algérie
Signé par
Titre
Date

Pour la République islamique de Mauritanie
Signé par
Titre
Date

Pour l'Organisation des Nations Unies
Signé par
Titre
Date

Annexe III

Réponses des parties et des États voisins au plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental

 

Note verbale datée du 10 mars 2003, adressée à l'Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental par la Mission permanente du Maroc auprès de l'Organisation des Nations Unies

[Original : anglais et français]

Suite à la réunion du 14 janvier 2003 durant laquelle vous avez présenté à S. M. le Roi votre nouvelle proposition pour une solution politique de la question du Sahara occidental, j'ai l'honneur, sur instruction de mon gouvernement, de vous communiquer le document ci-joint, en anglais et français, contenant les observations du Royaume du Maroc sur le contenu de ladite proposition.

Je saisis cette occasion pour rendre hommage, au nom de mon gouvernement, à vos efforts inlassables et sincères pour assister toutes les parties en vue de parvenir à une solution mutuellement acceptable de leur différend.

Observations du Royaume du Maroc
sur la nouvelle proposition de James Baker
intitulée : « Plan de paix pour l'autodétermination
de la population du Sahara occidental »

[Original : anglais et français]

S. M. le Roi Mohammed VI a reçu le 14 janvier 2003 l'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies, M. James Baker, qui lui a remis un document intitulé : « Plan de paix pour l'autodétermination de la population du Sahara occidental ». M. Baker a situé cette démarche dans le cadre de la mission que lui a confiée le Conseil de sécurité dans sa résolution 1429 du 30 juillet 2002.

Aux termes du paragraphe premier du dispositif de cette résolution, le Conseil « continue d'appuyer énergiquement les efforts déployés par le Secrétaire général et son Envoyé personnel pour trouver une solution politique à ce différend de longue date, invite l'Envoyé personnel à poursuivre ces efforts en gardant à l'esprit les préoccupations exprimées par les parties, et se déclare prêt à étudier toute solution prévoyant l'autodétermination qui pourrait être proposée par le Secrétaire général et son Envoyé personnel, en consultation avec toutes personnes connaissant la question ».

M. Baker a formulé le souhait que le Royaume étudie ce document et lui communique ses vues à son sujet, de manière à ce qu'il s'acquitte complètement de la mission qui lui a été confiée par le Conseil de sécurité.

Le Royaume du Maroc a analyse en profondeur, et dans un esprit constructif, le document qui lui a été remis et a élaboré en conséquence les observations qui suivent.

Il est important de rappeler, tout d'abord, que le Maroc n'a eu de cesse de veiller à un règlement pacifique, dans le cadre de la légalité internationale, du différend relatif au Sahara occidental. C'est ainsi qu'une coopération exemplaire a été instituée avec la MINURSO de manière à ce qu'elle dispose de toutes les facilités et de tous les moyens pour l'accomplissement, dans les meilleures conditions, de ses responsabilités. Depuis la mise en oeuvre du cessez-le-feu, le 6 septembre 1991, la paix est bien maintenue dans la région et les habitants vaquent normalement à leurs occupations quotidiennes. Le Maroc apprécie à sa juste valeur l'effort considérable de la MINURSO pour le maintien de la paix dans la région du Maghreb.

Par contre, l'autre aspect du Plan de règlement, le projet de référendum, tel qu'il était prévu, s'est avéré au fil des ans inapplicable et est devenu de ce fait caduc. Dès la réunion de Londres du 14 mai 2000, l'Envoyé personnel du Secrétaire général avait demandé aux parties « d'étudier d'autres moyens de parvenir à un règlement rapide, durable et concerté de leur différend » (par. 28 du rapport S/2000/461 du 22 mai 2000). Il devait souligner, ensuite, la nécessité pour celles-ci de « se défaire de la mentalité selon laquelle le gagnant emporte tout » et « d'examiner des solutions politiques possibles offrant à chacune d'elles une partie, mais pas la totalité de ce qu'elle veut et permettant à l'autre partie de faire de même » (par. 30 du rapport S/2002/178 du 19 février 2002).

Le Conseil de sécurité, tout en appelant les parties à poursuivre leurs pourparlers directs, leur a demandé simultanément « d'essayer de se mettre d'accord sur une solution politique mutuellement acceptable de leur différend au sujet du Sahara occidental » (résolution 1309 du 26 juillet 2000).

Lors de la réunion suivante organisée entre les parties à Berlin, les 28 et 29 septembre 2000, le Royaume du Maroc a répondu positivement aux voeux de l'Envoyé personnel et à la recommandation du Conseil de sécurité, en acceptant de s'engager dans la recherche d'une solution politique.

À cette occasion, la délégation marocaine a tenu à préciser, dans un souci de clarté, la portée de son engagement en faveur d'une solution durable et définitive qui tienne compte à la fois de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du Maroc, ainsi que des spécificités de la région, dans le respect des principes démocratiques et de décentralisation que le Maroc souhaitait développer et mettre en oeuvre en commençant par la région du Sahara (par. 15 du rapport S/2000/1029 du 25 octobre 2000).

Le Maroc tient à réaffirmer solennellement sa disposition à coopérer avec le Conseil de sécurité, le Secrétaire général et son Envoyé personnel pour progresser dans la voie de la solution politique. Il s'agit, bien entendu, dune solution de compromis qui s'écarte de l'approche précédente du Plan de règlement, laquelle prévoyait un référendum avec comme seules options l'intégration ou l'indépendance, soit au bout du compte un perdant et un gagnant.

Si l'Envoyé personnel est chargé par le Conseil de proposer une solution politique assurant l'autodétermination, la pratique internationale démontre largement que la consultation démocratique sur le statut d'un territoire, tel que négocié entre les parties, peut permettre à une population de s'autodéterminer. Cette pratique s'appuie sur la résolution 1541 (XV) du 15 décembre 1960 de l'Assemblée générale et sur la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, annexée à la résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale du 24 octobre 1970, laquelle prévoit que les options de l'indépendance, de l'association ou de l'intégration aussi bien que « l'acquisition de tout autre statut politique librement décidé par un peuple, constituent pour ce peuple des moyens d'exercer son droit de disposer de lui-même ».

D'ailleurs, de nombreux différends dans le monde, depuis l'affaire des îles Aaland en 1920 sous les auspices de la Société des Nations (rapport du comité de juristes devant le Conseil de la SDN, 5 septembre 1920, J.O.SDN, octobre 1920, supplément No 3 : 286), se sont résolus par la mise en place d'un statut d'autonomie dans le cadre de la structure étatique existante. La négociation demeure le moyen privilégié qui permet aux parties d'adapter l'autonomie à leurs objectifs et à la spécificité régionale. Cette réalisation de l'autodétermination s'inscrirait parfaitement dans les choix démocratiques et de décentralisation de l'État marocain dans son ensemble. Elle est, d'autre part, le meilleur garant du respect des droits fondamentaux de la personne humaine reconnus par la Constitution marocaine et confortés par les engagements internationaux du Royaume.

C'est dans ce contexte, que « l'accord-cadre sur le statut du Sahara occidental », proposé par l'Envoyé personnel en juin 2001, était destiné, selon sa disposition finale, à être soumis à l'approbation de la population au travers d'une consultation référendaire (annexe I du rapport S/2001/613 du 20 juin 2001).

Le Maroc, cohérent avec son engagement ferme en faveur d'une solution politique du différend, avait accepté cet accord comme base de négociation. Il faut rappeler cependant, qu'avant même d'initier l'accord-cadre, l'Envoyé personnel s'était déclaré « convaincu que l'on est maintenant mieux à même de déterminer si le Gouvernement marocain, en tant que Puissance administrative au Sahara occidental, est disposé à offrir à tous les habitants et anciens habitants du territoire un transfert de responsabilité dans certains domaines, qui soit authentique, important et conforme aux normes internationales » (par. 19 du rapport S/2001/398 du 24 avril 2001).

C'est dans cet esprit que le Conseil a pris en considération l'accord-cadre qui « comporterait une substantielle délégation de pouvoir n'excluant pas l'autodétermination mais en fait permettant celle-ci » (résolution 1359 du 29 juin 2001).

La recherche de la solution politique, dite « troisième voie », était fondée, dès le départ, sur la délégation par le Royaume du Maroc de certaines de ses compétences juridiques, strictement énumérées, à une autorité décentralisée, de manière à lui permettre de gérer ses propres affaires locales.

Le Royaume apprécie les efforts louables que l'Envoyé personnel ne cesse de déployer afin de répondre à la volonté du Conseil de sécurité « d'aider les parties à parvenir à un règlement juste, durable et mutuellement acceptable, qui soit avantageux pour la région du Maghreb » (résolution 1429 du 30 juillet 2002). Cependant, pour assurer le succès de ces efforts, il serait souhaitable d'éviter tout amalgame entre la solution politique ou « troisième voie » et le Plan de règlement.

Le Maroc a été, d'ailleurs, parfaitement clair à ce sujet lors des discussions entre les membres du Conseil de sécurité qui ont précédé l'adoption de la résolution 1429 du 30 juillet 2002. En effet, lorsqu'un amendement a été présenté pour que la solution politique soit élaborée à partir d'un mixage de l'accord-cadre et du Plan de règlement, le Maroc avait, dans une lettre au Président du Conseil de sécurité, souligné que : « dans la mesure où elle propose de fondre deux options inconciliables, cette démarche était vouée à l'échec » (lettre S/2002/832 du 25 juillet 2002). Le Conseil n'a pas retenu cet amendement et s'est orienté finalement vers la formulation contenue dans la résolution 1429 du 30 juillet 2002.

Le Maroc, qui est décidé à appuyer les efforts de l'Envoyé personnel, tient cependant à ce que soit rétablie l'architecture initiale de la solution politique à savoir une alternative viable aux options du Plan de règlement.

Ce n'est qu'à partir dune conception saine et sans ambiguïté de la solution politique, telle qu'elle ressort de la pratique des Nations Unies, que l'on peut assurer le succès du règlement du différend sur le Sahara.

C'est pour cela qu'il peut paraître prématuré de procéder à une évaluation détaillée des propositions de l'Envoyé personnel, tant qu'on ne se sera pas mis d'accord sur la nature de la solution politique et la procédure de sa mise en oeuvre.

Cependant, il nous a paru nécessaire de le faire pour favoriser l'avènement d'une solution politique négociée.

Au bénéfice de ces considérations sur l'approche globale, nous allons, maintenant, passer en revue les dispositions successives du document proposé :

1. L'intitulé du document, « Plan de paix pour l'autodétermination de la population du Sahara occidental », se limite à l'un des volets du mandat prévu par la résolution 1429, en passant sous silence la recherche d'une solution politique qui donne tout son sens à l'autodétermination, dans le cas présent. Quant à la qualification de « Plan de paix », elle ne semble pas appropriée pour les raisons susmentionnées.

Les signatures du Maroc, du POLISARIO, de l'Algérie, de la Mauritanie et des Nations Unies sont, selon le document, la condition nécessaire et suffisante pour son entrée en vigueur. Toutefois, étant donné la nature, la portée et les implications de cet accord, il serait souhaitable de prévoir que cette entrée en vigueur n'intervienne qu'après l'accomplissement par les signataires des procédures imposées par leurs systèmes juridiques respectifs.

Le Royaume du Maroc, en ce qui le concerne, est tenu de respecter l'article 31 de la Constitution, selon lequel « les traités susceptibles de remettre en cause les dispositions de la Constitution sont approuvés selon les procédures prévues pour sa révision ». Et cela est bien le cas du document proposé, qui comporte des modifications substantielles au statut des provinces du sud du pays.

On doit relever, par ailleurs, que l'Algérie est désignée, dans le plan proposé, comme pays voisin, alors qu'elle était qualifiée de partie au différend dans le rapport du Secrétaire général du 20 juin 2001 (S/613/2001) et dans l'accord-cadre qui lui est annexé.

2. Si l'objectif de ce plan est de parvenir à « une solution politique assurant l'autodétermination », il est surprenant d'y voir figurer, en priorité, le référendum d'autodétermination, alors qu'il aurait fallu logiquement exposer, tout d'abord, la solution politique qui en est le fondement.

3. De prime abord, il est mentionné que les choix offerts en vue du référendum seront ceux prévus par le Plan de règlement, les parties ayant toute latitude pour ajouter d'autres options.

On peut se demander quel est l'intérêt de mettre en place toute une solution politique complexe pendant quelques années pour qu'au bout du chemin (très rapproché, de 4 à 5 ans), on se retrouve dans le cas de figure du Plan de règlement qui a mené à l'impasse. Les dangers de ce schéma sont évidents. En effet, la solution politique a pour objectif de rapprocher et de concilier, au moment où la perspective d'une confrontation, dans un délai rapproché, autour de deux choix complètement opposés, risque de compromettre, dès le départ, la mise en place de l'autorité locale préconisée.

Si la solution politique consiste, comme nous l'avons rappelé, en une délégation substantielle de compétences à une autorité locale, il aurait fallu laisser, pour le moins, aux partenaires (autorités centrale et locale) le soin de décider, au moment opportun, du contenu de la consultation démocratique de la population.

En réalité, une fois que les parties se seraient mises d'accord sur une telle solution politique, celle-ci pourrait être soumise immédiatement à la population du territoire qui serait appelée à l'approuver ou à la rejeter. L'approbation entraînerait la mise en oeuvre du statut du territoire, avec les garanties internationales appropriées, alors que le rejet, bien improbable, signifierait le retour à la table des négociations.

4. Il est prévu que le référendum sera conduit par les Nations Unies sous le contrôle d'observateurs internationaux que l'Organisation accréditerait. Le Maroc, comme il s'est toujours engagé à le faire, est prêt à coopérer étroitement de nouveau avec les Nations Unies pour le succès de la solution politique. Cependant, il est important que les modalités de l'intervention de l'Organisation universelle soient mieux précisées ainsi que la relation qu'elle sera amenée à établir avec le Royaume du Maroc.

