Nations Unies
Conseil de Sécurité

Distr. générale

S/1997/166

27 février 1997

FRANCAIS
ORIGINAL: ANGLAIS

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RAPPORT DU SECRÉTAIRE GENERAL SUR LA SITUATION CONCERNANT LE SAHARA OCCIDENTAL

 

I. INTRODUCTION

1. Le présent rapport est soumis conformément à la résolution 1084 (1996) du Conseil de sécurité, en date du 27 novembre 1996, dans laquelle celui-ci me demandait de lui présenter, le 28 février 1997 au plus tard, un rapport intérimaire sur le résultat de mes efforts en vue d'aplanir les difficultés qui font obstacle à la mise en oeuvre du plan de règlement. Outre qu'il s'y réaffirmait résolu à ce que se tienne dès que possible un référendum, conformément au plan de règlement, le Conseil appuyait les activités menées par mon Représentant spécial par intérim en vue de poursuivre le dialogue, prenait note de l'effet bénéfique des manifestations de bonne volonté et de tous les contacts axés sur la mise en oeuvre du plan de règlement, se félicitait des mesures prises par les parties et les encourageait à poursuivre leurs efforts en vue d'instaurer la confiance mutuelle et de faciliter la mise en oeuvre du Plan, il me priait également de proposer d'autres mesures, dans le cadre du plan de règlement, au cas où aucun progrès important n'aurait été enregistré sur la voie de l'élimination des obstacles à la mise en oeuvre de celui-ci et, en outre, de maintenir activement à l'examen la question de l'effectif et de la configuration des diverses composantes de la MINURSO, afin d'assurer un maximum d'économie et d'efficacité.

2. On trouvera exposés dans la section II du présent rapport les efforts de mon Représentant spécial par intérim, M. Erik Jensen, ainsi qu'une évaluation des difficultés qui continuent de faire obstacle à la poursuite de la mise en oeuvre du plan de règlement, et en particulier au processus d'identification. La section III traite des autres aspects du plan; la section IV concerne les activités de la composante militaire et de la composante de police civile; mes observations et recommandations figurent à la Section V.

Il. ENTRETIENS AVEC LES PARTIES ET PROCESSUS D'IDENTIFICATION

3. Depuis l'adoption de la résolution 1084 (1996) du Conseil de sécurité, mon Représentant spécial par intérim s'est efforcé de rester en contact avec les parties, se rendant tour à tour à Rabat et à Tindouf à diverses reprises en décembre 1996 et janvier 1997. Il s'est entretenu avec le Ministre marocain de l'intérieur, M. Driss Basri, et avec le Coordinateur du Front Polisario avec la MINURSO, M. Bachir Mustapha Sayed, ainsi qu'avec d'autres représentants de haut niveau. Le Gouvernement marocain et le Front Polisario ont l'un et l'autre réaffirmé leur attachement au plan de règlement et leur désir de le voir mis en oeuvre. Toutefois, ni l'un ni l'autre n'ont en quoi que ce soit modifié leur position en ce qui concerne la poursuite du processus d'identification.

4. Celui-ci, qui s'était engagé en août 1994, s'est poursuivi pendant plus d'un an et demi. Durant cotte période, les procédures s'étaient solidement établies. Les contacts s'étaient multipliés et les parties s'étaient peu à peu familiarisés les unes avec les autres. Mais le processus s'est soudainement interrompu à la fin de 1995; à ce moment là, 77'058 personnes avaient été convoquée et 60'112 identifiées. Ce dernier chiffre correspond au nombre des personnes que l'on estime être toujours en vie depuis 1974, année où les autorités coloniales espagnoles avaient procédé à un recensement d'où il ressortait que 73'497 Sahraouis résidaient dans le Territoire. Les conditions posées par les deux parties pour la poursuite de l'identification sont inconciliables. Chacune des solutions avancées est interprétée comme favorisant un côté ou l'autre. Le Maroc maintient que toutes les personnes dont la demande a été déposée à temps ont le droit de se présenter pour identification, sans préjudice de la décision de la Commission d'identification. Il estime, en outre, que tous les groupes considérés dans le recensement espagnol de 1974 comme des tribus et des sous-fractions doivent être considérés comme telles, soulignant que des chefs de tribu (chioukhs) ont été élus à leur tête en 1973.

Le Front Polisario soutient lui que, conformément aux propositions de compromis, en dehors des personnes dont les noms apparaissent dans le recensement, seuls les membres d'une "sous-fraction sahraouie incluse dans le recensement de 1974" sont susceptibles d'identification, certains des groupes recensés n'étant. pas des tribus sahraouies composées d'authentiques "sous-fractions". Le Front Polisario tient également à ce que les listes de personnes déjà identifiées et jugées aptes à voter soient divulguées, proposition que le Gouvernement marocain rejette faisant valoir qu'elle n'est pas conforme au plan de règlement.

