Nations Unies

Conseil de sécurité

S/2001/148

Distr. générale

20 février 2001

Français

Original: anglais

 

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Rapport du Secrétaire général sur la situation concernant le Sahara occidental

 

I. Introduction

1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 1324 (2000) du Conseil de sécurité, en date du 30 octobre 2000, par laquelle le Conseil a prorogé le mandat de la mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara Occidental (MINURSO) jusqu'au 28 février 2001 et m'a prié de faire le point de la situation avant l'expiration de ce mandat. Le Conseil de sécurité escomptait que les parties, à savoir le Royaume du Maroc et le Front populaire pour la libération de la Saguia El-Hamra et du Rio de Oro (Front POLISARIO), continueraient d'essayer de résoudre les multiples problèmes auxquels se heurte l'application du plan de règlement et de se mettre d'accord sur une solution politique mutuellement acceptable de leur différend au sujet du Sahara Occidental. Le présent rapport décrit les faits nouveaux intervenus depuis mon précédent rapport au conseil, en date du 25 octobre 2000 (S/2000/1029).

 

II. Faits nouveaux intervenus pendant la période à l'examen

A. Activités de l'Envoyé personnel du Secrétaire général

2. Au cours de la période à l'examen, mon Envoyé personnel, James A. Baker III, a été appelé à entreprendre des activités en relation avec l'élection présidentielle aux Etats-Unis d'Amérique. Il n'a donc pas été en mesure de consacrer le temps et les efforts nécessaires pour suivre de près la question de savoir si le gouvernement marocain, en tant que puissance administrante du Sahara Occidental, est disposé à proposer ou accepter de déléguer une partie de ses pouvoirs en ce qui concerne tous les habitants et anciens habitants du territoire, délégation qui soit véritable, importante et conforme aux normes internationales. Mon Envoyé personnel m'a récemment fait savoir qu'il est de nouveau en mesure de s'investir sans réserve pour essayer d'aider les parties à parvenir à un règlement rapide, durable et négocié de leur différend au sujet du Sahara Occidental.

B. Le rallye Paris-Dakar 2001

3. Le passage prévu du rallye Paris-Dakar au Sahara Occidental au début du mois de janvier 2001 a contribué à une recrudescence sensible de la tension entre les parties, dont les répercussions se font encore sentir. Plusieurs fois par le passé, et encore en 1999, le rallye avait traversé le Sahara Occidental après consultation préalable des deux parties par ses organisateurs. Cette fois-ci, seul le Maroc a été approché pour obtenir l'autorisation de traversée du territoire par le rallye. Mécontent de l'impasse prolongée dans laquelle se trouve la mise en œuvre du plan de règlement des Nations Unies, le Front POLISARIO a fait savoir par un communiqué publié le 22 décembre 2000 et par des déclarations ultérieures que le passage du rallye sur le territoire constituerait une violation du cessez-le-feu. Il a averti qu'il ne se considérerait plus lié par le cessez-le-feu et qu'il reprendrait ses activités militaires, à titre défensif, le jour où le rallye pénétrerait dans le territoire. Des représentants du gouvernement marocain ont déclaré que, si cela se matérialisait, le Royaume prendrait toutes les mesures de défense nécessaires.

4. Au fur et à mesure qu'on se rapprochait du 7 janvier 2001, date à laquelle le rallye devait entrer au Sahara Occidental, les déclarations des deux parties se sont faites plus vigoureuses et la possibilité d'un déclenchement des hostilités est apparue de plus en plus sérieuse. Les observateurs militaires de la MINURSO ont signalé des indices de mobilisation partielle et d'importants mouvements militaires effectués par des unités du Front POLISARIO. Des contacts tardifs des organisateurs du rallye avec le représentant du Front POLISARIO à Paris n'ont pas réussi à corriger la situation. Mon Représentant spécial, William Eagleton, a rencontré le Cordonnateur du Front POLISARIO auprès de la MINURSO, Emhamed Khaddad, à Tindouf le 4 janvier, pour s'entretenir avec lui de la dégradation de la situation et lancer un appel à faire preuve de retenue. Tout en s'engageant à continuer de coopérer avec la MINURSO, M. Khaddad a déclaré que le rallye était une provocation de la part du Maroc et des organisateurs et prévenu que ce serait la fin du cessez-le-feu si le rallye entrait au Sahara Occidental.