5. Le corps électoral appelé à participer au référendum sera composé, selon le document, de trois catégories :

a) Les personnes identifiées par la MINURSO et figurant sur la liste provisoire du 3 décembre 1999, sans prendre en compte les appels ni même la nécessité de mise à jour de la liste, pour les personnes qui répondaient aux critères, mais n'avaient pas atteint en décembre 1999 l'âge de 18 ans;

b) Les personnes incluses dans la liste de rapatriement établie par le HCR au 31 octobre 2000. Le Royaume du Maroc tient à souligner qu'il lui est difficile de se prononcer sur le contenu d'une liste dont il n'a reçu aucune notification officielle de la part du HCR;

D'après les informations recueillies à titre officieux, il s'agirait d'une liste établie sur la base des témoignages de personnes identifiées par la MINURSO (liste provisoire de 1999) au sujet de membres de leurs familles. Si tel est le cas, cette liste n'a pas une valeur juridique suffisante pour servir à déterminer le corps électoral, à défaut d'un recensement dûment réalisé par le HCR, ce que le Royaume du Maroc a demandé, sans relâche, depuis des années. D'autre part, ce système qui aboutirait à mettre à jour la liste d'identification de la MINURSO, pour les enfants des personnes identifiées se trouvant à Tindouf, serait discriminatoire par rapport à celles identifiées également, mais se trouvant au Sahara;

c) Les personnes ayant résidé continuellement au Sahara occidental depuis le 30 décembre 1999. On entend par cette disposition couvrir les personnes qui étaient résidentes au Sahara au 30 décembre 1999 et qui ont continué à l'être depuis.

Le Maroc estime équitable, juste et conforme à la pratique démocratique que tous les résidents aient le droit de participer à la consultation projetée. Il peut paraître néanmoins arbitraire d'arrêter la liste des résidents au 30 décembre 1999. Enfin, il est prévu que la liste des votants sera arrêtée définitivement, et sans appel, par les Nations Unies. Le Royaume confiant dans l'Organisation universelle, tient cependant à rappeler que les modalités de cette détermination des votants doivent être précisées et entourées de toutes les garanties d'impartialité.

6. Alors que le document ne prévoit aucun contrôle de la validité de la liste de rapatriement du HCR, qui semble avoir été établie de façon très approximative, il demande que les résidents au 30 décembre 1999 ne soient admis à voter que s'ils sont appuyés par trois témoignages crédibles et/ou des preuves écrites. Il reviendrait aux Nations Unies de se prononcer sur la crédibilité et la valeur juridique de ces moyens de preuve, et de décider de la liste des votants.

Le Maroc, tout en réitérant sa confiance totale en l'Organisation universelle, se demande comment elle compte décider définitivement de la validité de la documentation officielle relative à la qualité de résident dans les provinces du sud.

7. Dans la mesure où les conditions d'une consultation démocratique, destinée à permettre à la population de se prononcer sur le statut d'autonomie convenu en commun, sont bien remplies, le Maroc, fidèle à ses traditions et à ses convictions, en respectera pleinement les résultats.

8. Les dispositions du plan sont censées régir l'autorité au Sahara occidental, depuis la date de son entrée en vigueur jusqu'à ce qu'un nouveau « gouvernement » soit installé, en fonction des résultats du référendum. D'un point de vue purement technique, on peut se demander s'il n'y a pas là un vide juridique ou une lacune, dans la mesure où l'élection des institutions de l'autorité locale devrait intervenir dans l'année qui suit l'entrée en vigueur du plan. Qu'adviendrait-il alors de la gestion du territoire et de toutes les institutions, fort complexes, qui en ont la charge, entre la période d'entrée en vigueur du plan et l'élection de l'assemblée et de l'exécutif?

D'autre part, l'élection de ces nouvelles institutions n'ayant pas lieu dans un vacuum juridique, une période transitoire sera nécessaire pour le passage d'un système à un autre, de manière à éviter toute rupture dans le fonctionnement des services publics essentiels pour la vie des populations.

Le document reprend, globalement, la répartition des compétences, prévue par l'accord-cadre, entre l'autorité centrale du Royaume et l'autorité locale du Sahara occidental. Cependant, certaines exceptions ont été introduites qui peuvent soulever des difficultés. Ainsi il est prévu, en ce qui concerne l'interdiction des activités sécessionnistes, une exception en faveur des discours et déclarations lors de la période électorale. Cela signifie que le Maroc pourrait être confronté, dès l'élection de l'assemblée et de l'exécutif du territoire, à une campagne de propagande en faveur de la sécession du territoire, sans pouvoir interdire de tels agissements susceptibles de mettre en danger la sécurité du pays et le maintien de l'ordre. L'autre exception qui concerne l'usage des armes pour l'exécution des lois par l'autorité locale devrait être bien cernée afin d'éviter tout détournement dangereux pour la sécurité du pays.

9. Selon le document, la compétence du Royaume du Maroc sur les « relations extérieures du Sahara occidental » sera exercée en consultation avec l'autorité du Sahara occidental, pour les questions qui intéressent directement ce territoire. Le texte ajoute que le Royaume pourra autoriser les représentants de l'autorité locale à faire partie de délégations diplomatiques pour participer à des réunions internationales relatives à des questions économiques et autres questions d'intérêt direct pour le Sahara occidental. Certes, les représentants d'une autorité locale peuvent faire partie de ces délégations et on peut envisager de consulter l'autorité locale, lorsqu'elle est concernée directement par certains domaines des relations extérieures du pays. Mais il n'en demeure pas moins que le Royaume détient la responsabilité exclusive de ses relations extérieures et, de ce fait, l'expression « relations extérieures du Sahara occidental » qui figure dans le document ne paraît pas appropriée.

10. Alors que l'accord-cadre prévoyait un exécutif collégial (l'organe exécutif), le document proposé confère l'exécutif à une personne élue directement par la population, ce qui est susceptible de poser quelques difficultés dans les relations de cette personne avec une assemblée, dont la composition majoritaire pourrait être, politiquement, d'un autre bord.

C'est précisément pour éviter de se trouver dans cette situation conflictuelle et paralysante que les systèmes représentatifs prévoient que l'exécutif émane de la majorité qui se dégage au sein de l'Assemblée.

11. L'Assemblée « législative », dont le nombre des membres et les modalités d'élection ne sont pas connus, sera responsable, selon le document, de la promulgation de toutes les lois applicables au Sahara occidental, à l'exception de toutes celles réservées au Royaume, conformément au paragraphe 8B du plan. Le document opte ainsi pour le principe de subsidiarité en faveur de l'autorité locale (toutes les compétences qui ne sont pas attribuées au Royaume seraient exercées par cette autorité).

Ce faisant, le document inverse toute la logique qui a présidé à la recherche de la solution politique par les Nations Unies, dans la mesure, comme cela a été susmentionné, où il s'agissait pour le Royaume de déléguer certaines compétences à une autorité locale. Par conséquent, cette solution était fondée sur le postulat que tout ce qui n'était pas attribué à l'autorité locale relevait de la compétence de l'autorité centrale. Il est clair que le principe de subsidiarité doit prendre pour point de départ le délégataire, soit le Royaume du Maroc, qui retient toutes les compétences qu'il n'a pas concédées à une autorité locale déléguée.

Il convient de relever, enfin, que le document ne comporte aucune indication sur les relations entre le Chef de l'exécutif et l'Assemblée « législative » du territoire, aussi bien en ce qui concerne leurs pouvoirs que leurs responsabilités. Cette lacune ne permet malheureusement pas de se rendre compte du mode de fonctionnement exact de l'autorité locale.

12. L'autorité judiciaire est conçue dans le document, selon un modèle fédéral avancé qui peut, certes, avoir ses mérites dans des pays de tradition fédérale, mais qui est difficilement applicable au Maroc, pays dont le système judiciaire est unifié et centralisé.

Le document prévoit une Cour suprême du Sahara occidental et des juridictions inférieures dont les membres sont nommés par le Chef de l'exécutif en accord avec l'Assemblée.

Or, le système judiciaire marocain est hiérarchisé autour d'une seule Cour suprême qui apprécie, en dernier ressort, l'application uniforme de la loi par les autres juridictions.

En outre, la justice est rendue au nom de Sa Majesté le Roi, protecteur des droits et libertés des citoyens en vertu de l'article 19 de la Constitution. Il nomme les magistrats, en consultation avec le Conseil supérieur de la magistrature, organe constitutionnel garant de leur indépendance.

De ce fait, l'existence même d'une Cour suprême de l'autorité locale est difficilement conciliable avec le système judiciaire marocain. Par ailleurs, cette Cour suprême est investie, selon le document, de la compétence pour trancher les litiges relatifs à la compatibilité de toute « loi du Sahara occidental » avec le plan.

Lorsque l'on sait que les membres de cette Cour sont désignés par l'exécutif et le législatif du territoire, on peut se demander quel va être, dans ces conditions, son degré d'indépendance pour sanctionner les tentatives éventuelles de l'autorité locale d'outrepasser ses compétences.

On confie certes à la Cour suprême du Royaume les mêmes fonctions à l'égard des compétences de l'autorité centrale, mais il ne s'agit là que des prérogatives de souveraineté au sujet desquelles il n'y a pas une intense production législative. En réalité, la fonction de trancher la répartition des compétences devrait revenir à la Cour suprême du pays, en tant que garant de l'unité de l'interprétation et de l'application du droit marocain. Le système proposé dans le document laisse d'ailleurs de côté les questions des domaines partagés (impôts, finances, sécurité, usage des armes par exemple), au sujet desquels on ne peut pas envisager deux cours se prononçant chacune, en ce qui la concerne.

En définitive, il est difficile de concevoir la création de telles disparités dans l'administration de la justice du Royaume.

13. Selon le document proposé, toutes les lois, règlements et décisions de l'autorité locale doivent être compatibles avec les standards internationalement reconnus en matière de droits de l'homme, y compris ceux figurant dans les traités auxquels le Royaume est partie. Le plan ajoute que la protection des droits de l'homme au Sahara occidental ne doit pas être inférieure à celle qui est prévue par la Constitution et les lois du Maroc.

Si l'on ne peut que se réjouir de la précaution qui est ainsi introduite dans le document pour éviter les abus éventuels de l'autorité locale, en relation avec les droits fondamentaux de la personne humaine, on aurait souhaité que des garanties soient envisagées et que le système judiciaire du Royaume soit pleinement habilité à veiller au respect de ces droits.

14. Il est tout à fait raisonnable de prévoir que les lois et règlements du pays restent en vigueur jusqu'à ce qu'une action soit adoptée à leur sujet par l'autorité locale, à l'exception toutefois des compétences réservées au Royaume. Mais on doit relever, de nouveau, qu'en procédant de la sorte, le document se situe dans la logique de la subsidiarité en faveur de l'autorité locale, ce qui est incompatible avec l'approche des Nations Unies, en matière de solution politique, et avec les principes constitutionnels fondamentaux du Royaume, comme cela a été susmentionné.

15. L'élection de l'Assemblée et de l'exécutif doit avoir lieu dans l'année qui suit l'entrée en vigueur du plan, ce qui soulève la question, comme on l'a rappelé, de la gestion de la période de transition et de la mise en place de nouvelles institutions.

D'autre part, il est prévu que les Nations Unies auront l'autorité unique et exclusive pour la conduite de ces élections et du référendum. Toutefois, l'Organisation sera amenée nécessairement à s'appuyer sur les institutions du Royaume pour s'acquitter de cette responsabilité.

16. L'élection du Chef de l'exécutif et de l'Assemblée de l'autorité locale est confiée à un corps restreint de votants. Il s'agit de ceux qui figurent sur la liste provisoire d'identification du 30 décembre 1999 ou sur la liste de rapatriement établie par le HCR au 31 octobre 2000 (avec les interrogations évoquées précédemment sur cette dernière liste). Dans tous les cas de figures, il s'agit d'une minorité de la population qui élira une autorité locale appelée à gérer la majorité. Ce serait créer une situation antidémocratique et contraire aux droits fondamentaux de la personne humaine, dont on assure par ailleurs, dans le document, qu'ils doivent être respectés totalement. De graves dangers en découleront qui peuvent aller jusqu'à l'affrontement entre deux parties de la population, entre ceux qui auront élu l'exécutif et le législatif et ceux qui auront été exclus du processus électoral.

En outre, on ne peut ignorer la structure tribale de la population du territoire et les solidarités qui en résultent. De ce fait, il est inconcevable qu'un système électoral quel qu'il soit ait pour résultat la domination d'une tribu sur les autres ou l'exclusion de l'une d'entre elles ou même d'une fraction de celle-ci.

17. En prévoyant que les campagnes électorales seront toutes conduites en conformité avec les standards internationaux en matière de droits de l'homme, le document rejoint les exigences de la Constitution marocaine. Il serait souhaitable, cependant, que des garanties juridiques soient établies, notamment par le moyen de recours devant les juridictions compétentes du pays en matière de contentieux électoral.

18. Le document dispose qu'on ne peut changer unilatéralement le Statut du territoire. Mais il est difficile de comprendre la procédure qui conditionne le changement de ce statut par un accord entre le Roi du Maroc, le Chef de l'exécutif et l'Assemblée législative, mettant ainsi sur le même plan le souverain du pays et les institutions locales.

19. La libération des prisonniers de guerre et des prisonniers politiques devrait intervenir, selon le document, aussitôt après l'entrée en vigueur du plan. Cette disposition va à l'encontre du droit international humanitaire qui impose la libération des prisonniers de guerre dès le cessez-le-feu (soit depuis 1991). D'autre part, le Conseil de sécurité au paragraphe 5 de la résolution 1429 du 30 juillet 2002 a demandé au POLISARIO de libérer, sans nouveau retard, tous les prisonniers de guerre.

Le droit international humanitaire et la pratique des Nations Unies imposent de dissocier les aspects humanitaires d'un différend ou d'un conflit de sa solution politique.

Pour toutes ces raisons, il convient seulement de rappeler, dans le document, la nécessité de respecter scrupuleusement, et à tout moment, les normes impératives du droit humanitaire.

