Conseil des droits de l’Homme de l’ONU
MAROC: Examen
Périodique Universel, 08.04.08
Human Rights Council of
the United Nations
MOROCCO: Universal Periodic Review, 08.04.08
Consejo de los Derechos humanos de la ONU
MARRUECOS: Examen Periodico Universal,
08.04.08
LE MAROC SOUS LA LOUPE :
Intervention
de Larbi Messaoud, ex- prisonnier d’opinion,
membre du Secrétariat du Collectif des Défenseurs
Sahraouis des Droits Humains (CODESA).
Permettez-moi, tout d’abord, de remercier les organisateurs
de cette conférence ainsi que les participants pour le travail
admirable qu’ils réalisent depuis de longues années pour
informer mais, aussi pour aider les défenseurs sahraouis des
droits humains aux noms desquels, et notamment le Collectif des
défenseurs sahraouis des droits de l’homme, CODESA, j’ai
participé à la 7ème session du Conseil des droits
de l’homme qui s’est achevée la semaine dernière.
Le CODESA est très préoccupé face à la
dégradation de la situation au Sahara Occidental et au sud
du Maroc et de la persistance des campagnes de répressions
violentes d’une population qui exprime son raz-le-bol, fruit d’un
rejet, on ne peut clair, de près de 33 ans
d’occupation qui ont provoqué la frustration, la
désillusion et l’amertume, alimentant par la même occasion
la colère, les sentiments de déception, d’injustice et de
désespoir.
En dépit des cris d’alarmes lancés par les organisations
internationales pour la défense des droits de l’homme, les
institutions et un grand nombre d’associations, l’ONU est restée
sourde trop longtemps sourde au drame du peuple sahraoui, qui s’est
accentué ces dernières années sous l’effet de la
répression, notamment après les manifestations pacifiques
du 21 mai 2005 dans tout le territoire, réclamant l’application
du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.
Je me contenterais d’évoquer quelques aspects de la
situation, particulièrement difficile, telle qu’elle
est vécue dans les territoires sahraouis occupés et au
sud du Maroc :
Le Maroc, qui sera examiné le 8 avril dans le cadre de l’UPR
(examen périodique universel), et qui ne rate jamais une
occasion pour afficher son attachement aux « valeurs
démocratiques » qu’il essaie de véhiculer un peu
partout est contredit aujourd’hui comme il le sera le 08 avril par la
répression impitoyable et sanguinaire que subissent les
étudiants sahraouis dans les universités marocaines, la
pratique généralisée de la torture, les
disparitions forcées –on est toujours sans nouvelles des 15
jeunes sahraouis, disparus depuis le 25 décembre 2005
suite à leur enlèvement par les services secrets
marocains dans des conditions encore non élucidées-
comme on est toujours sans nouvelles de 560 civils et 151 militaires
sahraouis, disparus depuis le début du conflit.
La détention au secret et les arrestations arbitraires, suivies
de procès entachés d’irrégularités
contribuent à perpétuer le cycle de violence en
préservant et en renforçant le pouvoir des auteurs de ces
violations. La libération, le 04 mars 2008 des deux policiers
marocains qui avaient assassiné en 2005 le jeune sahraoui,
Hamdi Lembarki après avoir purgé 2 des 10 ans
requis au tribunal en est la parfaite illustration.
60 prisonniers politiques sahraouis qui observaient une
grève de la faim illimitée depuis le 20 février
dernier dans les prisons marocaines d’El Aiun au Sahara
Occidental, Tiznit, Taroudant, Ait Melloul, Kenitra, Ain Zegan et
Salé viennent de mettre fin à leur grève. Ils en
sortent affectés en raison des maladies chroniques dont ils
souffrent. Le tort de ces derniers est d’avoir revendiqué le
droit pour leur peuple à l’autodétermination, d’avoir
réclamé la liberté de réunion,
d’association et de mouvement, principes et règles qui
régissent le droit international mais qui justifient aussi,
depuis le 06 septembre 1991, la présence de la mission des
Nations Unies au Sahara Occidental.
7 prisonniers politiques sahraouis, Lahcène Salek Lefquir, Yahya
Mohamed El Hafed Azza, dans un état très critique,
Mohamed Abd Selmi, El Moujahid Ali Bouya Meyara, Najem Mahjoub Ahmed
Najem Bouba, Mohamed Mahmoud Berkaoui et Salama Mohamed Labeida Chrafi
ont été torturé par des éléments des
escadrons de mort, venus spécialement d’El Aiun et jetés
dans la prison d’Ain Zegan suite aux manifestations du 26
février à Tan Tan qui réclamaient le droit
à l’autodétermination du peuple sahraoui. Ils
observent une grève illimitée de la faim depuis le
29 février dernier. El Mokhtar Khneibila, 65 ans et son
fils Mohamed viennent d’être incarcérés
à la prison noire d’El Aiun et condamnés à 8 ans
de prison ferme. La police marocaine, qui ne pardonne pas
à cette famille sa participation, très voyante,
à son goût, aux manifestations réclamant le
droit à l’autodétermination, a investi sa maison et
battu à coups de matraque la mère Aicha Laroussi El
Ouali ainsi que ses trois filles, Najat, Nasra et Embarka.