5. Dans une déclaration publiée le 5 janvier 2001, mon Représentant spécial a souligné que le passage du rallye n'impliquait pas une reconnaissance de souveraineté sur un territoire dont le statut final restait à déterminer. Il a déclaré qu'une intervention militaire de la part de l'une ou de l'autre partie constituerait une violation grossière du cessez-le-feu et il a engagé tous les intéressés à faire preuve de la plus grande retenue. Plusieurs gouvernements ont lancé des appels semblables aux deux parties.

6. Le 7 janvier 2001, jour où le rallye est entré dans le territoire, le Front POLISARIO a publié un bref communiqué dans lequel il était dit que l'entrée du rallye constituait une violation flagrante du cessez-le-feu dont le Maroc était tenu pour responsable. Le communiqué ajoutait cependant que, suite aux appels lancés par la présidence de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), par des pays amis, dont l'Algérie, ainsi que par les Etats-Unis d'Amérique, le Front POLISARIO avait décidé de suspendre sa décision relative à une reprise des activités militaires.

7. Bien que cette décision ait permis de lever la menace immédiate qui pesait sur la paix dans la région, elle n'a pas ramené la situation au point où elle se trouvait avant le rallye. Le rallye et ses retombées ont en effet accru l'animosité existant entre les parties et sérieusement aggravé les tensions dans la région.

C. Procédures de recours

8. La Commission d'identification a continué à travailler à l'harmonisation des dossiers et au contrôle de la qualité des données recueillies en accordant une attention particulière aux préparatifs menés en vue de l'examen technique de la recevabilité des recours et en vue des audiences sur le fond. Avec la publication, en juillet 1999, de la première partie de la liste provisoire des personnes admises à voter (qui contient les noms de 84 251 requérants admis à voter sur 144 369 qui avaient été interrogés par la commission) et de la deuxième partie de la liste, publiée en janvier 2000 (qui contient les noms de 2 161 requérants admis à voter sur 51 220 qui avaient été interrogés), la Commission a reçu un total de 131 038 recours. L'annexe I du présent rapport donne la répartition par catégorie et la distribution géographique de ces recours.

9. L'immense majorité des recours ainsi formés (115 645) ont pour motif l'exclusion de la liste provisoire des personnes admises à voter, et la plupart d'entre eux (108 708) relèvent de l'article 9.1 iii) des procédures de recours (qui concerne les requérants déboutés par la commission d'identification qui soumettent de nouveaux éléments de preuve). La plupart des requérants en appel introduisent un ou deux témoins à l'appui de leurs prétentions, mais les preuves écrites demeurent limitées, tout particulièrement en ce qui concerne les requérants des groupements tribaux H41, H61, et J51/52. Le reste des appels se répartit comme suit : 1 260 requérants soutiennent que la commission a omis de les convoquer ou de les identifier (article 9.1 i) des procédures d'appel), 5 079 requérants invoquent des raisons indépendantes de leur volonté (article 9.1 ii) de la procédure d'appel) et 643 requérants non identifiés soutiennent que leur nom figure sur la liste du recensement révisée en 1991. La dernière catégorie des requérants (15 393) est composée de personnes qui entendent récuser l'inclusion d'une autre personne sur la liste provisoire des personnes admises à voter et qui, par conséquent, relèvent de l'article 9.2 des procédures de recours.

10. En ce qui concerne les requérants supplémentaires potentiels, le gouvernement marocain estime que le nombre de ceux qui ont atteint l'âge de 18 ans après le 31 décembre 1993 pourrait être d'environ 30 000, tandis que le Front POLISARIO estime que leur nombre total ne saurait dépasser 11 000, dont 5 000 à Tindouf.

11. Je tiens à nouveau à signaler l'étroite coopération de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) aux efforts déployés par l'Organisation des Nations Unies pour contribuer au règlement du différend au sujet du Sahara Occidental, et à dire combien j'apprécie la contribution de la délégation d'observateurs de l'OUA auprès de la MINURSO placée sous la conduite du représentant de l'OUA, l'ambassadeur Yilma Tadesse (Ethiopie).

D. Prisonniers de guerre

12. Dans mon rapport en date du 25 octobre 2000 (S/2000/1029), je me joignais au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour demander instamment que soient rapatriés, pour des raisons humanitaires, tous les prisonniers de guerre marocains encore détenus par le Front POLISARIO. Le 14 décembre, 201 de ces prisonniers, dont plus de la moitié étaient détenus depuis plus de 20 ans, ont été rapatriés sous les auspices du CICR par un vol parti de Tindouf (Algérie) pour Agadir (Maroc). Dans la ligne de cet heureux développement, qui a bénéficié de la coopération de l'Algérie et du Front POLISARIO, je me joins à nouveau au CICR pour lancer un appel pour que soient rapatriés sans retard les 1 481 prisonniers de guerre restants, dont beaucoup sont en mauvaise santé après une très longue détention.