20. Le document prévoit le cantonnement des troupes 90 jours après son entrée en vigueur, à l'exception du déploiement des forces armées marocaines qui est nécessaire pour la défense extérieure du territoire. On peut se demander s'il ne faut pas lier plutôt le cantonnement en question à la mise en place et au fonctionnement des institutions locales afin de s'assurer que le maintien de l'ordre et de la sécurité est bien garanti dans la période de transition. 21. Le Maroc est prêt, le moment venu, à coopérer avec les Nations Unies pour la mise en oeuvre de la solution politique qui serait agréée.

22. Le Royaume estime que l'offre de bons offices du Secrétaire général est la bienvenue pour assister les parties dans la mise en oeuvre du plan. Mais selon le document, le Secrétaire général aurait aussi toute compétence pour son interprétation, laquelle serait définitive et sans appel. Cette dernière disposition soulève des difficultés de principe et d'ordre technique. En effet, le Secrétaire général, partie à l'accord et impliqué dans sa mise en oeuvre, serait appelé également à l'interpréter, ce qui le placerait dans la situation délicate et insoutenable être juge et partie.

Il faut rappeler que l'interprétation a été confiée, par ailleurs, aux Cours suprêmes centrale et locale, chargées d'apprécier les lois par rapport à la répartition des compétences prévue par le plan; ce qui peut paraître contradictoire avec les fonctions dévolues, en la matière, au Secrétaire général.

En conclusion, le Royaume du Maroc apprécie chaleureusement les efforts louables du Secrétaire général et de son Envoyé personnel pour assister les parties, en vue de parvenir à une solution politique, et leur exprime toute sa gratitude pour leurs efforts destinés à rapprocher les États de la région du Maghreb et à favoriser ainsi leur stabilité et leur marche vers l'unité.

Le Royaume réitère son engagement en faveur du dialogue et de la négociation, en tant que moyen de règlement pacifique et durable du différend sur le Sahara, dans le respect de l'intégrité territoriale des États de la région du Maghreb et en conformité avec la légalité internationale.

Lettre datée du 8 mars, adressée au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies par le Secrétaire général du Front POLISARIO

[Original : français]

J'ai eu le plaisir de recevoir, le 16 janvier 2003, votre Envoyé personnel, M. James Baker III, qui m'a remis une proposition de solution intitulée « Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental » en vue de mettre un terme au conflit de décolonisation qui oppose, depuis plus de 27 ans, le peuple sahraoui au Royaume du Maroc.

Le Front POLISARIO, qui exprime sa reconnaissance aux Nations Unies, à son Secrétaire général et à son Envoyé personnel, a examiné attentivement cette proposition. J'ai chargé M. Mhamed Khadad, coordonnateur sahraoui avec la MINURSO, de vous transmettre notre réponse à cette proposition. Je vous saurais gré de bien vouloir porter, le moment venu à votre convenance, le contenu intégral de cette réponse à l'attention des membres du Conseil de sécurité.

Tout en vous assurant de notre détermination à continuer à coopérer avec vous et votre Envoyé personnel pour l'aboutissement de vos efforts pour une solution juste et définitive du conflit du Sahara occidental, je vous prie de croire en 1'expression de ma très haute considération.

Le Secrétaire général du Front POLISARIO
(Signé) Mohamed Abdelaziz

Le Front POLISARIO a eu le plaisir de recevoir, le 16 janvier 2003, M. James Baker III, Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies, qui lui a soumis une proposition de règlement intitulée « Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental », proposition pour laquelle il a demandé une réponse à chacune des deux parties au conflit du Sahara occidental. Le présent document contient la réaction du Front POLISARIO à cette proposition.

Le Front POLISARIO tient dès l'abord à remercier 1'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour la patience et la persévérance qui l'animent dans l'investissement de son crédit et de son talent personnels en vue de l'aboutissement à un règlement juste et définitif du long et douloureux conflit du Sahara occidental par la seule voie légale et juste en matière de décolonisation, à savoir 1'exercice par le peuple sahraoui de son droit exclusif à l'autodétermination à travers un référendum libre et régulier, organisé et contrô1é par l'ONU.

De la même manière, le Front POLISARIO tient à rendre justice à M. James Baker III, en rappelant que son apport et ses efforts ont permis, dans le cadre de négociations menées avec les deux parties au conflit à Lisbonne, à Londres et à Houston, en 1997, de résoudre toutes les questions demeurées en suspens pour la mise en oeuvre du Plan des Nations Unies : les Accords de Houston ont consigné toutes ces mesures finales dégagées avec l'acceptation sans réserve du Royaume du Maroc et du Front POLISARIO. Le Plan détaillé de mise en oeuvre finalisé et soumis par le Secrétaire général de l'ONU au Conseil de sécurité le 13 novembre 1997, en vue de la tenue du référendum le 7 décembre 1998, en constitue une confirmation supplémentaire et solennelle, scellée de l'autorité du Conseil de sécurité.

Cette reconnaissance exprimée à l'Envoyé personnel et ce rappel mettent clairement en évidence les entraves dressées sur la voie du règlement du conflit du Sahara occidental. Ils mettent également en évidence la responsabilité et la duplicité du Royaume du Maroc. Tout cela remet en avant les volte-face continues de la puissance occupante au Sahara occidental, volte-face dont l'Organisation de l'Unité Africaine puis, l'Organisation des Nations Unies ont eu à souffrir sans cesse au détriment du droit international et au détriment de leur propre crédit.

L'OUA et l'ONU peuvent également témoigner que le Front POLISARIO porte-parole de martyrs, d'exilés, de Sahraouis confrontés à des souffrances indicibles à l'intérieur de leur pays occupé, et d'une cause juste, n'a cessé au fil des décennies, de concéder des compromis successifs dans le but de faire prévaloir un droit fondamental, le droit au libre choix du destin du peuple sahraoui. Ces compromis ont débuté avec l'acceptation et le respect fidèle du cessez-le-feu entré en vigueur le 6 septembre 1991 et cela malgré le fait que cet arrêt des combats est un élément indissociable du Plan de règlement que le Maroc ne cesse d'entraver et même de récuser. Qu'en est-il advenu? Le Maroc en apporte lui-même la réponse : son invasion du Sahara occidental en 1975 avec une sauvagerie et une barbarie sans précédent contre des populations civiles et sans armes, son entêtement dans 1'illégalité, son expansionnisme et sa volonté de consacrer le fait accompli de l'occupation du Sahara occidental.

En cela, il ne s'agit point de polémique mais de prises de position que le Royaume du Maroc doit assumer et dont il doit être tenu comptable. C'est le Maroc qui prétend que « la communauté internationale a fini par reconnaître ses droits au Sahara ». C'est le Maroc qui soutient que « le référendum est caduc ». C'est le Maroc qui révèle enfin qu'il n'acceptera pas de solution à ce confit de décolonisation « hors du respect de son intégrité territoriale et de sa souveraineté nationale ».

Par tous ces rappels, le Front POLISARIO ne se livre pas à des déclarations pouvant être perçues comme inappropriées en réponse à une proposition qui lui a été soumise avec comme objectif la paix. Il tient en fait à replacer cette proposition dans son contexte incontournable : celui d'une occupation illégale par le fait du Maroc dont la parole donnée en cette affaire n'a toujours été qu'un pas précédant le reniement, l'entrave et la complication.

Le Front POLISARIO constate avec lucidité que, depuis le mois de novembre 1999, l'Organisation des Nations Unies tente d'opposer à la duplicité marocaine la recherche d'une « solution politique » dont l'étape ultime reste le référendum d'autodétermination et cela tout en confirmant la validité du Plan de règlement et tout en confessant les difficultés qui subsistent autour de son application.

Aussi, le peuple sahraoui et son porte-parole, le Front POLISARIO, considèrent ensemble qu'ils sont en droit d'attendre des Nations Unies la réunion des conditions et des garanties requises et suffisantes pour que le triomphe du droit des peuples à l'autodétermination soit enfin, au Sahara occidental, mis à l'abri de nouvelles volte-face marocaines et pour que le retour du peuple sahraoui dans son territoire en vue de se déterminer ne soit ni une convocation à sceller, avec son propre concours, l'intégration de son pays à l'occupant, ni encore moins un retour pour sa répression, son massacre et son étouffement.

C'est avec tous ces considérants que le Front POLISARIO a examiné attentivement la proposition de M. James Baker III découlant de la résolution 1429 du Conseil de sécurité en date du 30 juillet 2002. Durant cet examen attentif, le Front POLISARIO a relevé que l'Envoyé personnel a tenté de tenir compte de certaines des « préoccupations exprimées par les Parties ». Mais, il a aussi tenu à analyser cette proposition à la lumière des volteface et des entraves que le Royaume du Maroc a déjà opposées à des plans et accords précédents après les avoir dûment acceptés.

Partant de cela, le Front POLISARIO tient à formuler les remarques et commentaires ci-après sur la proposition de M. James Baker III intitulée « Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental ».

1. Il est prévu (par. 15) que « l'élection de 1'Assemblée législative et du Chef de l'exécutif de l'ASO doit avoir lieu dans un délai d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur du plan ». Cependant, la conception de cette période d'une année est entourée de graves et lourds silences, hormis quelques brèves indications sur les questions des prisonniers, des troupes des deux parties et des réfugiés (par. 19, 20 et 21).

Or, est-il nécessaire de rappeler que cette période est sensée voir le retour des réfugiés sahraouis dans le territoire? Est-il nécessaire également de rappeler que 1'ONU est censée investir son autorité exclusive dans l'élection de l'ASO? Est-il nécessaire de rappeler enfin que le Plan de règlement, complété par les Accords de Houston et traduit en mesures détaillées par le Secrétaire général le 13 novembre 1997, définit dans la clarté et avec précision, l'ensemble des dispositions devant régir la période de transition?

Aussi. par ces graves silences sur la période d'une année précédant 1'élection de l'ASO, la proposition risque d'organiser &endash; au corps défendant de son auteur &endash; un véritable traquenard aux réfugiés sahraouis de retour dans leur pays illégalement occupé.

En effet, sans garanties et protection suffisantes des Nations Unies, y compris par 1'engagement de leur propre autorité dans le territoire occupé, de nombreuses expériences déjà vécues ailleurs (Rwanda et Timor, entre autres) confirment par avance que la période d'une année sus-évoquée sera le moment de la répression massive des Sahraouis et de l'éclaboussement des Nations Unies elles-mêmes. Au demeurant, la répression marocaine dont continuent d'être victimes les Sahraouis dans la partie occupée du territoire, malgré la présence de la MINURSO depuis 1991, est une preuve supplémentaire des graves dangers à venir.

2. S'agissant de la libération des détenus politiques et des prisonniers de guerre (par. 19), la proposition omet d'engager la responsabilité de l'une des parties qui se déroberait à ses devoirs. Or, nous savons tous que le Maroc persiste à refuser de fournir toute information au CICR sur le sort des Sahraouis qu'il détient dans ses cachots. Est-ce à dire que l'ONU entend par là oublier ces détenus et prisonniers et libérer 1'occupant des graves responsabilités qu'il assume en la matière?

3. S'agissant du rapatriement des réfugiés (par. 19) la proposition se limite à stipuler que « les parties intéressées conviennent de coopérer sans réserve avec les organismes internationaux compétents jusqu'à ce que le rapatriement ait été mené à son terme ». Pourtant, en s'engageant a assumer l'entière responsabilité du référendum, l'ONU s'engage à assumer la responsabilité fondamentale de la protection, de la sécurité et de 1'assistance des réfugiés. Cela a été formellement convenu et précisé dans le Plan de règlement avec 1'accord des deux parties. Les dispositions y afférentes ont été énoncées aux paragraphes 22 à 28 du plan détaillé présenté par le Secrétaire général au Conseil de sécurité (rapport S/1997/882). Renoncer à ces dispositions ou même les taire, reviendrait à exposer les réfugiés à de graves dangers lors de leur rapatriement sans protection et durant leur établissement sans sécurité garantie par la MINURSO et sans l'assistance attendue du HCR.

4. S'agissant des dispositions applicables aux troupes des deux parties, la proposition (art. 20) dispose que ce serait les mesures de réduction, consignes et cantonnement prévues par le Plan de règlement complété par les Accords de Houston. Des questions importantes découlent de cette affirmation dont notamment les deux suivantes :

a) Est-ce à dire que les 65 000 militaires marocains que le Plan de règlement envisageait de maintenir cantonnés et surveillés par la MINURSO (pour une période de six mois avant le référendum) seraient désormais destinés à demeurer au Sahara occidental pendant plus de quatre années? La logique et l'équité voudraient que ces 65 000 hommes soient, dans leur quasi totalité, retirés du Sahara occidental pour lever une grave hypothèque;

b) Est-ce à dire que l'ONU entend à tout le moins maintenir au Sahara occidental l'unité militaire de la MINURSO dans son intégralité (près de 2 000 hommes) pendant près de quatre années pour pouvoir veiller au respect des dispositions de cantonnement et de surveillance déjà convenues dans le Plan de règlement et acceptées par les deux parties?

En fait, la logique même de la proposition qui (en son paragraphe 8.2) dispose des attributions de l'ASO dans le cadre de 1'exercice de « l'autorité gouvernementale » doit conduire au retrait de la quasi totalité des troupes marocaines restantes au Sahara occidental dès l'établissement de l'ASO.

5. S'agissant de la MINURSO, le paragraphe 21 de la proposition prévoit la modification du nom et du mandat de cette Mission « afin de lui permettre d'apporter son contours à l'application du plan, notamment pendant la période allant de son entrée en vigueur à la tenue de l'élection de l'ASO ». Cette affirmation est très préoccupante car elle signifierait que l'ONU envisagerait de se désengager de ses responsabilités dans le territoire pendant une période de quatre années établissant ainsi un dangereux et suicidaire face-à-face entre les Sahraouis et l'occupant marocain.

