Intervention
de la défenseure des droits de l’Homme
membre du CODESA
Aminatou Haidar
à la 4ème plate-forme pour les
défenseurs des droits humains de Front Line à Dublin
Je suis très honorée d’être invitée à
cette 4ème plate-forme de l’organisation Front Line, que je
tiens à remercier infiniment de m’avoir donné
l’opportunité de participer et prendre la parole.
Mesdames et Messieurs:
En tant que femme sahraouie, victime dans ma chair et ma dignité
de la répression marocaine, en tant qu’ex disparue dans les
bagnes secrets de l’état marocain pendant quasi 4 ans et en tant
qu’ex détenue d’opinion, libérée il y a un an et
quelques mois et également en tant que défenseure des
droits de l’homme, membre du collectif des défenseurs sahraouis
des droits de l’homme CODESA; je saisis cette occasion d’être
parmi vous pour vous faire part, en bref de la situation des droits de
l’homme au Sahara Occidental occupé illégalement par le
Maroc. En effet Mesdames et Messieurs, depuis le 21 Mai 2005, la
population civile sahraouie s’est soulevée dans toutes les
villes du Sahara Occidental, au sud du Maroc et dans les campus
universitaires marocains, pour réclamer le respect du droit
inaliénable du peuple sahraoui à
l’autodétermination. Ces manifestations ont été
sauvagement réprimées par les autorités
sécuritaires et para militaires marocaines, créant une
situation très dramatique. Ainsi nous assistons depuis
lors à une campagne farouche d’arrestations,
d’enlèvements, de torture, de saccage de maisons sahraouies, de
tabassage des personnes arrêtées dans les véhicules
de la police et dans les locaux secrets, des procès
inéquitables. Cette répression n’a épargné
ni les femmes, ni les jeunes ni les personnes âgées, ni
même les enfants!!!! Nos écoles, collèges et
lycées se sont transformés en commissariats, où
les élèves sont arrêtés et torturés.
La présence des policiers est quasi permanente dans chaque
établissement. La répression marocaine a touché le
Sud du Maroc et les universités marocaines où il y a des
étudiants sahraouis, ces derniers font l’objet d’intimidations,
de torture, de discrimination et d’emprisonnements. En Mai de cette
année, il y avait le jugement des 22 étudiants sahraouis
et des dizaines de victimes de torture, le fameux cas est celui de la
militante sahraouie Soltana Kheiya qui a perdu son oeil,
opérée le mois dernier à Barcelone. Les
autorités marocaines ont très récemment exclu 20
étudiants sahraouis de l’université d’Almouhamadia
et à 40 autres, on a confisqué tous leurs droits
(hébergement, restauration, transport...).
Mesdames et Messieurs:
Les défenseurs sahraouis des droits de l’homme font
quotidiennement l’objet d’harcèlements et d’intimidations, ce
qui rend leur tache de répertorier et dénoncer les
atteintes aux droits de l’homme dans cette partie du monde très
difficile. Les pratiques utilisées à leur encontre par
les différents services de sécurité marocains ont
pris plusieurs formes, parmi elles:
- le gel du salaire -licenciement abusif du travail
- confiscation du droit de travail
- confiscation des biens -confiscation des passeports -confiscation du
droit de congé -blocage d’évaluation et promotion au
niveau du travail -arrestation et torture dans les geôles
secrètes de l’état marocain.
- emprisonnement dans des conditions inhumaines
- procès iniques avec des accusations fabriquées par les
services de renseignements marocains
- transfert abusif des défenseurs sahraouis des droits de
l’homme aux villes marocaines
- atteinte au droit de la libre circulation des défenseurs
- confiscation du droit de réunion et d’association.
Mesdames et Messieurs:
Cette série de mesures répressives à l’encontre
des défenseurs des droits de l’homme s’est couronnée pas
plus tard que le 07 Octobre dernier. Les autorités marocaines
ont interdit au collectif des défenseurs sahraouis des droits de
l’homme CODESA, dont je suis membre, la tenue de son congrès
constitutif a El Aaiun, capital du Sahara Occidental occupé.