Brahim Sabbar, 50 ans, père de 3 enfants, ex-disparu pendant 10
ans, croupit depuis 2 ans en prison pour avoir
participé, lui aussi, aux manifestations pacifiques
réclamant le droit à l’autodétermination.
Pour les mêmes raisons, Heddy Mahmoud El Kainan a
été condamné à 3 ans de prison et
l’ex- prisonnier politique, El Loueli Amidan à 5 ans de
prison ferme à El Aiun avant d’être déporté
à la prison de Taroudant à l’intérieur du
Maroc.
Soucieuse d’exercer leurs activités pacifiques au grand jour et
en conformité avec la loi, toutes les associations sahraouies,
à l’instar du CODESA, de l’ASVDH, l’AMDH (section à El
Aiun ) ont été empêchées par les
autorités marocaines d’exercer leurs activités
pacifiques. Dans son communiqué public du 08 mars 2007,
Amnesty international écrit, je cite « la procédure
n’a pu être achevée en raison de ce qui apparaît
manifestement comme une suite d’obstacles administratifs à
motivation politique ».
Les autorités marocaines continuent de limiter
considérablement le mouvement des citoyens sahraouis. Les
interdictions frappent la distribution de toutes sortes de
publications. Elles poussent les jeunes sahraouis,
même mineurs, qui revendiquent régulièrement et
pacifiquement le droit du peuple sahraoui à
l’autodétermination, à l’immigration clandestine
par le biais de filières mafieuses.
Les autorités marocaines procèdent
régulièrement au transfert, à l’intérieur
du Maroc de défenseurs sahraouis des droits de l’homme
auxquelles on refuse l’inscription dans les université comme ce
fut le cas, pour les plus récents d’entre eux, de Ali Salem
Tamek, mais elles procèdent, de manière aussi
illégale, au licenciement, au gel des salaires, à
l’interdiction des passeport ou leur confiscation. Les
défenseurs sahraouis des droits humains, dont la plupart ont des
familles et des enfants à nourrir sont soumis à un
cruel chantage : travail contre le reniement des opinions
politiques, et cela doit faire nécessairement l’objet
d’une déclaration écrite. Moi-même je
vis l’expérience depuis 2002, d’autres avant moi tel Nah Aida
Hkalil, 60 ans, interdit de travail depuis 1992 :
Le Maroc ne se contente pas de réprimer les sahraouis pour les
empêcher d’exprimer leur aspiration à la liberté et
à l’indépendance mais accapare, aussi
illégalement leurs richesses naturelles dont il se sert
comme moyen de pression pour essayer de faire entériner
l’occupation illégale du Sahara Occidental
L’Instance équité et réconciliation,
créée en janvier 2004 pour faire la
lumière sur les années de plomb a montré,
très tôt, ses limites puisqu’il s’est
avéré qu’elle ne représente, rien de plus, ni de
moins, qu’un mécanisme marocain visant à faire acquitter
l’Etat du Maroc de ses crimes, notamment contre le peuple
sahraoui. A l’issue de son travail, elle n’a rien
révélé concernant le destin des disparus
sahraouis, la libération des vivants d’entre eux, la remise,
à leurs familles, des dépouilles des personnes
décédées, les lieux des tombes communes et moins
encore sur la sanction devant être infligée aux
responsables de ces violations flagrantes. Cette même instance a
usé de discrimination et de duplicité concernant le
dossier sahraoui.
Il est clair que plus de 30 ans de privation, de violations des droits
de l’homme et des libertés fondamentales, les arrestations
arbitraires, le recours à la torture, les disparitions, les
déportations, l’étouffement des libertés, les
procès inéquitables sont le lot des exactions
pratiquées par les forces d’occupation marocaines. Le CODESA a
publié un rapport (2007) complet sur la tragique situation
des droits de l’homme au Sahara Occidental, au sud du Maroc et dans les
universités marocaines . Dans son rapport de 2006, le Haut
Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a souligné
que « toutes les violations des droits de l’homme commises au
Sahara Occidental se nourrissent de la non application du droit
fondamental qu’est celui de l’autodétermination ». Presque
deux ans après, on se pose toujours la même question :
qu’attend le Haut Commissariat aux Droits de l’homme pour publier ce
rapport et pourquoi il ne veille pas à la mise en application de
ses recommandations ?
A la veille de l’examen du Royaume du Maroc dans le cadre de l’UPR,
c’est le moment ou jamais de rendre public ce rapport car on ne doit
pas faire un chèque en blanc au régime de ce pays dont il
est connu et avéré depuis longtemps qu’il viole
systématiquement les droits de l’homme au Sahara Occidental.
Je vous remercie
>> Fiche biographique de
Larbi Messaoud
[ARSO HOME]