Le Monde, Paris, 12.9.95

Un rapport ministériel met en relief l'extrême fragilité de l'économie marocaine

Mouna El Banna, Rabat

La machine économique est grippée et, si des mesures ne sont pas prises rapidement, le Maroc court à la catastrophe en dépit des sacrifices consentis par la population pendant les dix ans du programme d'ajustement structurel (1982-1992). Selon l'hebdomadaire La Vie économique, qui a eu la copie d'un rapport confidentiel rédigé par cinq des plus importants ministres du gouvernement d'Abdellatif Filali, "l'apocalypse, si rien n'était fait, se situerait en 2002 avec un taux de chômage de 27%, un déficit budgétaire équivalant à 5% du PIB et des réserves de change totalement épuisées".
La première partie de ce rapport constate la "vulnérabilité" de l'économie nationale due à la dégradation des finances publiques - trop de dépenses de fonctionnement et de personnel -, à la faiblesse des investissements, notamment privés, et à une productivité insuffisante. A cet égard, les auteurs de cette étude sont unanimes à déplorer la mauvaise qualité de l'enseignement et de la formation, en particulier dans le primaire, délaissé au profit du secondaire et du supérieur.
Le rapport estime encore que le systéme fiscal, qui se voulait incitatif, a eu l'effet contraire, tandis que les privatisations n'ont pas eu d'influence réelle sur un secteur public toujours hypertrophié. Si l'on ajoute à cela la législation du travail, la réglementation foncière et le code du commerce qui "ralentissent le développement de secteurs industriels et agricoles modernes", le constat se révèle particulièrement sévère.
Dans une deuxième partie, les auteurs proposent un plan à moyen terme qui devrait conduire à une croissance de 6% par an, seule susceptible, selon eux, de réduire le chômage. Pour ce faire, il faudra ramener le déficit budgétaire de 3% aujourd'hui à 1% du PIB en l'an 2000 et diminuer les effectifs de la fonction publique. Le rapport, qui suggère que les agriculteurs ne soient plus exemptés d'impôts - ils le sont jusqu'en 2020 - propose une réforme des relations entre l'Etat et le secteur public et, surtout, l'instauration de la verité des prix, notamment pour l'eau.
La convertibilité totale du dirham, la monnaie nationale, la disparition du contrôle des prix et des subventions, l'élargissement des couvertures sociales, la privatisation à moyen terme de la formation professionnelle figurent parmi les autres mesures préconisées.
Dans une troisième partie, intitulée "L'urgence", le rapport, qui pourrait servir de base à un projet de loi présenté avant la fin de l'année, évoque les mesures à prendre sans délai. Les premières pourraient porter sur les prix des services - eau, électricité - ainsi que sur "le rétablissement de la compétitivité", ce qui, en claire passe par une dévaluation du dirham.


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