Nous considérons que cette mesure répressive à
l’encontre de notre association s’inscrit dans le cadre de la politique
menée par les autorités marocaines, pour faire taire les
voix des défenseurs sahraouis des droits de l’homme. Le 30
Octobre, Mr Alisalem Tamek, un défenseur sahraoui des
droits de l’homme, membre du CODESA et président de son
comité préparatoire, a été surpris du refus
de son inscription à l’université marocaine
d’Almouhamadia. D’autres ONG sahraouis telle l’association sahraouie
des violations des droits de l’homme ASVDH, attend à ce jour son
agrément pour exercer ses activités, sa vice
président, la défenseure sahraouie des droits de l’homme
Mme Djimi El Ghalia, n’a pas pu participer à cette plate forme,
les autorités marocaines l’ont privée de son droit de
congé.
Mesdames et Messieurs:
Dans les prisons marocaines croupissent plus d’une cinquantaine de
prisonniers politiques sahraouis, dont certains sont des
défenseurs des droits de l’homme, tels Mr El Ouali Amaidan,
membre du CODESA, le secrétaire général de l’ASVDH
et ex- disparu Mr Brahim Sabbar, Mr Sbaai Ahmed, membre de la
même association et d’autres... Ces prisonniers vivent
aujourd’hui dans des conditions inhumaines, surtout à la prison
noire d’El Aaiun/Sahara Occidental, où ces prisonniers sont
à la merci des brigades de torture relevant de l’administration
pénitentiaire marocaine. A ce jour on déplore plus de 500
disparus sahraouis depuis 1976, nous ne devons pas les oublier. Il est
de notre devoir à tous de conjuguer les efforts pour que
l’état marocain dévoile leur sort et mette fin
à cette tragédie des familles sahraouies qui n’a que trop
duré. Outre la brutalité qui s’abat sur mes concitoyens,
les autorités d’occupation marocaines empêchent la moindre
expression démocratique des autochtones sahraouis. Ce 04
Novembre la police marocaine a jeté un citoyen sahraoui, El
Hocine Lamlih, du haut d’un hôtel à El Aaiun
occupé, pour avoir écouté la radio nationale
sahraoui. Son état est très grave, il est en coma. Une
population civile et pacifique subit le joug de l’occupation et de la
répression au Sahara Occidental, à l’abri des regards du
monde extérieur. C’est un véritable état de
siège qui est imposé au Sahara Occidental occupé,
dont l’accès reste interdit à la presse, aux ONG et
autres observateurs internationaux. Savez-vous, parmi d’autres
exemples, qu’une délégation ad hoc pour le Sahara
Occidental du Parlement Européen, composée
d’eurodéputés, se voit refuser à ce jour
l’accès au territoire sahraoui pour s’enquérir de la
situation qui y prévaut.
Mesdames et Messieurs:
Une commission du Haut Commissariat de l’ONU pour les droits de
l’homme, a visité le territoire du Sahara Occidental entre le 17
et le 19 Mai 2006, pour enquêter sur l’état des droits de
l’homme. Dans son rapport de mission du 15 Mai 2006 et 19 juin 2006, le
Haut Commissariat de l’ONU rappelle que ces violations des droits de
l’homme découlent du déni d’un droit fondamental,
fondateur des Nations Unies, à savoir le droit à
l’autodétermination universellement reconnu au peuple sahraoui,
mais que le Maroc refuse d’appliquer au Sahara Occidental.
Mesdames et Messieurs:
Permettez-moi de lancer au nom de mes collègues du CODESA, du
haut de cette tribune un appel pressant à toutes les
associations et ONG des droits de l’homme, à toutes les
personnes qui luttent pour la liberté et la démocratie,
d’oeuvrer massivement pour la protection des citoyens sahraouis dans
les territoires occupés. J’ai souligné que la situation
des droits de l’homme s’est gravement détériorée
et je témoigne que les populations sahraouies sont en
détresse. J’en appelle à la protection de leurs droits
élémentaires. Il est urgent et impératif de
publier le rapport du Haut Commissariat et appliquer ses
recommandations et surtout la mise en place d’un mécanisme de
protection et de promotion des droits de l’homme au Sahara Occidental.
Honorable audience:
Lorsqu’on bâillonne la justice au Sahara Occidental,
lorsque les droits de l’Homme sont massivement violés, la
responsabilité de tous ceux qui chérissent la paix et qui
oeuvrent à la promotion des valeurs universelles, est totalement
engagée. Je vous remercie et formule le voeu que cet appel sera
relayé, entendu et qu’il se traduira par d’autres actions
concrètes.
Merci
beaucoup
22 Novembre 2007
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