Lettre aux actionnaires de Kerr-McGee

Le 27 février 2005

Concerne: les activités offshore de Kerr-McGee au Sahara Occidental occupé

 

En Octobre 2004, la compagnie américaine Kerr-McGee a renouvelé son contrat avec l'entreprise pétrolière étatique marocaine, ONHYM, portant sur des activités de reconnaissance d'hydrocarbure offshore au Sahara Occidental occupé. Cela s'est fait malgré le caractère illégal de toute exploitation d'hydrocarbure dans ce territoire, et en dépit d'aspects contraires à l'éthique et politiquement controversés du contrat. Dans ce contexte, l'Observatoire des ressources du Sahara Occidental - Western Sahara Resource Watch, vous recommande vivement, en tant qu'investisseur de cette compagnie, de convaincre Kerr-McGee de ne pas renouveler son contrat quand il expirera le 1er mai prochain.

En 2001, les compagnies pétrolières Kerr-McGee et TOTAL (anciennement TotalFinaElf) ont signé des contrats de reconnaissance avec ONHYM (anciennement ONAREP). Le vice-secrétaire général de l'ONU pour les affaires juridiques, Hans Corell, a déclaré par la suite que ces contrats ne sont pas illégaux en soi. Il a cependant conclu, "si des activités de prospection et d'exploitation devaient être entreprises au mépris des intérêts et de la volonté du peuple du Sahara occidental, elles contreviendraient aux principes de droit international (...)".

Nous avons constaté récemment qu'en plus des relevés séismiques réguliers, KMG a aussi exécuté un programme de carottage en profondeur, prélevant des échantillons au fond de la mer au large du Sahara Occidental. Nous considérons ces "explorations plus avancées" comme des activités qui violent l'avis de Hans Corell et le droit international.

Corell a déclaré plus loin que le Maroc n'est pas considéré légalement comme puissance administrante du territoire. Ce qui signifie que l'ONHYM n'a en aucun cas le droit d'agir au nom de la population du territoire occupé. L'Observatoire des ressources du Sahara Occidental - Western Sahara Resource Watch, est convaincu que les arguments juridiques sont suffisamment solides pour que la question de l'exploration par KMG des hydrocarbures dans ce territoire occupé soit soumise à un organe juridique approprié.

Mais, à notre avis, les aspects éthiques de telles activités sont plus importants que les considérations juridiques. Les contrats d'investigation donnent une légitimité à l'occupation du territoire par le Maroc. Ils ont conforté le Maroc dans sa conviction d'être dans son bon droit, alors qu'il viole le droit international et bon nombre de résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et de l'Assemblée générale. Après la signature des contrats avec les deux compagnies pétrolières, le Maroc s'est confiné dans un rejet catégorique du droit légitime des Sahraouis à s'autodéterminer et décider du futur statut du territoire. Ainsi, les contrats et les activités séismiques conséquentes ont prétérité la recherche d'une solution pacifique selon les plans de paix déjà convenus par les parties en conflit. Le gouvernement de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en exil a vigoureusement condamné ces contrats et les premières recherches séismiques. Il faut rappeler que le territoire est toujours une zone de conflit, bien qu'un cessez-le-feu soit en vigueur, avec toutes les conséquences possibles que pourraient avoir pour la compagnie, une reprise des hostilités.

Il existe également des raisons économiques pour ne pas investir dans l'industrie marocaine des territoires occupés. L'administrateur du fonds norvégien Skagenfondene a déjà vendu ses 100.000 parts de Kerr-McGee, malgré des pertes d'un montant de deux millions de dollars. En raison de l'image négative des activités de Kerr-McGee dans le territoire occupé, ce fond a considéré ses parts comme financièrement trop risquées. Skagenfondene était alors le plus important actionnaire norvégien de la compagnie pétrolière américaine. Par la suite, le 30 novembre 2004 exactement, le gouvernement de la RASD a invité le ministre norvégien des Finances à vendre les parts Kerr-McGee de l'Etat. Le Conseil éthique du Fond pétrolier de Norvège est en train d'étudier s'il va vendre ses parts. En ce qui concerne la lettre envoyée par le ministre des Affaires étrangères de la République arabe sahraouie démocratique, M. Mohamed Salem Ould Salek, au ministre norvégien des Finances, M. Per-Kristian-Kristian Foss, voir svp http://www.arso.org/FPLetterNO.htm .