E. Aspects militaires

13. Au 16 février 2001, les effectifs de la composante militaire de la MINURSO étaient de 230 militaires (voir annexe II). Sous le commandement du général Claude Buze (Belgique), cette composante a continué de surveiller le cessez-le-feu entre l'Armée Royale marocaine et les Forces militaires du Front POLISARIO, qui était entré en vigueur le 6 septembre 1991. A la fin de la saison chaude l'année dernière, les unités de l'Armée Royale marocaine et celles du Front POLISARIO ont intensifié leurs activités d'entraînement jusqu'au début de l'observation du Ramadan, au commencement du mois de décembre 2000.

14. La mise en œuvre des accords militaires conclus entre la MINURSO et les deux parties au sujet du marquage et de la neutralisation des mines et munitions non explosées ainsi que de l'échange d'informations à cet égard s'est poursuivie jusqu'à la fin du mois de décembre. Pendant la période considérée, l'Armée Royale marocaine et les Forces du Front POLISARIO ont exécuté au total 13 opérations pour la neutralisation d'explosifs et de munitions et ont marqué 28 emplacements de mines et de munitions non explosées.

15. Compte tenu de la situation décrite aux paragraphes 3 et 4 ci-dessus, il n'est pas possible de rendre compte de la mise en œuvre des accords après la fin du mois de décembre 2000. Le 31 décembre, des officiers de la liaison du Front POLISARIO ont fait savoir aux observateurs militaires de la MINURSO qu'à partir du 1er janvier 2001, ces derniers ne seraient pas autorisés à s'approcher à moins de 800 mètres des positions des unités du Front POLISARIO. Le 17 janvier, le Front POLISARIO a fait paraître une déclaration imposant des restrictions à la liberté de circulation des patrouilles aériennes et terrestres de la MINURSO. De plus, depuis le 3 janvier, toutes les unités du Front POLISARIO se sont déployées en dehors de leur cantonnement sans notifier préalablement la MINURSO. De tels déploiements sans notification préalable et les restrictions imposées à la liberté de circulation de la MINURSO constituent des violations des accords militaires conclus entre la MINURSO et les deux parties concernant les arrangements de cessez-le-feu. Ces violations ont été portées à l'attention du Front POLISARIO, dans une lettre du commandant de la force en date du 16 janvier 2001. A une réunion tenue le 31 janvier dans la région de Tindouf, des responsables du Front POLISARIO ont confirmé à la MINURSO que les restrictions imposées aux observateurs militaires de l'O.N.U. ne pourraient pas être levées. Les discussions sur cette question se poursuivent au niveau technique.

16. Le 6 janvier, le commandant de la force a reçu une lettre du Front POLISARIO selon laquelle une unité de l'Armée Royale marocaine avait pénétré ce jour-là dans la zone tampon (une bande de cinq kilomètres le long du mur de sable), violant ainsi les accords militaires conclus entre la MINURSO et les parties au sujet du cessez-le-feu. L'Armée Royale marocaine a rejeté cette allégation et l'enquête menée ensuite par la MINURSO n'a pas permis de la confirmer.

F. Police civile

17. La composante police civile de la MINURSO compte actuellement 47 membres placés sous le commandement de l'inspecteur général Om Prakash Rathor (Inde). La police civile continue de protéger les dossiers et documents confidentiels aux centres de la Commission d'identification à Laayoune et à Tindouf et d'entreprendre des activités de formation et de planification en prévision d'activités futures éventuelles. A cet égard, les membres de la police civile de la MINURSO ont assisté à des réunions d'information organisées par le bureau de liaison du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Laayoune au sujet de l'aspect protection du rapatriement volontaire et des instruments internationaux relatifs aux réfugiés.

G. Préparatifs en vue du rapatriement des réfugiés sahraouis

18. Pendant la période considérée, le HCR a continué d'assumer les responsabilités qui lui avaient été confiées à l'égard des réfugiés sahraouis dans les camps de Tindouf en Algérie. En s'appuyant sur les résultats des activités de pré-enregistrement et d'évaluation des besoins des réfugiés, le HCR prête une attention particulière aux groupes vulnérables, en particulier les femmes et les enfants. Il a aussi poursuivi ses consultations et sa coopération avec mon Représentant spécial et avec les composantes de la MINURSO au sujet de son rôle tel qu'il est prévu dans le plan de règlement.