Or, il est utile de rappeler que, conformément à leur propre charte, la responsabilité des Nations Unies demeure engagée dans le territoire non autonome du Sahara occidental. Bien mieux, le fait que la proposition elle-même expose un processus dont l'ultime étape est un référendum organisé et contrôlé exclusivement par l'ONU pour déterminer le statut final du territoire doit entraîner, en toute logique, le maintien du Représentant spécial et de la MINURSO dans le cadre des missions qui leur ont été assignées par le Plan de règlement complété par les Accords de Houston. Parmi ces missions, il y a lieu de citer la prévention de tout débordement ou dérapage, mais aussi et surtout la protection permanente de la population sahraouie jusqu'à la mise en oeuvre du résultat définitif du référendum.

6. À l'issue de 1'élection de l'ASO, la proposition envisage une autre période de transition de trois années minimum ou quatre années maximum. L'évidence même soulève une interrogation sur les raisons &endash; non révélées &endash; de cette période et sur sa durée excessive.

7. Les dispositions prévues pour cette période de trois ou quatre années partent de deux postulats légalement irrecevables. En effet, le Maroc est une puissance occupante au Sahara occidental et non pas une puissance administrante. Sa souveraineté n'est pas reconnue sur le territoire et la proposition le confirme ellemême dès lors qu'elle tend à aboutir à un « référendum sur le statut définitif du territoire ». Partant :

a) Le Maroc ne peut exercer des attributions de relations extérieures sur un territoire où la communauté internationale n'a jamais reconnu sa souveraineté;

b) La puissance occupante ne peut conclure des accords ou des conventions engageant le territoire ou les richesses du Sahara occidental comme le confirme au demeurant l'avis du Conseiller juridique des Nations Unies en date du 29 janvier 2002;

c) Le Maroc peut encore moins déterminer les frontières internationales du Sahara occidental, frontières établies par des conventions déposées aux Nations Unies après avoir été conclues entre d'une part, l'Espagne puissance administrante au Sahara occidental et, d'autre part, la France alors puissance administrante en Mauritanie, en Algérie et au Maroc, pays voisins du Sahara occidental.

8. La proposition entend octroyer à l'ASO diverses attributions d'exercice de l'autorité gouvernementale sur le territoire du Sahara occidental. Elle aboutit donc à 1'établissement, par 1'Autorité du Sahara occidental, de 1'Administration appropriée.

Dès lors, cela sous entend le démantèlement de l'administration d'occupation dans tous les domaines relevant des attributions de l'ASO. Cet exercice de démantèlement/établissement devra se dérouler dans la sérénité et dans le respect de 1'accord supposé être conclu.

Dès lors également, la MINURSO et le Représentant spécial devront superviser cette transition. Enfin, la même démarche suppose le transfert à l'ASO du pouvoir de délivrance de titres et documents tels que les actes domaniaux, les titres de résidence et d'établissement, les documents d'état civil, les jugements, etc.

9. La proposition confère également à l'ASO les attributions de fiscalité et de développement économique, y compris notamment les mines et les pêches. Ceci suppose donc que cesse le pillage des richesses naturelles du Sahara occidental (phosphate et pêche) par l'occupant marocain et que les ressources du Sahara occidental reviennent exclusivement au territoire et à son peuple, ce que la proposition ne prévoit pas ou ne précise pas.

10. De la même manière, l'ASO étant considérée responsable en matière d'éducation et de culture, cela devrait supposer le droit pour celle-ci d'enseigner les langues souhaitées, de garantir la liberté de culte et d'établir les principes devant régir la société et les institutions, y compris le droit de rendre la justice au nom du peuple.

11. Par ailleurs, la proposition confère à l'ASO la responsabilité de la « sécurité intérieure et de maintien de l'ordre ». Dans certains cas, telle que la lutte contre la criminalité transnationale, le trafic de drogue, le blanchiment d'argent ou le terrorisme, la responsabilité de sécurité intérieure devrait conduire à une coopération internationale entre la police de l'ASO et celles d'autres États ou instances (telle qu'Interpol). Or, en la matière, le « monopole de relations extérieures » que la proposition entend conférer au Maroc serait une entrave flagrante.

12. La proposition confère au Maroc occupant un champ de compétences aux contours parfois imprécis. C'est ainsi que rien ne permet à ce stade de dire que le Maroc ne pourrait tenter de prétendre a la conscription des Sahraouis dans les rangs de l'armée d'occupation, une situation dont chacun pourrait relever le cachet insensé.

13. La proposition entend conférer au Maroc la conservation au Sahara occidental de signes de souveraineté dont le drapeau, la monnaie et le timbre. Une telle logique aurait été concevable dans le cadre d'une autonomie volontairement convenue à l'intérieur d'un État souverain. Elle est par contre inconcevable au Sahara occidental non autonome, illégalement occupé et pour lequel la proposition suggère elle-même une solution destinée à trancher le statut final du territoire. Admettre le drapeau, la monnaie et le timbre marocains au Sahara occidental, c'est céder à la prétention du colonisateur quant à sa « souveraineté nationale ».

14. En considérant devoir concéder au Maroc les douanes au Sahara occidental, la proposition aboutirait à remettre en cause gravement les attributions économiques de l'ASO. En effet, une telle situation serait dolosive tant dans les restrictions aux importations et exportations que dans le détournement des recettes et taxes douanières au détriment de l'économie du Sahara occidental.

15. En prévoyant de concéder au Maroc (dont les pratiques policières sont bien connues) l'administration des postes et télécommunications, la proposition met en péril le respect du principe universel de la liberté et du secret des communications et des correspondances. Cela reviendrait a une remise en cause des droits fondamentaux de l'homme au détriment des Sahraouis.

16. La proposition est demeurée silencieuse sur la liberté de circulation des biens et des personnes vers le territoire du Sahara occidental ou en provenance de ce dernier. Ce principe universel de liberté de mouvement retenu également dans le Plan de règlement et les Accords de Houston est remis en cause par cette proposition. De surcroît, les attributions envisagées par le Maroc en matière de lutte contre « toute tentative sécessionniste » conduirait, sans aucun doute, à enfermer la population du Sahara occidental dans un ghetto étouffant.

17. La proposition omet de stipuler le droit de libre accès des étrangers au Sahara occidental et en particulier les organisations non gouvernementales ainsi que les médias. De plus, octroyer la sécurité extérieure du territoire au Maroc occupant aboutirait à lui conférer un droit de censure sur 1'entrée des étrangers au Sahara occidental. Voilà pourquoi la proposition aurait dû conférer aux seuls services des Nations Unies le pouvoir de délivrance des visas d'entrée dans le territoire.

18. La proposition entend conférer au Maroc un pouvoir sur « toutes les questions relatives à la production, la vente, la possession ou l'emploi d'armes et d'explosifs ». C'est là un fondement « légal » qui serait instauré au profit de la puissance occupante et qu'elle pourrait utiliser pour armer des « escadrons de la mort » en vue d'instaurer un sanglant chaos au Sahara occidental dont la victime désignée par avance serait le peuple sahraoui.

Relevons aussi que la proposition passe sous silence un principe universel de droit, à savoir, que toute activité de police judiciaire doit obligatoirement être soumise au contrôle du juge territorialement compétent et donc aux tribunaux qui sont sensés être érigés au Sahara occidental.

19. La proposition envisage de conférer au Maroc le « droit » de « défense du territoire contre toute ingérence sécessionniste ». Il y a lieu de relever qu'il s'agit là d'un grave glissement juridique et d'une anomalie flagrante.

C'est effectivement une grave anomalie juridique car qui dit « sécession » sous-entend une « intégrité territoriale ». C'est là bien sûr la thèse colonialiste du Maroc mais cette « intégrité territoriale » n'est pas reconnue par la communauté internationale, le peuple sahraoui 1'ayant quant à lui contesté par sa lutte légitime de libération nationale. Bien mieux, la proposition récuse « l'intégrité territoriale du Maroc au Sahara occidental » puisqu'elle est sensée conduire vers un référendum sur « le statut définitif du Sahara occidental ».

C'est une anomalie flagrante aussi car, dans sa conception, la proposition suppose une démarche que le Front POLISARIO et le peuple sahraoui auraient acceptée et que 1'Armée de libération du peuple sahraoui (ALPS) serait réduite et cantonnée sous la surveillance de la MINURSO. Dès lors, d'où viendrait cette « tentative sécessionniste »?

En fait, une telle disposition reviendrait à étouffer, trois ou quatre années durant, le droit du peuple sahraoui de promouvoir pacifiquement et démocratiquement, et pas seulement durant les campagnes électorales, sa revendication indépendantiste pour laquelle il lutte toujours et alors que l'option de l'indépendance demeure tout naturellement l'une des options sur lesquelles un référendum libre et régulier devrait permettre de statuer.

20. La proposition entend établir un pouvoir judiciaire nommé par l'ASO au Sahara occidental. Mais en même temps, elle reconnaît à la Haute Cour du Maroc le droit de « juger de la conformité des lois relevant de la compétence du Royaume ». C'est là un bicéphalisme judiciaire sans précédent autour d'un territoire colonial, sans même l'arbitrage de juges tiers représentant les Nations Unies. Son effet serait d'abord d'atrophier gravement les « prérogatives dévolues à 1'Assemblée législative de l'ASO ».

La deuxième dangereuse conséquence que cette approche révélerait, sans nul doute dans la pratique, serait que les personnes sahraouies interpellées par les services de sécurité marocains pour « tentative sécessionniste » deviendraient passibles des tribunaux spéciaux du Maroc. En somme, l'occupation et la répression du fait national sahraoui seraient maintenues comme sous l'occupation actuelle, et certainement plus déchaînées et féroces avec en prime sa « validation » par un plan de paix dont l'ONU assumerait la paternité.

21. Concernant le référendum final sur le statut définitif du Sahara occidental, et en dépit de la pétition de principe relative à sa maîtrise par l'ONU (par. 4 et 15), il reste cependant, sur la question du corps électoral, frappé d'une marque d'injustice envers le peuple sahraoui, marqué aussi par la contradiction en la démarche et enfin porteur de nouvelles sources de complications.

a) Ainsi, le contenu des paragraphes 5 et 6 énonçant les dispositions sur un corps électoral triple (à savoir les Sahraouis déjà identifiés, les réfugiés sahraouis et les colons marocains) renvoie le processus tout entier aux complications originelles et permanentes sur la question des votants admis à prendre part au référendum. En effet et de 1'aveu même des Nations Unies, la mise en oeuvre du Plan de règlement a été en permanence entravée par la difficulté à résoudre la question de l'identification une décennie durant.

Or, en prévoyant d'identifier une nouvelle catégorie de votants (les « résidents »), l'ONU se préparerait ainsi à une nouvelle polémique et à une paralysie certaine du processus proposé;

b) En outre, les dispositions relatives au recensement des « résidents sur la liste des électeurs » sont porteuses d'une contradiction évidente. Ainsi d'un côté, il est affirmé que c'est l'ONU « dont les décisions seront finales et sans appel » qui prendra en charge cette opération de recensement. De l'autre côté, il est énoncé que l'ONU se fondera a cette fin sur le « témoignage d'au moins trois personnes dignes de foi et/ou des preuves documentaires crédibles ». Ce faisant, le Maroc occupant aura le privilège exclusif de prétendre au droit de vote pour ses ressortissants, de fournir également les témoins et forcément enfin, de fournir les documents. Ainsi, la proposition s'apprêterait à engager les Nations Unies dans un nouveau processus infini d'identification avec des complications certaines de la part du Maroc qui assume la responsabilité permanente du blocage du Plan de règlement, précisément sur la question de l'identification.

En effet, il est nécessaire de rappeler ici que le Plan de paix des Nations Unies, accepté par les deux parties et endossé par le Conseil de sécurité, énonçait à son origine en 1988 et à sa finalisation en avril 1991 que le corps électoral pour le référendum était les 74 000 Sahraouis recensés par 1'Espagne puissance administrante.

Rappelons également que les manoeuvres dilatoires marocaines ont été aussi constantes que publiques sur la question de l'identification comme en témoignent successivement :

&endash; Sa présentation à l'ONU, dès juillet 1991, de deux « listes supplémentaires » portant respectivement sur 76 000 et 45 000 « Sahraouis »;

&endash; Sa seconde « Marche Verte » du 17 septembre 1991 (après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 6 septembre 1991) faisant déplacer au Sahara occidental 170 000 Marocains pour « aller à la Commission d'identification »;

&endash; Sa troisième « Marche Verte » du 12 janvier 1998 (après les Accords de Houston qui ont conforté les critères d'identification et quelques semaines après l'adoption du Plan détaillé du Secrétaire général le 13 novembre 1997 pour la tenue du référendum le 7 décembre 1998) faisant pénétrer au Sahara occidental un premier contingent de 50 000 Marocains pour se faire « identifier »;

&endash; Son dépôt de 131 000 recours en février 2000 (de personnes déjà déboutées par la Commission d'identification) pour forcer les Nations Unies à les accepter comme votants et cela immédiatement après la publication de la liste provisoire de la Commission d'identification le 30 décembre 1999, et malgré les résolutions 1238 (14 mai 1999) et 1263 (13 septembre 1999) par lesquelles le Conseil de sécurité avait pourtant exigé des deux parties « de ne pas transformer la procédure de recours en nouvelle opération d'identification ».