La compagnie d'investigations séismique TGS-NOPEC a signé, en mai 2002, des contrats avec Kerr-McGee, Total et la compagnie pétrolière de l'Etat marocain. TGS-NOPEC a accompli ses premiers relevés dans le secteur au printemps 2003.Ces activités ont déclenché une campagne qui invitait l'entreprise à cesser ses activités et les actionnaires à faire pression dans ce sens. Elle a été relatée par les médias internationaux et a trouvé l'appui d'un grand nombre d'O.N.G.et de politiciens, qui ont exigé l'annulation des contrats contraires à l'éthique. Cette image négative dans les relations publiques a conduit un nombre non négligeable d'actionnaires à vendre leurs titres, parmi lesquels l'administrateur de fonds éthiques suédois Banco Funds, qui tous ont critiqué TGS-NOPEC pour ses manquements aux standards éthiques. Le gouvernement norvégien a remis en cause la légalité des contrats, suite à cette même campagne. En butte aux critiques du mouvement international de solidarité, et s'étant pleinement rendu compte de la situation controversée du territoire et de la précarité des contrats de recherche séismiques, TGS-NOPEC a renoncé à d'autres engagements sur place. (voir http://www.tgsnopec.no/newsroom/newsroom_details.asp?id=58). La compagnie hollandaise Fugro NV a repris les activités séismiques de TGS-NOPEC, mais en juillet 2004 elle a annulé d'autres contrats en raison de notre argumentation et d'une campagne semblable. En janvier 2005, la compagnie Thor Offshore Services localisée aux Iles Feroë, qui avait travaillé pour TGS-NOPEC au Sahara Occidental en 2002, a fait savoir qu'elle s'abstenait de poursuivre ses activités en raison de la situation politique. La compagnie pétrolière française Total s'est retirée du Sahara Occidental en novembre 2004.

Kerr-McGee est aujourd'hui la dernière compagnie active dans le territoire. Mais elle ne signale pas ses engagements au Sahara Occidental à ses actionnaires, à notre connaissance, sinon dans le rapport annuel 2003. Ailleurs le secteur est toujours répertorié sous "Maroc ", ce qui signifie une reconnaissance de la présence marocaine dans le territoire, chose qu'aucun Etat au monde n'a fait, y compris les USA. En citant le territoire sous un nom autre que celui qui l'identifie internationalement, la compagnie dissimule ce que nous pensons être une information essentielle pour les actionnaires.

Les USA ont explicitement exclu le Sahara Occidental de leur récent accord de libre-échange avec le Maroc. Le représentant pour le commerce extérieur des USA, Robert Zoellick, a clairement précisé que l'ALE ne vaut que pour les "échanges et investissement dans le territoire du Maroc reconnu internationalement et n'inclut pas le Sahara Occidental".

À plusieurs occasions, ces dernières années, les organisations de solidarité avec le Sahara Occidental de plusieurs pays ont demandé à rencontrer Kerr-McGee, afin d'essayer de comprendre les considérations politiques, éthiques et juridiques à la base de l'engagement dans ce secteur. La compagnie n'a jamais répondu à nos demandes.

L'Observatoire des ressources du Sahara Occidental - Western Sahara Resource Watch invite votre entreprise à prendre ses responsabilités en tant qu'investisseur consciencieux, et de vous assurer que Kerr-McGee ne renouvèle pas son contrat d'exploration pétrolière en zone offshore du Sahara Occidental occupé par le Maroc au 1er mai 2005. Si Kerr-McGee contre toute raison, décide de renouveler le contrat, nous encourageons fortement votre compagnie à se désengager.

Nous demanderons un désinvestissement aussi longtemps que KMG n'a pas déclaré publiquement 1) avoir cessé l'exploration au Sahara Occidental ; 2) à l'instar de ses partenaires, certifier qu'aucun autre contrat ne sera signé tant qu'une solution pacifique du conflit n'a pas été trouvée et ; 3) fasse état des considérations juridiques, politiques et éthiques concernant ces contrats et leur cessation.

Si votre entreprise a besoin d'informations sur le Sahara Occidental, son statut juridique, les résolutions des Nations Unies concernant le conflit, la situation de sa population de réfugiés ou les violations des droits humains commises par l'état marocain dans les territoires occupés, n'hésitez pas à nous contacter. Nous serions très heureux de vous aider.

Cette lettre fait partie d'une campagne globale et coordonnée qui vise à informer les quelque 600 actionnaires les plus importants de KMG dans 19 pays dans le monde sur les activités de la compagnie. L'Observatoire des ressources du Sahara Occidental - Western Sahara Resource Watch, regroupe des organisations et des individus aux USA, Canada, France, Suisse, Hollande, Belgique, Luxembourg, Allemagne, Royaume-Uni, Irlande, Norvège, Suède, Danemark, Finlande, Autriche, Italie, Espagne, Japon et Australie.

Si Kerr-McGee choisit de renouveler son contrat, nous vous recontacterons avec de nouvelles informations.

Avec nos salutations distinguées

Au nom de l'Observatoire des ressources du Sahara Occidental - Western Sahara Resource Watch


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