5. Techniquement parlant, il est tout à fait possible de reprendre et d'achever le processus d'identification. Pour mener à bien le programme complet tel qu'il était prévu en 1996, il aurait fallu 32 semaines. Cela supposait que les deux parties s'engagent à participer à son exécution dans les conditions prévues et qu'elles se soient entendues sur les personnes à identifier. Il convient de noter, toutefois, que si les parties se mettaient d'accord pour reprendre le processus d'identification et le mener à son terme, il faudrait un certain temps pour localiser et recruter le personnel nécessaire et pour réinstaller et rouvrir les centres d'identification qui ont été partiellement démantelés au moment du retrait de la Commission d'identification et de son personnel.

6. Pour ce qui concerne les mesures visant à instaurer la confiance, le Gouvernement marocain a réaffirmé la position qui avait été exprimée publiquement par le Roi Hassan II en novembre 1996. Le Front Polisario a également réaffirmé son désir de maintenir les contacts, ce qu'il n'est toutefois pas disposé à faire dans les conditions que le Maroc juge nécessaires.

III. AUTRES ASPECTS DU PLAN DE RÈGLEMENT

Libération des prisonniers politiques

7. Mon Représentant spécial par intérim a continué d'examiner les questions soulevées par le juriste indépendant, M. Emmanuel Roucounas. Le 14 janvier 1997, le Front Polisario a fourni une nouvelle liste annotée des personnes qui seraient détenues au Maroc pour des raisons politiques. Le 16 janvier, M. Jensen a officiellement transmis cette liste au Ministère marocain de l'intérieur, conformément à l'accord conclu avec M. Roucounas lorsqu'il s'est rendu dans la région en juillet 1996.

Rapatriement des réfugiés

8. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a mené diverses activités en préparation du rapatriement volontaire des réfugiés du Sahara occidental. Il a suivi l'évolution de la situation dans la région et entrepris de revoir et de mettre à jour de façon continue le plan de rapatriement élaboré en 1991. Les prévisions de dépenses logistiques ayant été révisées, le coût de ce plan s'élève désormais à 50 millions de dollars des États-Unis.

9. Le HCR prévoit de procéder, lorsque les circonstances le permettront, à un préenregistrement des candidats au rapatriement, élément essentiel de la préparation de l'opération. Entre-temps, ii continue de fournir une assistance aux réfugiés les plus vulnérables.

10. Le Bureau extérieur du HCR à Tindouf est opérationnel depuis juillet 1996, et le personnel d'Alger et du siège effectue régulièrement des missions dans la région. Un fonctionnaire international entrera en fonction à Tindouf le 15 février 1997.

IV. COMPOSANTE MILITAIRE ET POLICE CIVILE

Composante militaire

11. Le 30 novembre 1996, le général de division Jorge Barroso de Moura (Portugal) a remplacé le général de division José Eduardo Garcia Leandro (Portugal) au poste de commandant de la Force. La composante militaire, dont l'effectif a été réduit de 20 % l'année dernière, compte actuellement 230 hommes (voir annexe I). Au cours de la période considérée, elle a continué à suivre et à vérifier le cessez-le-feu. Malgré la réduction des effectifs, il a été possible d'augmenter légèrement le nombre de patrouilles terrestres et aériennes. En moyenne, les observateurs militaires ont couvert 47'000 kilomètres par semaine lors de leurs patrouilles au sol et consacré 178 heures par mois aux vols de reconnaissance en hélicoptère. Il a été fait état d'une violation, mais l'enquête qui a été menée ne l'a pas confirmée. Quelques incidents mineurs ont été réglés de façon satisfaisante. La collaboration a été bonne tant avec l'Armée royale marocaine qu'avec le Front Polisario.

12. Sur la base de l'expérience acquise en quatre mois de fonctionnement avec des effectifs réduits, le commandant de la Force a tenté de déterminer s'il serait possible de procéder à de nouvelles réductions sans compromettre l'exécution du mandat actuel de la MINURSO. Il a soumis une série d'options qui sont actuellement à l'étude au siège de l'ONU. Je les examinerai en tenant compte de ce que la composante militaire doit conserver une capacité opérationnelle suffisante pour suivre efficacement le cessez-le-feu, et je formulerai des propositions appropriées dans mon prochain rapport au Conseil de sécurité.