Rappelons enfin que devant chacun des coups de force marocains sus-évoqués, 1'ONU a cédé sans pour autant faire cesser les manoeuvres de l'occupation. C'est ainsi que :

&endash; L'entrée de 170 000 Marocains supplémentaires au Sahara occidental en septembre 1991 a été suivie d'une révision des critères d'identification qui étaient déjà établis;

&endash; L'entrée de 50 000 Marocains supplémentaires au Sahara occidental, en janvier 1998, a abouti à la remise en cause des modalités relatives à l'identification convenues et acceptées dans le cadre des Accords de Houston ainsi qu'à l'avènement des cinq protocoles additionnels relatifs aux recours élaborés par le Secrétaire général de l'ONU en mai 1999;

&endash; Enfin, la diffusion par l'ONU, en décembre 1999, de la liste des votants identifiés (soit 86 425 personnes) a été suivie par la présentation par le Maroc de 131 000 recours relatifs à des dossiers pourtant tous déjà examinés et disqualifiés par la Commission d'identification de l'ONU. Le résultat cette fois-ci aura été le blocage du processus d'identification et partant le blocage de la mise en oeuvre du Plan de règlement;

c) Enfin, la composition du corps électoral envisagé par la proposition est aussi injuste que mortelle pour le peuple sahraoui :

&endash; Elle est injuste car le sort du territoire sahraoui colonisé se verrait déterminé par le biais d'un scrutin auquel prendraient part 86 425 Sahraouis et (si l'on s'en tenait aux faits relatés ci-dessus) un nombre de colons marocains quatre à cinq fois plus important;

&endash; Elle est mortelle car, il s'agirait pour les Sahraouis réfugiés de retourner au Sahara occidental dans l'inconnu et dans l'incertitude pour y être définitivement piégés par le colonisateur qui bloquerait alors de nouveau le processus autour de la question des « résidents » et se livrerait également à une répression des plus barbares comme il 1'a fait en 1975 lorsqu'il a utilisé même le napalm contre des civils, fuyant l'occupation, ce que n'a pas fait même le nazisme lorsqu'il a envahi les pays voisins de l'Allemagne.

22. En outre, la proposition n'énonce aucune disposition destinée à interdire tout nouveau déplacement massif de Marocains vers le Sahara occidental. Ce faisant, les quatre à cinq années entre l'entrée en vigueur du plan proposé et le référendum final offriront autant d'occasions pour de nouvelles « marches vertes », une technique avec laquelle le Maroc a envahi le Sahara occidental et entretenu son occupation au fil des années.

23. La proposition n'offre aucune garantie quant au respect du résultat du référendum proposé s'il aboutissait à l'indépendance. Ce n'est assurément pas « l'engagement des parties intéressées » (par. 9) qui pourrait être confondu avec une garantie effective. De tels « engagements » ont été pris par le Maroc en 1988 et 1991 (dans le cadre du Plan de règlement) puis, en septembre 1997 à Houston et enfin, en novembre 1997, lors de l'adoption du Plan détaillé de mise en oeuvre par le Conseil de sécurité. Chacun sait ce qu'il en est advenu.

Au demeurant, c'est le Secrétaire général lui-même qui a affirmé dans son rapport du 19 février 2002 (par. 48) que « l'ONU pourrait ne pas être en mesure d'organiser un référendum libre et régulier dont les résultats seraient acceptés par les Parties; et il n'y aurait pas de mécanismes pour faire appliquer les résultats ».

Cela même aurait dû pousser à l'inclusion, dans la proposition, de garanties suffisantes et notamment à travers, d'une part, le rôle de la MINURSO et du Représentant spécial, et, d'autre part, des engagements préalables de la part du Secrétaire général et du Conseil de sécurité de veiller au respect des résultats du référendum.

24. Enfin, 1'accord contenu dans la proposition de l'Envoyé personnel introduit une innovation à tout le moins inédite en matière d'accord. Ledit document énonce (par. 1) qu'il s'agit d'un « accord conclu par et entre le Royaume du Maroc et le Front POLISARIO ». En ses articles 17 et 19, il se réfère de nouveau au Front POLISARIO pour les besoins de régler le sort de l'ALPS et de réaffirmer le Code de conduite. Enfin, en son timbre final, la nouvelle proposition érige le Front POLISARIO en l'un des cinq signataires de « l'Accord ». Cependant, nulle part ailleurs, le Front POLISARIO n'apparaît dans les 20 autres paragraphes du document (à la différence du Maroc élevé au rang de sujet ou d'acteur dans toutes les phases du processus proposé).

À travers cela, s'agirait-il alors de confiner le Front POLISARIO au statut de signataire engageant le peuple sahraoui, sans rôle ultérieur pour assumer des engagements qu'il aura conclus ou même de requérant pour toute violation de l'Accord? S'agirait-il aussi de dessaisir le Front POLISARIO de la responsabilité de porter politiquement et pacifiquement la revendication indépendantiste qui est la raison même pour laquelle les Sahraouis l'ont mandaté et au sujet de laquelle la communauté internationale (y compris les Nations Unies) 1'a admis, depuis des décennies, comme interlocuteur?

Le Front POLISARIO est un mouvement démocratique et, partant, il ne nourrirait aucune rancune à voir les Sahraouis authentiques élire des institutions et surtout se prononcer sur le devenir du Sahara occidental.

Cependant, le Front POLISARIO est aussi un partenaire incontournable pour convenir des termes de tout règlement juste et définitif de ce confit. Il est dès lors un partenaire incontournable également dans la conclusion, la mise en oeuvre et le respect de tout plan de règlement. La proposition aurait dû tenir compte de cette réalité et prévenir une grave omission.

En définitive et à travers tour les développements qui précèdent, le Front POLISARIO ne se livre ni à des manoeuvres dilatoires ni à des échappatoires par rapport à l'enjeu de la paix auquel oeuvrent les Nations Unies. Cette paix juste et durable est la quête du peuple sahraoui dont le pays est partiellement occupé et dont une partie est contrainte, depuis 27 ans, à l'exil douloureux.

Cette paix par la voie de l'autodétermination authentique au bénéfice du peuple sahraoui est la raison même des concessions multiples que le Front POLISARIO a volontairement acceptées au nom des Sahraouis, de la cessation unilatérale des hostilités (1990) au cessez-le-feu (1991) et aux différents compromis successifs déjà acceptés en matière de critères d'identification. En outre, les libérations successives de prisonniers de guerre (question indissociable du Plan de règlement) sont autant de gages de la volonté de paix qui anime le Front POLISARIO.

Quant à l'autre partie, le Maroc occupant, son seul mérite aura été, depuis 1975, de ne cesser de proclamer ouvertement qu'il n'y aurait de référendum que « confirmatif » et qu'il n'y aurait de solution que « dans le respect de son intégrité territoriale et de souveraineté nationale ».

Les remarques formulées par le Front POLISARIO sur la proposition de 1'Envové personnel sont en fait destinées à mettre en évidence les incohérences que celle-ci recèle, les hypothèques graves qu'elle fait peser sur 1'effort que l'ONU suggère d'engager et enfin, les dangers mortels qu'elle véhicule pour la sécurité et pour les droits légitimes et inaliénables du peuple sahraoui à déterminer librement et exclusivement son devenir et celui de son propre pays.

C'est dans ce même esprit et comme témoignage à la fois de bonne volonté et du désir du peuple sahraoui de voir les efforts de l'ONU aboutir à la satisfaction de son propre droit à l'autodétermination, que le Front POLISARIO soumet à 1'Envové personnel et à travers lui aux Nations Unies une proposition qui représente un sacrifice et une concession majeurs.

Cette nouvelle proposition a pour objet de :

&endash; Résoudre le contentieux dilatoire de l'identification des votants lors du référendum; &endash; Réduire les délais et les coûts de la mise en oeuvre du Plan de règlement;

&endash; Revenir aux garanties d'impartialité déjà acceptées par les deux parties sans contestation;

&endash; Et établir enfin des garanties de respect des résultats du référendum.

À cet effet, le Front POLISARIO propose :

1) Que, pour dépasser l'impasse de l'identification, les Nations Unies décident que le corps électoral pour le référendum soit constitué :

a) Des personnes dont les noms sont portés sur la liste provisoire des votants établie par la Commission d'identification à la date du 30 décembre 1999;

b) Du résultat que dégagerait la Commission d'identification à l'issue de l'examen impartial, rigoureux et transparent des recours déposés, dans leur quasitotalité, par le Maroc et enregistrés par la Commission d'identification, examen qui serait effectué avec ou sans la participation des Chioukh, un examen dont les décisions devraient être finales et sans appel;

c) La finalisation de cette identification qui nécessiterait quelques semaines devrait être réalisée avant le lancement de la période de transition.

2) Une fois cette identification parachevée, le Plan de règlement renforcé par les Accords de Houston serait mis en oeuvre conformément au plan détaillé contenu dans le rapport du Secrétaire général en date du 13 novembre 1997 (S/1997/882).

3) Aux fins de garantir le respect du résultat du référendum, le Secrétaire général et le Conseil de sécurité prendraient par avance 1'engagement de veiller au respect de l'issue de la consultation référendaire organisée et contrôlée par 1'ONU, le mécanisme opératoire à cette fin étant le Représentant spécial et la MINURSO.

Par cette nouvelle proposition, le Front POLISARIO souhaite clore toutes les voies aux manoeuvres dilatoires : la question de l'identification des votants serait tranchée par l'ONU sur la base de données (les recours) déjà en sa possession, toutes les autres dispositions du Plan de règlement complété par les Accords de Houston n'ayant quant à elles pas été matière à contestation par aucune des deux parties.

Le Front POLISARIO espère que l'Envoyé personnel et les Nations Unies percevront la portée et la signification de la proposition qu'il soumet et qui répond parfaitement aux motivations d'une « solution politique » acceptable par les deux parties et tendant à assurer l'autodétermination du peuple du Sahara occidental.

C'est parce que sa raison d'être même est la quête de l'aboutissement d'une solution juste et définitive au conflit du Sahara occidental que le Front POLISARIO réaffirme de nouveau sa disponibilité à poursuivre la coopération avec 1'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies.

 

Lettre datée du 26 février 2003, adressée au Secrétaire général par le Président de l'Algérie
[Original : français]

Je voudrais vous remercier très sincèrement de votre lettre m'informant de la visite en Algérie de votre Envoyé personnel M. James Baker III et de l'intérêt que vous n'avez cessé de porter au règlement de la question du Sahara occidental depuis votre élection à la tête de l'Organisation des Nations Unies.

J'ai eu le plaisir de recevoir M. Baker et de prendre connaissance de la nouvelle proposition qu'il a élaborée en vue d'assurer l'autodétermination du peuple du Sahara occidental comme l'y a invité le Conseil de sécurité par sa résolution 1429 (2002).

Ainsi que je m'y suis engagé, sa proposition a fait l'objet d'un examen approfondi dans un esprit ouvert et constructif.

Cet examen a été mené par l'Algérie sur la base des principes qui l'ont toujours guidée face à la question du Sahara occidental, à savoir la nécessité de consacrer l'exercice du droit légitime du peuple sahraoui à l'autodétermination, conformément à la Charte et à la doctrine des Nations Unies en matière de décolonisation et aux responsabilités qui incombent à cette organisation envers les pays et les peuples coloniaux.

L'Envoyé personnel a présenté sa nouvelle proposition avec la franchise qui lui est reconnue précisant qu'il s'agit là d'une offre de solution basée sur un compromis qui n'aspire pas à satisfaire totalement l'une ou l'autre des parties au conflit au Sahara occidental, et qui n'est pas sujette à négociation. L'examen du « Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental » a été fait par l'Algérie dans le but d'apporter sa contribution à la mise en place de garanties concernant toutes les étapes du processus proposé. Ces garanties de transparence, de régularité et de sécurité ont été déjà définies par les Nations Unies et acceptées par le Royaume du Maroc et le Front POLISARIO dans le cadre du Plan de règlement complété par les Accords de Houston. Elles sont destinées à permettre le parachèvement du processus de décolonisation au Sahara occidental, dans des conditions de liberté et de régularité, sans contraintes administratives ou militaires et sous la conduite de l'autorité exclusive des Nations Unies, confortant ainsi la crédibilité de la solution proposée et rehaussant par là-même le crédit et le prestige de l'ONU.

Tel est l'esprit qui a présidé à l'élaboration de la réaction de l'Algérie au « Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental », qui est consignée dans le mémorandum joint à la présente et que je vous prie de porter également à la connaissance des membres du Conseil de sécurité.

Enfin, je tiens à vous assurer une fois de plus de mon entière détermination et de ma disponibilité à continuer de coopérer autant avec vous-même qu'avec votre Envoyé personnel au succès des efforts que poursuit l'Organisation des Nations Unies depuis de si longues années, en vue de faire aboutir une solution juste et définitive à la question du Sahara occidental au service de la paix et de la stabilité dans la sous-région.
(Signé) Abdelaziz Bouteflika

 

Mémorandum de l'Algérie au sujet de la nouvelle proposition de l'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies portant « Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental »
[Original : français]

C'est avec plaisir et espoir que l'Algérie a reçu, le 15 janvier 2003, S. E. M. James Baker III, Envoyé personnel du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

À cette occasion, S. E. M. Abdelaziz Bouteflika, Président de la République algérienne démocratique et populaire, lui a renouvelé la reconnaissance de l'Algérie pour les efforts inlassables qu'il déploie, avec compétence et dévouement, depuis le mois d'avril 1997, pour faire aboutir le processus de règlement pacifique, juste et définitif du conflit du Sahara occidental, sous l'égide des Nations Unies et par la voie d'un référendum d'autodétermination du peuple du Sahara occidental. Le Président de la République a également assuré l'Envoyé personnel du Secrétaire général que l'Algérie étudiera, avec toute l'attention requise, le « Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental » soumis au deux parties au conflit, le Royaume du Maroc et le Front POLISARIO ainsi qu'à l'Algérie et à la Mauritanie, pays voisins et parties intéressées.

L'intérêt porté par l'Algérie à la nouvelle offre de paix présentée par l'Envoyé personnel s'inscrit en droite ligne de l'appui qu'elle n'a cessé d'apporter depuis 1966 au parachèvement de la décolonisation du Sahara occidental pour qu'y soit enfin consacré le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes inscrit dans la Charte des Nations Unies.

Ce droit a fait l'objet de résolutions multiples de l'Organisation des Nations Unies dont la résolution 1514/XV de l'Assemblée générale et d'une pratique soutenue qui l'ont consacré comme la voie incontournable pour les pays et les peuples coloniaux de choisir librement leur destin. De la même manière, la Charte et la pratique des Nations Unies ont reconnu et confirmé la responsabilité première de cette organisation envers les peuples coloniaux et envers les territoires non autonomes, deux réalités dont participe la situation qui prévaut encore au Sahara occidental.