19. A l'initiative du bureau du Programme alimentaire mondial (PAM) en Algérie, un groupe de représentants de la Communauté internationale des donateurs à Alger a effectué une visite de familiarisation dans les camps de réfugiés de Tindouf du 9 au 11 février 2001, afin d'observer les secours internationaux offerts par des Organisations humanitaires, dont le HCR, le PAM, ECHO et plusieurs Organisations non gouvernementales. Le groupe s'est entretenu avec des réfugiés et leurs porte-parole et a discuté avec les agences de secours des moyens d'assurer l'acheminement des besoins alimentaires et non alimentaires. Le groupe a aussi observé des projets humanitaires exécutés dans les camps, dans les domaines de l'agriculture, de l'enseignement, de la santé, de l'exécution d'activités rémunératrices et de la formation professionnelle, s'intéressant plus particulièrement aux projets et activités destinés aux réfugiés les plus vulnérables, surtout les femmes et les enfants.

 

III. Aspects financiers

20. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport précédent au Conseil de sécurité (S 2000/1029, par.26), l'Assemblée générale, par sa résolution 54/268 du 15 juin 2000, a ouvert un crédit d'un montant de 49,3 millions de dollars, soit environ 4,1 millions de dollars par mois, aux fins du fonctionnement de la MINURSO pour la période allant du 1er juillet 2000 au 30 juin 2001. Par conséquent, au cas où le Conseil de sécurité approuverait la recommandation que je fais au paragraphe 23 ci-après, concernant la prorogation du mandat de la MINURSO, les dépenses de fonctionnement de celle-ci resteraient dans les limites mensuelles du crédit ouvert par l'Assemblée générale. Au 31 janvier 2001, le montant des contributions non acquittées au compte spécial de la MINURSO s'élevait à 94,2 millions de dollars. A la même date, le montant total des contributions non acquittées au titre de l'ensemble des opérations de maintien de la paix s'établissait à 2 652 400 000 dollars.

 

IV. Observations et recommandations

21. Comme le montrent les événements décrits aux paragraphes 3 à 6, les relations entre les deux parties se sont détériorées au cours de la période à l'examen. Bien qu'à la dernière minute, le Front POLISARIO ait décidé de ne pas donner suite à la menace qu'il a lancée de reprendre les hostilités, un climat de méfiance et d'amertume grandissantes s'est instauré entre les parties, ce qui risque de compromettre le régime de cessez-le-feu convenu.

22. Je ne puis malheureusement faire état d'aucun progrès, qu'il s'agisse de surmonter les obstacles auxquels se heurte l'application du plan de règlement ou de déterminer si le gouvernement marocain, en tant que puissance administrante au Sahara Occidental, est disposé à proposer ou accepter de déléguer une partie de ses pouvoirs en ce qui concerne tous les habitants et anciens habitants du territoire, délégation qui soit véritable, importante et conforme aux normes internationales. La seule note positive au cours de la période à l'examen a été la décision prise par le Front POLISARIO le 14 décembre 2000, conformément à un engagement qu'il avait pris auprès de mon Envoyé personnel, de remettre en liberté 201 prisonniers de guerre marocains pour des motifs humanitaires. Je sais profondément gré au Front POLISARIO de ce geste et tiens à exprimer ma reconnaissance au Comité international de la Croix-Rouge et à tous ceux qui ont facilité le rapatriement des prisonniers libérés.

23. Mon Envoyé personnel a recommandé que le mandat de la MINURSO soit prorogé pour une période de deux mois, à savoir jusqu'au 30 avril 2001, pour que l'on puisse déterminer si le gouvernement marocain est disposé à proposer ou à accepter la délégation de pouvoir décrite plus haut. A défaut, la MINURSO recevrait pour consigne d'entamer et d'accélérer l'examen des recours relatifs au processus d'identification, sans préjudice du temps qu'il faudra pour mener l'exercice à bien. Mon Envoyé personnel m'a également indiqué que c'était la dernière fois qu'il appuierait une prorogation du mandat aux fins de déterminer si le gouvernement marocain est disposé à proposer ou à accepter la délégation de pouvoir décrite plus haut. Je partage l'opinion de mon Envoyé personnel et recommande au Conseil de sécurité de proroger le mandat de la MINURSO pour une période de deux mois, à savoir jusqu'au 30 avril 2001.


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