Composante de police civile

13. Au cours de la période considérée, le lieutenant-colonel Jan Kleven (Norvège), commissaire de police par intérim depuis le départ du général de brigade Walter Fallmann (Autriche), a continué de diriger la composante de Police civile de la Mission. Cette dernière ne compte plus que neuf hommes, contre 91 en janvier 1996 (voir annexe II); elle a pour fonction principale d'assurer 24 heures sur 24 la sécurité des données informatisées et du matériel informatique dans les anciens centres d'identification, de maintenir une présence à Tindouf à des fins de sécurité, et de fournir occasionnellement une escorte.

14. La réduction générale du personnel de la MINURS0 a permis de rassembler l'ensemble des données informatisées et du matériel informatique dans le camp de la Mission à Laayoune, où la sécurité est assurée. Je propose donc, afin de réduire les coûts au minimum, que le commissaire de police par intérim et les derniers policiers civils ne soient pas remplacés lorsque leurs contrats viendront à expiration, et soient même libérés plus tôt de leurs obligations si leurs gouvernements y consentent.

V. OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

15. Le cessez-le-feu au Sahara occidental entré en vigueur le 6 septembre 1991 après des années de conflit tient toujours et l'on n'a signalé que quelques violations techniques et sans gravité. S'il y a eu pertes en vies humaines dans des accidents, il n'y a pas eu de tués dont la mort serait attribuable à des tirs ennemis. Il s'agit là d'un résultat non négligeable dans une région menacée par l'instabilité. La MINURS0 peut se targuer d'avoir aidé les parties à continuer à respecter le cessez-le-feu grâce à la présence de ses observateurs et aux patrouilles qu'ils assurent. Toutefois, il ne s'agit pas là de l'unique résultat obtenu par la MINURSO. Le processus d'identification et la mesure de confiance que la MINURSO a pu introduire en contribuant à faciliter les contacts entre les deux parties sont des aspects également importants. Il ne faut donc pas que ce qui a été accompli soit réduit à néant.

16. Il est possible de réaliser des progrès, mais seulement si les deux parties s'engagent résolument, par leurs actes comme dans leurs paroles, à mettre en oeuvre le plan de règlement. Autrement, le maintien de la présence de la MINURSO sera de plus en plus remis en cause. En effet, maintenir la composante militaire à son niveau actuel revient cher, le gros des dépenses de la MINURSO étant occasionnées par la nécessité d'entretenir et d'appuyer les observateurs militaires de façon à leur permettre d'opérer dans les différents sites. En outre, en l'absence de progrès sur la voie d'une solution politique dans le sens indiqué dans le plan de règlement, la présence d'observateurs militaires ne saurait à elle seule empêcher les hostilités. D'autre part, le retrait des observateurs militaires risque de compromettre le maintien du cessez-le-feu et de faire peser une sérieuse menace sur la stabilité régionale. Aussi est-il essentiel à mon avis de tout faire pour relancer le processus politique et de déterminer les moyens, y compris la possibilité de nouvelles initiatives, qui permettent de sortir le plan de règlement de l'impasse dans laquelle il se trouve.

17. C'est pourquoi je me suis penché sur les questions ci-après:

a) Le plan de règlement peut-il être mis en oeuvre sous sa forme actuelle?

b) Dans le cas contraire, y a-t-il des aménagements acceptables pour les deux parties, qui pourraient en rendre l'exécution possible?

c) Autrement, existe-t-il d'autres moyens par lesquels la communauté internationale pourrait aider les parties à résoudre le conflit qui les oppose?

Je compte approfondir l'examen de ces question au cours des semaines qui viennent de façon à présenter des conclusions au Conseil avant l'expiration, le 31 mai 1997, du mandat en cours de la MINURSO.

18. Dans l'intervalle, j'envisage de réduire encore les effectifs de la MINURSO, dont le coût a déjà baissé de 40 %, passant de quelque 4 millions de dollars à 2,6 millions de dollars environ par mois. Les effectifs civils ont pu être réduits grâce au non-remplacement du personnel partant et du personnel détaché. Le retrait de la composante de police civile permettra aussi, s'il est accompagné d'autres réductions ailleurs, de réduire davantage le personnel administratif civil. J'entends continuer de suivre la situation de très près et informer le Conseil de tout développement.

19. L'Organisation des Nations Unies ne peut pas contraindre les parties à honorer leurs engagements pour ce qui est de coopérer à l'application du plan de règlement. Sans cette coopération, il sera de plus en plus difficile de justifier les dépenses encourues au-delà du mandat en cours. La communauté internationale ne peut pas continuer à consacrer les rares ressources dont elle dispose au Sahara occidental en l'absence de tout progrès dans la mise en oeuvre du plan, celui-là même que les deux parties ont librement accepté il y a neuf ans. C'est là un moment critique pour la Mission. Je ne puis que formuler l'espoir que les parties ne manqueront pas de se rendre compte des graves conséquences pour l'avenir de la MINURSO.


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