De fait, les Nations Unies ont effectivement pris sur elles d'assumer cette responsabilité au Sahara occidental à travers le Plan de règlement et les Accords de Houston pour « la tenue du référendum d'autodétermination du peuple du Sahara occidental, libre et régulier, sans contraintes administratives ou militaires, organisé et contrôlé par les Nations Unies ». Malheureusement, la mise en oeuvre de ce plan a été entravée par des faits dont la responsabilité a été parfaitement établie. Cependant, les Nations Unies n'ont heureusement ni désespéré de ce blocage qui persiste depuis 1991, ni encore moins renoncé à leur rôle et à leur responsabilité à l'égard de la question du Sahara occidental. La résolution 1429 du Conseil de sécurité en date du 30 juillet 2002 confirme cette détermination.

En effet, par cette résolution, le Conseil de sécurité a déclaré qu'il « continue d'appuyer énergiquement les efforts déployés par le Secrétaire général et son Envoyé personnel pour trouver une solution politique à ce différend de longue date, invite l'Envoyé personnel à poursuivre ses efforts en gardant à l'esprit les préoccupations exprimées par les parties et se déclare prêt à étudier toute solution assurant l'autodétermination qui pourrait être proposée par le Secrétaire général et son Envoyé personnel, en consultation avec toutes autres personnes connaissant la question ».

Le « Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental », présenté par l'Envoyé personnel comme une offre non négociable, découle de cette résolution du Conseil de sécurité.

L'Algérie a examiné ce plan avec le plus grand, animée du souci de contribuer au succès des efforts de l'Envoyé personnel du Secrétaire général et à travers lui de l'ensemble de l'Organisation des Nations Unies, car autant elle a toujours appuyé le droit du peuple du Sahara occidental à l'autodétermination et rejeté la politique du fait accompli, autant elle a toujours oeuvré également pour la préservation de la paix dans la région et affirmé son attachement au respect de la légalité internationale dont le Conseil de sécurité est à la fois l'incarnation et le garant.

À l'issue de cet examen, elle tient à réagir à cette nouvelle proposition par les observations ci-après :

&endash; D'abord, sur la période préliminaire d'une année avant l'élection de l'Autorité du Sahara occidental (ASO);

&endash; Ensuite, sur la question des prisonniers;

&endash; En outre, sur la question des réfugiés;

&endash; Également, sur celle des troupes des deux parties;

&endash; Aussi, sur la période allant de l'élection de l'ASO à la tenue du référendum sur le statut final du territoire;

&endash; De même, sur le référendum relatif au statut final du territoire;

&endash; Enfin, sur les garanties de bonne exécution du Plan proposé.

Toutes ces observations tiennent compte des progrès antérieurement accomplis dans le négociations précédemment engagées entre les parties sous la présidence de l'Envoyé personnel du Secrétaire général et notamment des dispositions contenues dans les Accords de Houston auxquels avaient adhéré à la fois le Royaume du Maroc et le Front POLISARIO.

I. La période préliminaire d'une année avant l'élection de l'ASO

Au paragraphe 15 de la proposition, il est indiqué que « l'élection de l'Assemblée législative et du Chef de l'exécutif de l'Autorité du Sahara occidental se déroulera une année après l'entrée en vigueur de ce plan ». Cependant, aucune indication n'est fournie sur l'organisation et sur les arrangements devant prévaloir durant cette période cruciale pendant laquelle, et comme indiqué dans d'autres paragraphes de la proposition seront exécutées des opérations importantes telles que, le retour des réfugiés, la mise en oeuvre des dispositions applicables aux troupes des deux parties, ainsi qu'en phase ultime, l'élection de l'Autorité du Sahara occidental.

Certes, en évoquant les dispositions des Accords de Houston de 1997 pour certaines des opérations devant être réalisées pendant ladite période (notamment le respect du Code de conduite évoqué au paragraphe 17 et le cantonnement des troupes évoqué au paragraphe 20) et en se référant au rôle y revenant à la MINURSO, le Plan soumis par l'Envoyé personnel donne une indication quant aux dispositions susceptibles de régir cette phase préliminaire.

Néanmoins, l'Algérie considère que l'année précédant l'élection de l'Autorité du Sahara occidental sera une année critique. C'est pourquoi elle estime que l'énoncé des dispositions applicables devra être fait en toute clarté avant la signature par laquelle les parties et les pays voisins s'engageraient pour son acceptation. En ce qui la concerne, l'Algérie estime qu'il existe une similitude évidente entre les problèmes et les enjeux relevant d'une part de cette période préliminaire d'une année et d'autre part de la période de transition d'une année prévue par le Plan de règlement. C'est pourquoi elle considère que la gestion de ladite période par les Nations Unies devra comporter des garanties de sécurité et d'équité semblables à celles réunies en vue de la période de transition énoncée dans le Plan de règlement consolidé par les Accords de Houston, garanties qui, de surcroît, n'ont fait l'objet d'aucune contestation de la part de l'une ou de l'autre des parties au conflit.

En outre et malgré la différence des finalités &endash; un référendum d'autodétermination pour l'une et l'élection de l'ASO pour l'autre &endash; une similitude des enjeux propres à la période préliminaire d'une année et la période de transition découlant du Plan de règlement, est confortée par le fait même que ladite période de transition a effectivement débuté depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 6 septembre 1991.

Enfin et hormis l'évaluation des moyens physiques et des incidences financières à réévaluer, de telles mesures et conditions pertinentes ont déjà été identifiées par le Secrétaire général des Nations Unies qui les a exposées dans son rapport S/1997/882 daté du 13 novembre 1997.

L'Algérie considère donc que, pour la période allant de l'entrée en vigueur du Plan soumis par l'Envoyé personnel à l'élection une année après de l'Autorité du Sahara occidental, les Nations Unies devront disposer que :

1. Le Représentant spécial du Secrétaire général qui est déjà dans le territoire, exercera l'ensemble de ses attributions et pouvoirs, à savoir, une autorité exclusive sur toutes les questions liées à la préparation de l'élection de l'Autorité du Sahara occidental, y compris en ce qui concerne les mesures à prendre concernant les troupes des deux parties, le retour des réfugiés, la libération des prisonniers de guerre et prisonniers politiques, la supervision de l'administration et de la police dans le territoire, la garantie de la liberté de campagne électorale et enfin, l'organisation et le contrôle de l'élection de l'ASO dans le cadre du pouvoir exclusif des Nations Unies en la matière. Il est à souligner que des dispositions similaires sont énoncées au paragraphe 14 du rapport susmentionné du Secrétaire général; 2. Pour assister le Représentant spécial, les Nations Unies procèderont au déploiement des unités civile, militaire et de police de la MINURSO dans des délais et avec des effectifs appropriés. Il est à relever que cette question a été clairement prise en charge à travers les paragraphes 38 à 46 du rapport du Secrétaire général sus-évoqué;

3. Les Nations Unies &endash; à travers le Représentant spécial du Secrétaire général et avec le concours de la MINURSO &endash; superviseront l'administration du territoire, notamment le maintien de l'ordre public, comme prévu au paragraphe 15 du rapport précité du Secrétaire général;

4. Une amnistie sera proclamée avant le début du rapatriement des réfugiés comme prévu au paragraphe 13 du rapport du Secrétaire général susmentionné;

5. Les Nations Unies neutraliseront les unités paramilitaires des forces de police existantes et prendront les dispositions nécessaires pour le maintien de l'ordre public pendant la période de transition comme prévu au paragraphe 24 du rapport susmentionné;

6. Le Représentant spécial veillera, entre autres, à ce que la liberté d'expression et de réunion et la liberté de presse ainsi que la liberté de circulation des biens et du personnel à l'entrée, à la sortie et à l'intérieur du territoire soient complètes, créant ainsi un climat de tranquillité publique dans lequel l'ONU pourra procéder à l'organisation et à la tenue de l'élection de l'Autorité du Sahara occidental, exempte de toute contrainte et de tout acte d'intimidation et de harcèlement, ainsi que le paragraphe 14 du rapport susmentionné du Secrétaire général;

7. Le Représentant spécial du Secrétaire général sera habilité à publier un règlement interdisant les actes de concussion, de fraude, d'intimidation ou de harcèlement susceptibles d'entraver l'organisation et le déroulement d'une élection libre et régulière sous la responsabilité exclusive des Nations Unies comme le prévoit le paragraphe 14 du rapport du Secrétaire général susmentionné;

8. Le Représentant spécial veillera, avant le début du rapatriement des réfugiés, à ce que les autorités intéressées suspendent toute loi ou toute mesure qui, à son seul avis, pourrait faire obstacle au déroulement d'une élection libre et régulière et qui ne serait pas, par ailleurs, remplacée par les règlements, règles et instructions pris par ses propres soins ainsi que le prévoit le paragraphe 21 du rapport du Secrétaire général susmentionné;

9. Pour aplanir toute difficulté ou tout problème qui pourraient surgir lors de la campagne électorale ainsi que durant l'élection de l'Autorité du Sahara occidental, le Représentant spécial pourra, dans le cadre de l'autorité exclusive des Nations Unies en ce qui concerne l'organisation et la conduite de ladite élection, être assisté par une commission aux travaux de laquelle seront associés, en qualité d'observateurs, les représentants des deux parties, le Royaume du Maroc et le Front POLISARIO ainsi que le prévoit le paragraphe 33 du rapport du Secrétaire général susmentionné;

10. En outre et afin d'assurer la promotion d'un climat propice à la tenue de l'élection de l'ASO, le Représentant spécial devra, dans le respect de la liberté de circulation des personnes, prendre des mesures en vue de prévenir tout mouvement massif de personnes du territoire marocain vers le territoire du Sahara occidental. Ces mesures sont d'autant plus nécessaires, que de tels mouvements se sont produits en 1975 puis en 1998 alors même que la responsabilité des Nations Unies était déjà engagée au Sahara occidental depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 6 septembre 1991;

11. Enfin, des dispositions pratiques devront être édictées pour préciser davantage le champ et la portée de l'autorité exclusive des Nations Unies en matière d'organisation et de contrôle de l'élection de l'Autorité du Sahara occidental ainsi que de proclamation et de mise en oeuvre de ses résultats.

Ce sont là les mesures que l'Algérie estime nécessaires pour un bon déroulement de la période d'une année allant de l'entrée en vigueur du plan de l'Envoyé personnel à la mise en place de l'Autorité du Sahara occidental. Ces mesures permettront de réunir les conditions à même de prévenir tout dérapage de nature à annihiler la confiance et la sérénité que cette même période vise à établir, voire à compromettre ce plan de paix alors que les réfugiés seraient déjà retournés dans le territoire.

II. La libération des prisonniers politiques et de guerre

L'Algérie saisit parfaitement la finalité de l'absence de réciprocité entre les deux parties dans le cadre de leur obligation de procéder auxdites libérations qui a été énoncée au paragraphe 19 du plan proposé.

Néanmoins, elle estime que dans le cas où l'une ou l'autre des deux parties viendrait à se dérober à ses propres obligations en la matière après que l'autre partie aura procédé à la libération de ses prisonniers, il devra être de la responsabilité des Nations Unies à travers leur représentant spécial et, le cas échéant, à un niveau plus élevé, de veiller à faire respecter cette importante disposition relevant du droit humanitaire et au sujet de laquelle aucune défaillance ne devrait être tolérée par la communauté internationale.

III. Le rapatriement des réfugiés

L'Algérie prend acte du fait que, en son paragraphe 19, le plan proposé dispose que « les parties intéressées continueront de coopérer pleinement avec les organismes internationaux compétents jusqu'au parachèvement du processus de rapatriement ».

Cette clause est positive mais néanmoins insuffisante pour garantir dans la pratique un rapatriement organisé et sécurisé des réfugiés ainsi que leur installation dans le territoire dans les conditions de protection et d'assistance requises. C'est pourquoi, l'Algérie considère que les modalités définies dans le cadre du Plan de règlement, et qui, de surcroît, n'ont pas été récusées ou contestées par l'une ou l'autre des deux parties, devront être mises en oeuvre dans le cadre du rapatriement envisagé par le nouveau plan. Ces mesures ont été détaillées dans le rapport du Secrétaire général S/1997/882 et sont relatives :

1. À la réunion préalable, par la MINURSO, des conditions de sécurité requises pour le retour des réfugiés, y compris la réduction, le cantonnement et la consigne des forces marocaines présentes sur le territoire, la désignation par le Représentant spécial des points de passage des réfugiés vers le territoire, la sécurisation, par la MINURSO, de ces points d'entrée, y compris le déminage des itinéraires ainsi que la sécurisation de centres d'accueil des réfugiés désignés par le Représentant spécial. Il est à relever que des dispositions identiques sont prévues au paragraphe 24 du rapport du Secrétaire général S/1997/882;

2. Au respect du droit des réfugiés revenant dans le territoire qui souhaiteraient rejoindre leurs parents dans le territoire ou prendre d'autres dispositions comme le prévoit le paragraphe 25 du même rapport du Secrétaire général;

3. À l'assistance qu'apportera le HCR aux réfugiés rapatriés dans les centres d'accueil ou dans les endroits qu'ils rejoindront durant toute la période précédant l'élection de l'Autorité du Sahara occidental et, par la suite, en vue de leur réinsertion dans le territoire. Des dispositions de même nature ont également été déjà prévues par le paragraphe 28 du rapport du Secrétaire général susmentionné.

IV. La question des troupes des deux parties

À ce sujet, l'Algérie tient à faire connaître sa position sur chacun des deux éléments constitutifs du paragraphe 20 du plan proposé par l'Envoyé personnel.

1. En premier lieu, ce paragraphe énonce que « dans un délai de quatrevingt- dix (90) jours après l'entrée en vigueur de ce plan, les forces armées du Maroc et du Front POLISARIO seront réduites, consignées, cantonnées et, par la suite, tenues à tout point de vue de respecter strictement les dispositions des Accords de Houston de 1997 ». Cette disposition satisfaisante doit être interprétée comme s'agissant du strict respect par les forces des deux parties « des dispositions du Plan de règlement complété par les Accords de Houston ».

