Association Internationale des Juristes Démocrates

International Association of Democratic Lawyers

 

Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités

Cinquantième session

Genève 3-28 août 1998

Point 10: liberté de circulation

Le 21.08.98

 

Monsieur le Président,

Le droit à la liberté de circulation a été consacré par la plupart des conventions internationales comme droit universel à respecter par tous. Dans cette optique, l'Assemblée générale a adopté la résolution 52/121 mettant l'accent sur la nécessité du respect de la liberté universelle de circulation et de l'importance capitale du regroupement familial. Cependant plusieurs Etats continuent d'ignorer ce droit fondamental. C'est notamment le cas du Royaume du Maroc. En effet, la cour suprême de ce pays a rejeté le 16 juillet 1998, la demande de Monsieur Abraham Serfaty d'annulation de l'arrêté d'expulsion du Maroc prononcé à son égard le 12 novembre 1991. La cour s'est déclarée également incompétente pour statuer sur la nationalité d'Abraham Serfaty qui se trouve ainsi privé de son droit à retourner dans son pays. De même la royaume du Maroc refuse le retour dans leur pays à 85 prisonniers de guerre marocains libérés en avril 1997 par le Front Polisario sans conditions.

Au Sahara Occidental, pays sous occupation marocaine depuis 1975, en plus du black out imposé et de la limitation du libre accès au territoire à tous ceux qui le souhaitent, les autorités marocaines s'en prennent maintenant aux diplomates et journalistes pris en charge par la MINURSO (Mission des Nations unies pour le Référendum au Sahara Occidental). En effet, le 26 mai 1998, le Maroc a interdit à la mission onusienne l'utilisation de ses aéronefs pour le transport du personnel autre que celui de la MINURSO. Le Représentant Spécial pour le Sahara Occidental, M. Charles Dunbar, a réagi avec fermeté en soulignant, dans une lettre adressée au gouvernement marocain le 30 juin, que "la visite de diplomates, de fonctionnaires d'organismes non-gouvernementaux et des journalistes directement liés au mandat s'inscrivent dans le cadre des activités de la Mission et contribuent à la transparence du processus" (S/1998/634; par. 20). Malheureusement, le gouvernement marocain n'est pas encore revenu sur sa position défiant ainsi la Communauté Internationale dans son ensemble.

Les restrictions imposées par les autorités marocaines à la liberté de circulation nuisent considérablement à la transparence du processus au Sahara Occidental et mettent en danger les résultats même du référendum. Pourquoi le Maroc s'entête-t-il à vouloir empêcher la presse de se rendre sur place ? Y aurait-il quelque chose à cacher?

Quand de telles pratiques sont imposées à l'ONU que dire de toute une population civile sahraouie privée, depuis 23 ans, de tout contact avec le monde extérieur. En effet, les autorités marocaines poursuivent une politique d'implantation de colons qui a atteint des proportions alarmantes: pour chaque sahraoui il y a plus de cinq colons marocains. A cette fin, le Maroc a procédé à des transferts massifs de colons marocains pour modifier la composition démographique du territoire. La population sahraouie se trouve ainsi soumise à une surveillance permanente et est empêchée de tout contact avec l'extérieur.

Les citoyens sahraouis sont dans l'impossibilité de quitter les territoires occupés notamment pour visiter leurs parents dans les campements de réfugiés. De même que ces derniers sont interdits de retour à leur pays, Le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) n'a pas encore obtenu le consentement des autorités marocaines pour l'officialisation de sa présence dans le territoire, ce qui constitue une entrave à l'instauration de la confiance qui permettrait aux réfugiés le retour librement consenti aux lieux de leur choix (S71998/634:par 16). De même, le gouvernement marocain se refuse encore à donner à la police civile de la MINURSO (Mission des Nations unies pour le Référendum au Sahara Occidental) les informations pertinentes pour permettre, dans des conditions de sécurité, le retour des réfugiés (S/1998/634, parr. 15).

Monsieur le Président,

La communauté internationale est appelée à agir promptement pour assurer à tous ceux qui le désirent, les sahraouis inclus, le libre accès au territoire conformément aux conventions internationales et à la pratique des opérations de maintien de la paix des Nations unies. Il y va de la crédibilité de l'ONU. L'une des mesures que pourrait prendre l'ONU serait de proclamer le commencement de la période de transition en dépit du fait que certains dossiers restent en suspens, comme elle a eu le courage dans le passé d'imposer l'entrée en vigueur du cessez-le-feu. C'est seulement ainsi que le Représentant Spécial du Secrétaire général pour le Sahara Occidental pourra, conformément à son mandat, prendre sur place toutes les mesures d'ordre administratif, technique ou de sécurité qu'il jugera bon d'appliquer dans le territoire pendant la période de transition. Il pourra également demander la suspension de toute loi ou mesure qui, à son avis, pourrait entraver le bon déroulement du référendum (rapport du Secrétaire général des Nations unies S/1998/882 du 18 novembre 1997).

L'énorme espoir que toutes celles et tous ceux qui, au Sahara Occidental, accablés par les actes odieux de l'occupation et la dure épreuve de l'exil, ont mis dans la communauté internationale ne doit, en aucun cas, être déçu.

Je vous remercie.

El Haissan Abba Salek


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