Il est inutile de rappeler qu'en la matière, le mérite des Accords de Houston a été d'une part de confirmer les dispositions pertinentes du Plan de règlement applicables aux forces armées du Royaume du Maroc et d'autre part de préciser dans le détail les dispositions applicables pour le cantonnement des troupes du Front POLISARIO que le Plan de règlement n'avait pas détaillées.

En fait, les dispositions applicables aux forces armées marocaines dans le territoire ont été détaillées dans le paragraphe 20 du rapport du Secrétaire général S/1997/882, lequel précise qu'il est complété par le paragraphe 56 du rapport du Secrétaire général S/21360 et Corr.1.

C'est pourquoi, l'Algérie tient à consigner ici sa compréhension des engagements déjà convenus entre le Royaume du Maroc et le Secrétaire général des Nations Unies et qui ont été confirmés dans le cadre des Accords de Houston à savoir :

a) « Le Maroc s'était engagé à réduire ses forces dans le territoire de façon à les ramener à 65 000 officiers et hommes de troupes au maximum, cette réduction étant réalisée sur une période de onze (11) semaines à compter du début de la période de transition. Le Secrétaire général de l'époque a accepté ce chiffre, considérant qu'il s'agissait d'une réduction appropriée, substantielle et graduelle au sens des propositions de règlement. Ainsi, la réduction des forces marocaines dans le territoire devrait prendre fin (le 22 août 1998) et toutes les forces restantes, à l'exception de celles qui sont mentionnées dans le plan (S/21360 et Corr.1, par. 56) seraient cantonnées à cette date, compte dûment tenu des modalités et du temps nécessaires pour la phase de rapatriement décrite dans le présent rapport. » Il s'agit là du contenu du paragraphe 20 du rapport du Secrétaire général S/1997/882 daté du 13 novembre 1997;

b) « À l'exception des éléments visés au présent paragraphe, les troupes marocaines demeurant dans le territoire ne comprendront que les forces déployées dans des positions fixes ou défensives le long du mur de sable construit par le Maroc à proximité des frontières orientales et méridionales du territoire. Toutes les forces d'intervention et d'artillerie auront été retirées, de même que toutes les unités des forces aériennes marocaines précédemment utilisées dans le cadre d'opérations offensives. Les seules exceptions à ces arrangements seront les suivantes :

&endash; Certaines unités logistiques d'appui nécessaires pour appuyer les troupes marocaines déployées le long du mur de sable et dont l'effectif ne dépassera pas un niveau acceptable par le Secrétaire général resteront déployées dans les localités où elles se trouvent à présent, à savoir Layoune, Dakhla et Smara; toutefois, leurs membres ne porteront pas d'armes dans les villes et n'y circuleront pas en uniforme qu'ils soient ou non en service;

&endash; Les forces aériennes continueront à fournir des services météorologiques et à assurer le contrôle de la circulation aérienne et les liaisons radioélectriques mais ne conserveront que les appareils indispensables à l'appui logistique des troupes marocaines demeurant dans le territoire;

&endash; La marine marocaine restera responsable des tâches telles que la surveillance des côtes;

&endash; L'unité militaire de la MINURSO surveillera de près toutes les activités susmentionnées ». Il s'agit là du contenu du paragraphe 56 du rapport du Secrétaire général S/21360 et Corr.1. »

Par ailleurs et dès lors que les Accords de Houston prévoient le cantonnement de forces armées du Front POLISARIO, y compris sur son territoire, l'Algérie qui confirme ici son engagement à assumer la contribution y afférente qu'elle a contracté à travers les Accords de Houston, considère que le Front POLISARIO devra être l'interlocuteur des Nations Unies, du Représentant spécial et des autorités des pays concernés pour toute question liée au cantonnement sus-évoqué et cela, jusqu'à son achèvement, soit à la tenue du référendum sur le statut final du territoire.

2. En second lieu, le paragraphe 20 du plan proposé par l'Envoyé personnel précise que la disposition sus-évoquée « n'exclut ni le déploiement des forces armées marocaines sur des positions purement défensives conformément aux responsabilités en matière de défense extérieure dévolues au Royaume du Maroc par le paragraphe 8.B du présent plan ni la création et le fonctionnement normal, sous l'autorité de l'ASO, de services de maintien de l'ordre dans le Sahara occidental ».

À ce sujet, l'Algérie tient tout d'abord à marquer sa préoccupation devant cette disposition qui, s'agissant des forces armées marocaines, viendrait à réaménager les termes d'un accord conclu dans le cadre du Plan de règlement et confirmé dans le cadre des Accords de Houston de 1997. cette préoccupation est d'autant plus légitime que le plan proposé par l'Envoyé personnel prévoit, en son paragraphe 23, la signature de ce document par l'Algérie et par la Mauritanie qui accepteraient ainsi ce plan et seraient tenues de coopérer à son succès en tant que pays voisins du territoire du Sahara occidental. En somme, la disposition contenue dans le paragraphe 20 du nouveau plan introduirait un facteur de méfiance entre les deux parties et les pays voisins alors même qu'il est attendu, de ces derniers, qu'ils concourent de bonne foi à la mise en oeuvre de l'Accord qu'ils auront signé.

Il est, en effet, tout à fait clair que le déploiement évoqué ci-dessus des forces armées du Maroc comporte des risques sérieux de tension et d'incidents malencontreux, au moment même où la mise en oeuvre intégrale, impartiale et loyale du plan proposé devrait, normalement, être une source de compréhension et d'espoir pour tous les peuples de la région. Ce plan, qui vise un objectif de paix dans la région, pourrait ainsi et paradoxalement conduire à des situations de conflit entre le Maroc et l'Algérie, ce dont nous avons tous été préservés jusqu'à maintenant.

En effet, l'Algérie tient à souligner que, depuis le déclenchement du conflit armé au Sahara occidental en 1975, ni elle-même, sur son propre territoire, ni le Maroc, sur le territoire du Sahara occidental, n'ont jamais déployé de forces armées sur la frontière internationalement reconnue entre l'Algérie et le Sahara occidental. Les forces armées marocaines sont déployées sur le mur de sable qui se situe à une dizaine de kilomètres environ de la frontière internationale entre l'Algérie et le Sahara occidental. Tel que prévu par le Plan de règlement et par les Accords de Houston, le maintien de ces positions par les forces armées marocaines est approprié et amplement suffisant, à la fois pour surveiller la frontière du Sahara occidental « conformément aux responsabilités en matière de défense extérieure », mais aussi pour prévenir tout risque d'incidents du fait de la nouvelle configuration proposée et que l'Algérie considère comme une menace à sa propre sécurité nationale. Voilà pourquoi l'Algérie suggère ce qui suit :

1) Qu'en parallèle à la frontière internationalement reconnue entre le territoire de l'Algérie et le territoire du Sahara occidental, les forces armées marocaines soient déployées sur le mur de sable dans des positions purement défensives comme envisagé par le plan de l'Envoyé personnel, et avec les modalités prévues au premier alinéa du paragraphe 56 cité plus haut du rapport du Secrétaire général S/21360 et Corr.1;

2) Que des observateurs militaires de la MINURSO soient déployés en nombre suffisant pour surveiller les forces marocaines ainsi déployées comme cela est prévu au dernier alinéa du paragraphe 56 sus-évoqué;

3) Que dans le cadre des « responsabilités en matière de défense extérieure dévolues au Royaume du Maroc » par le plan proposé par l'Envoyé personnel, le Conseil de sécurité et le Secrétaire général des Nations Unies se prononcent clairement et par avance sur le fait que tout incident allégué par la partie marocaine au niveau de la frontière entre l'Algérie et le Sahara occidental ne pourrait aucunement faire l'objet d'une action ou d'une réaction unilatérale par les forces armées marocaines mais devrait être rapporté au Représentant spécial qui le vérifierait par le biais de la MINURSO et, le cas échéant, en aviserait le Secrétaire général pour que les Nations Unies puissent prendre toute mesure ou décision qu'elles jugeraient appropriées.

En présentant ces demandes qu'elle considère légitimes, l'Algérie n'entend nullement entraver l'initiative et les efforts des Nations Unies pour le règlement pacifique et définitif du conflit du Sahara occidental. Bien au contraire et ce faisant, l'Algérie témoigne de son souci de voir le plan de l'Envoyé personnel mis en oeuvre dans la sérénité qui est requise pour son succès.

V. La période allant de l'élection de l'ASO à la tenue du référendum sur le statut final du territoire

L'Algérie tient à exprimer son appréciation de l'approche et des modalités du plan proposé par l'Envoyé personnel en ce qui concerne l'élection de l'Autorité du Sahara occidental et notamment la définition du corps électoral ainsi que la prise en charge totale et exclusive de l'élection proprement dite par les Nations Unies.

La période s'étalant de l'élection de l'ASO à la tenue du référendum sur le statut final du territoire est une période à caractère transitoire. De plus, cette période a été, sans aucun doute, envisagée par le plan proposé avec pour objectif de voir se développer la confiance et la sérénité dans la perspective du référendum final. De ce fait, c'est une période durant laquelle les Nations Unies conserveront des responsabilités importantes, notamment pour garantir le respect de l'esprit et de la lettre des dispositions du plan proposé.

À l'évidence, l'Envoyé personnel n'a pas perdu de vue cette question puisque le plan qu'il propose indique, d'une part, à son paragraphe 21 que « l'ONU aidera les parties intéressées, et notamment l'ASO, à s'acquitter des responsabilités que leur confère le présent plan » et, d'autre part, à son paragraphe 22 que le Secrétaire général de l'ONU offrira ses bons offices aux parties intéressées pour les aider à appliquer le plan, qu'il est habilité à interpréter le plan et « qu'en cas de désaccord sur le sens de ce dernier, l'interprétation du Secrétaire général s'imposera à elles ».

L'Algérie considère que ces clauses sont encourageantes; elle estime cependant que d'autres dispositions et mécanismes doivent également être énoncés pour prévenir tout incident qui serait grave envers ceux qui auront regagné le territoire sous la protection de l'ONU mais également, de manière générale, pour l'exécution du plan dans son esprit et dans sa lettre. Dans ce contexte, l'Algérie estime que, durant la période allant de l'élection de l'ASO à la tenue du référendum sur le statut final du territoire :

1. Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies devra demeurer en place dans le territoire pour que, dans le respect des attributions dévolues respectivement à l'ASO et au Maroc, il puisse, au nom du Secrétaire général, aider de son conseil, de son autorité et de son arbitrage les parties à respecter leurs engagements;

2. La MINURSO devra demeurer dans le territoire, dans les effectifs jugés appropriés, notamment dans ses composantes militaire et de police, afin, et nonobstant les attributions de l'ASO, de prévenir tout dérapage ou toute atteinte à la sécurité des personnes et notamment des réfugiés revenus dans le territoire sous la protection des Nations Unies;

3. Les attributions dévolues à l'Autorité du Sahara occidental devront entraîner après l'élection de cette dernière non seulement le transfert des pouvoirs qui lui sont dévolus, mais aussi son droit de mettre sur pied souverainement les administrations relevant de son champ de compétence, ce qui suppose le démantèlement des administrations similaires en place. Aussi et pour garantir le respect du plan et éviter des malentendus, il importe que ce transfert et ces changements soient menés sous l'égide et avec l'assistance du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies;

4. Par ailleurs, le Représentant spécial du Secrétaire général devra assister l'ASO dans la prévention de tout mouvement massif de populations du territoire marocain vers le territoire du Sahara occidental durant la période allant jusqu'à la tenue du référendum;

5. En ce qui concerne les attributions dévolues au Maroc en matière de « défense de l'intégrité du territoire contre toute tentative sécessionniste » et conformément aux principes et règles universels des droits de l'homme, il importe que toute action de police judiciaire relevant des prérogatives dévolues au Royaume du Maroc par le paragraphe 8B du plan proposé qui viendrait à être menée par les représentants du Maroc soit conduite sous le contrôle du tribunal au Sahara occidental territorialement compétent créé par l'ASO conformément au paragraphe 12 dudit plan; en tout état de cause, toute action de ce genre devrait être signalée au Représentant spécial du Secrétaire général.

VI. Le référendum sur le statut final du territoire

L'Algérie apprécie le fait que « le référendum sera organisé et conduit par l'Organisation des Nations Unies et surveillé par des observateurs internationaux accrédités par elle » (par. 2 du plan proposé) et que « l'ONU est investie d'une autorité exclusive et unique sur toutes les questions relatives à toute élection et à tout référendum relevant du présent plan, et, notamment, à leur organisation et à leur conduite » (par. 15). En fait, et par de tels engagements, les Nations Unies confirment, et d'une manière bien claire, qu'elles entendent assumer leurs responsabilités juridiques, morales et politiques dans le parachèvement du processus de décolonisation du Sahara occidental.

L'équité commande de dire que les Nations Unies n'ont pas failli à ce devoir qui découle de leur Charte depuis que cette question a été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée générale en 1966. Bien plus, et depuis qu'il a été sollicité par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1985, le Secrétaire général n'a eu de cesse d'oeuvrer à l'aboutissement du processus de décolonisation du Sahara occidental. Les différentes phases d'élaboration et de consolidation du Plan de règlement le confirment tout comme les différents rapports soumis au Conseil de sécurité attestent des difficultés qui ont été rencontrées. Parmi celles-ci, la question de l'identification des votants a été à l'origine de reports successifs puis de l'entrave à la mise en oeuvre du Plan de règlement.

En effet, l'identification des votants a été entamée en août 1994 comme en témoigne, en son paragraphe 30, le rapport du Secrétaire général S/1997/882 en date du 13 novembre 1997, qui a fait suite aux Accords de Houston et qui contient le plan détaillé pour l'organisation du référendum le 7 décembre 1998. Mais, malheureusement, l'accord de « compromis sur les questions en suspens relatives à l'identification » auquel sont parvenues les deux parties à Londres en juillet 1997 sous l'égide de l'Envoyé personnel n'a pas suffi à débloquer la situation. Les Protocoles additionnels relatifs à l'identification élaborés par le Secrétaire général en avril 1999 et qui ont fait l'objet d'une acceptation écrite des deux parties n'ont pas non plus permis d'avancer davantage. C'est donc à juste titre que le Secrétaire général a été amené à consigner au paragraphe 21 de son rapport S/2001/613 du 20 juin 2001 que « l'identification de l'électorat pour le référendum au Sahara occidental a été, et demeure encore, la question la plus litigieuse et l'une des principales causes des impasses successives auxquelles se sont heurtés les travaux de la MINURSO ».

À travers ce rappel, l'Algérie entend souligner que, tant que l'ensemble du corps électoral destiné à prendre part au référendum sur le statut final du territoire n'aura pas été identifié, des périls sérieux pèseront sur l'application du plan proposé par l'Envoyé personnel. L'expérience antérieure prouve que ce n'est pas faute de dispositions précises, d'acceptations solennelles et répétées par les deux parties, et même de confirmation par le Conseil de sécurité, que l'identification dans le cadre du Plan de règlement n'a pu être achevée.

Rien ne permet aujourd'hui d'exclure avec certitude que la même situation ne pourrait pas se rééditer. Mais, dans un tel cas, l'élément nouveau aggravant serait que les réfugiés sahraouis qui, en 1975, fuyant la répression, ont été contraints à l'exil, seraient alors pris en otages à l'intérieur du territoire. Dans un tel cas, il résulterait une crise plus dangereuse encore, par ses effets, que le statut quo regrettable établi sur le chemin de l'application d'un Plan de règlement dont la mise en oeuvre a pourtant débuté le 6 septembre 1991, avec l'entrée en vigueur du cessez-le-feu au Sahara occidental.

En son paragraphe 5, le plan proposé par l'Envoyé personnel du Secrétaire général a clairement défini les catégories de personnes, âgées d'au moins 18 ans, admises à voter au référendum, qu'il s'agisse des électeurs déjà identifiés par la Commission de la MINURSO au 30 décembre 1999, qu'il s'agisse de ceux recensés par le HCR au 31 octobre 2000 (dans les deux cas sans possibilité ni de recours ni d'appel), ou qu'il s'agisse enfin de ceux qui auront résidé de manière continue au Sahara occidental depuis le 30 décembre 1999.

De la même manière, ledit plan codifie en son paragraphe 6 les modalités d'identification des personnes « qui auront résidé de manière continue au Sahara occidental depuis le 30 décembre 1999 », identification dévolue aux Nations Unies « dont les décisions seront finales et sans appel ».

De ce qui précède, on constate que les Nations Unies sont d'ores et déjà en possession de la liste de ceux appelés à participer au référendum par le fait d'avoir été déjà recensés par la Commission d'identification de la MINURSO (sous réserve d'ajout de leurs descendants qui auront atteint l'âge de 18 ans à la date du référendum), ainsi que de la liste de ceux appelés à y prendre part par le fait de leur recensement en qualité de réfugiés, par le HCR, au 31 octobre 2000 (sous réserve également de l'ajout de leurs descendants qui auront atteint l'âge de 18 ans à la date du référendum). Par contre, la liste de ceux devant participer au référendum par le fait d'avoir « résidé de manière continue au Sahara occidental depuis le 30 décembre 1999 » reste encore à établir à une date indéterminée dans le plan proposé par l'Envoyé personnel.

En vue de lever à temps cette hypothèque sur les chances de succès du plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental, l'Algérie considère que l'identification, par les Nations Unies et dans les conditions fixées au paragraphe 6 du plan proposé par l'Envoyé personnel, des personnes « ayant le droit de prendre part au référendum par le fait d'avoir résidé de manière continue dans le territoire depuis le 30 décembre 1999 », devra être promptement réalisée, aussitôt le plan de paix entré en vigueur, et, en tout état de cause, avant le retour des réfugiés et ce, dans des conditions maximales de rigueur, d'objectivité et d'impartialité.

En procédant ainsi, l'ONU aura également en sa possession la matrice de la liste composant le corps électoral pour le référendum sur le statut final du territoire « des personnes ayant résidé de manière continue dans le territoire depuis le 30 décembre 1999 » et conservera la latitude et la compétence voulue pour procéder à sa mise à jour, le moment venu, uniquement par la vérification que la résidence des concernés aura continué à revêtir un caractère permanent et par l'ajout des descendants des concernés qui auront atteint l'âge de 18 ans.

Une telle approche ne poserait aucune difficulté aux Nations Unies. Elle ne soulèverait aussi aucune contrainte pour l'une ou l'autre des deux parties dans la mesure où elle aurait chacune adhéré à ce plan avec sincérité et avec l'intention de concourir à son succès. Cette même mesure écarterait enfin un risque potentiel de nouveau blocage des efforts de paix des Nations Unies.

VII. Garanties pour la bonne mise en oeuvre du plan proposé

L'Algérie prend acte du fait que le plan proposé envisage déjà :

&endash; Que l'Organisation des Nations Unies sera investie « d'une autorité exclusive et unique sur toutes les questions relatives à toute élection et à tout référendum relevant de ce plan, et, notamment, à leur organisation et à leur conduite;

&endash; Que le Code de conduite accepté et signé par les deux parties à Houston le 16 septembre 1997 assurera « la tenue dans des conditions optimales d'équité et d'impartialité de la campagne référendaire et du référendum »;

&endash; Que « les parties intéressées conviennent que le Secrétaire général est habilité à interpréter le plan et que, en cas de désaccord sur le sens du plan, l'interprétation du Secrétaire général s'imposera à elles »;

&endash; Et, enfin, que « en signant le présent plan, les parties intéressées, les pays voisins et l'ONU acceptent les dispositions du plan ».

Si ces garanties sont pertinentes, elles se fondent, cependant, sur la seule bonne foi des parties au conflit du Sahara occidental. De fait, ce conflit a amplement démontré les enjeux qu'il comporte et les inquiétudes qu'il véhicule autant en ce qui concerne les deux parties que les pays voisins intéressés, enjeux et inquiétudes qui ont fait que des garanties similaires, obtenues par les Nations Unies ou assumées par elles dans le cadre du Plan de règlement, se soient, en définitive, révélées insuffisantes.

À ce sujet, il est utile de rappeler qu'en dépit d'un Plan de règlement accepté par les deux parties et approuvé par le Conseil de sécurité et d'arrangements additionnels ayant reçu l'accord des deux parties, comme ce fut le cas à Houston en 1997 et à New York en 1999, l'organisation du référendum d'autodétermination du peuple du Sahara occidental a été entravée.

Il est utile de rappeler également que, bien que le Plan de règlement, accepté par les deux parties, eût confié aux Nations Unies l'organisation et le contrôle du référendum, la proclamation de ses résultats ainsi que l'autorité pour veiller, à travers la MINURSO, à l'adoption de mesures finales découlant de l'une ou de l'autre issue du référendum, le Secrétaire général des Nations Unies a été amené, au paragraphe 48 de son rapport S/2002/178 du 19 février 2002, à relever que « ... l'Organisation des Nations Unies pourrait ne pas être en mesure d'organiser un référendum libre et régulier dont les résultats seraient acceptés par les parties et il n'y aurait toujours pas de mécanisme pour faire appliquer les résultats ».

Voilà pourquoi l'Algérie considère que la mise en oeuvre du plan proposé par l'Envoyé personnel doit, d'emblée, être entourée de véritables garanties. Elle estime que c'est là une caution qui serait octroyée aux pays voisins dont la signature est requise et la responsabilité engagée, mais également et surtout au peuple du Sahara occidental interpellé pour adhérer à un compromis historique en faveur de la paix mais qui est en droit de vivre dans la sécurité garantie et sous la protection effective des Nations Unies. L'Algérie estime enfin que ces mêmes garanties ne feront que conforter la crédibilité de l'Organisation des Nations Unies, recours ultime pour toutes les nations du monde mais dont l'autorité a été parfois sévèrement mise à mal.

Ainsi, et de notre point de vue, le plan de l'Envoyé personnel doit être entouré des garanties suivantes :

1. Une présence des Nations Unies sur le terrain dans des proportions appropriées et avec un mandat précis pour faire face à la complexité de la tâche attendue d'elles et prévenir, sur le terrain, tout dérapage du début du processus jusqu'à la mise en oeuvre du résultat du référendum sur le statut final du territoire. À cet égard, l'Algérie considère que les adaptations à apporter à la composition et au mandat de la MINURSO sont une occasion opportune pour prendre en charge cette question tout comme elle estime que le changement de dénomination de la MINURSO ne s'avère pas d'une nécessité absolue dès lors qu'il s'agira, au bout du compte, « d'organiser un référendum au Sahara occidental ».

2. Le Secrétaire général et le Conseil de sécurité devraient, de concert et par avance, s'engager à prendre, le cas échéant, toutes les mesures nécessaires pour prévenir et mettre un terme rapide à toute dérive dans la mise en oeuvre du Plan, qui, rappelons-le, s'étalera sur une durée totale de quatre ou cinq années après son entrée en vigueur.

3. Le Secrétaire général et le Conseil de sécurité devraient également, de concert et par avance, prendre l'engagement devant les parties concernées, les pays voisins et la communauté internationale que les résultats de l'élection de l'autorité du Sahara occidental ainsi que les résultats du référendum sur le statut final seront respectés et appliqués, y compris, le cas échéant, par les mesures appropriées.

À travers cette position, l'Algérie manifeste son attachement au règlement juste et définitif du conflit au Sahara occidental et l'importance qu'elle attache à la promotion de relations de bon voisinage et de coopération avec l'ensemble de ses voisins dans la région, dans la paix définitivement rétablie et dans la stabilité retrouvée.

* * *

L'Algérie considère que le plan soumis par l'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies recèle les termes d'un pari pour la paix au Maghreb, un pari qui mérite d'être relevé par chacun avec détermination et sincérité. Les commentaires et les positions qu'elle a formulés à travers ce mémorandum au sujet du plan proposé par l'Envoyé personnel n'ont pas pour objet de remettre en cause l'esprit et la lettre de cette nouvelle proposition ni encore moins de porter atteinte à ses dispositions ou à son articulation. Ces commentaires et ces positions de l'Algérie se fondent, d'abord, sur la reconduction d'engagements pertinents déjà pris, de concert et sans contestation, par les deux parties et par les Nations Unies, en vue de l'application du Plan de règlement. Ils visent aussi et surtout à mettre ce nouveau plan à l'abri des déceptions et des frustrations provoquées par la paralysie qui a été le triste sort réservé par les événements au Plan de règlement et dont les raisons et les responsabilités sont bien connues.

L'Algérie rend hommage à S. E. M. James Baker III, Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies, pour la persévérance, le talent et le dévouement qu'il a investis dans la promotion du dénouement pacifique et définitif de ce conflit par la voie de l'autodétermination du peuple du Sahara occidental, sous la garantie et la responsabilité exclusives de l'Organisation des Nations Unies.

Elle espère que toutes les conditions nécessaires seront réunies pour l'entrée en vigueur et la mise en oeuvre de ce plan de paix, dans la confiance consolidée chez toutes les parties concernées et intéressées, dans la sauvegarde des droits légitimes et de la sécurité du peuple du Sahara occidental, et enfin, au service de la paix définitive tant attendue par le Maghreb ainsi que par l'Afrique et par toute la communauté internationale.

C'est dans cet esprit que l'Algérie renouvelle, au Secrétaire général des Nations Unies et à son Envoyé personnel, sa disponibilité entière à continuer à leur apporter sa collaboration loyale pour le règlement définitif du conflit au Sahara occidental.

Note verbale datée du 17 mars 2003, adressée au Secrétaire général par la Mission permanente de la Mauritanie auprès de l'Organisation des Nations Unies
[Original : français]

La Mission permanente de la République islamique de Mauritanie auprès des Nations Unies à New York présente ses compliments au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies et a l'honneur de lui transmettre ci-joint copie de la lettre No 9/MAEC du 17 mars 2003 de S. E. M. le Ministre des affaires étrangères et de la coopération relative aux remarques de la République islamique de Mauritanie à propos du Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental proposé par S. E. M. James Baker.

Lettre datée du 17 mars 2003, adressée à l'Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental par le Ministre mauritanien des affaires étrangères et de la coopération
[Original : français]

Dans le cadre de l'excellent climat de concertation et de coordination qui a toujours marqué nos rapports avec l'Organisation des Nations Unies et suite à la visite que vous avez effectuée à Nouakchott le 16 janvier 2003 pour présenter et expliquer vos propositions concernant le Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental, j'ai l'honneur de porter à votre connaissance que nous avons examiné avec un grand intérêt et une attention particulière les différents aspects de ce plan.

Cet examen nous a permis de formuler les remarques suivantes :

i) La Mauritanie apprécie hautement les efforts conséquents déployés par les Nations Unies en vue de trouver une solution juste et durable au conflit du Sahara occidental qui constitue une préoccupation majeure pour les États et les peuples de la région;

ii) Elle réitère sa confiance totale dans votre engagement continu depuis bientôt six ans pour la recherche d'une solution au conflit du Sahara occidental et rend hommage à vos qualités personnelles de patience, de sagesse et d'ouverture d'esprit;

iii) Elle constate que vos nouvelles propositions traduisent une réflexion approfondie, des efforts persévérants et une réelle volonté de rechercher une solution à ce différend qui persiste depuis plus d'un quart de siècle;

iv) La République islamique de Mauritanie renouvelle son entière disponibilité à apporter son appui à toute solution politique qui rencontre l'adhésion des parties en vue du règlement définitif du conflit au Sahara occidental;

v) Elle réaffirme son engagement à continuer à soutenir pleinement les efforts des Nations Unies visant à trouver une solution à ce conflit et apporter toute contribution qui lui est demandée dans ce cadre conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

(Signé) Mohamed Ould Tolba


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