OPINION

 

La lutte sacrée du peuple sahraoui

Hamdi Salek Allal

 

Je me suis engagé dans la lutte de libération nationale du peuple sahraoui à un âge très jeune en 1972. A l'époque j'avais 17 ans. J'étais très jeune et je ne comprenais pas grande chose à la politique. Néanmoins j'appartenais à un groupe de lycéens qui se rencontraient et discutaient de la situation coloniale dans leur pays, le Sahara espagnol à l'époque. Ils voulaient faire quelque chose, surtout en tenant en compte qu'ils considéraient que leur peuple était ignoré dans l'équation régionale ou mieux dit que les pays limitrophes avaient des visées expansionistes sur leur pays et étaient en train de préparer quelque chose dans l'ombre.

La création du Front Polisario en 1973 comme mouvement de libération et son engagement immédiat dans la lutte armée avait galvanisé l'attention de tous les jeunes sahraouis que se soit aux Sahara Occidental ou dans les pays voisins. La conjugaison simultanée de l'action politique et militaire a donné au mouvement naissant une grande audience. Les réactions négatives des pays voisins suite à la création et au développemnt ultérieur de notre organisation avaient aiguisé notre sentiment nationaliste et notre acharnement dans la lutte.

Nous avions donc été, d'une manière consciente, les promoteurs de la situation qui a suivi et qui devait conduire à l'indépendance de notre pays, mais qui a aussi été détournée par la partition de notre pays entre le Maroc et la Mauritanie.

Aujourd'hui j'ai 50 ans et je ne sais grâce à quel miracle j'ai survécu à la mort pendant les dix sept années de la guerre. Plus j'ai grandi plus j'ai été convaincu de la cause dans laquelle je me suis engagé le premier jour pour des raisons plus sentimentales que politiques.

Si je ressens aujourd'hui de l'amertume et de la compassion ce ne serait certainement pas pour moi ou les longues années et les sacrifices que j'ai présentées pour cette cause, mais pour la génération de Saharaouis qui étaient en 1975 plus âgés que moi, je veux dire la genération de mes parents et grand-parents. Ils savent mieux que moi et que quiconque qu'ils étaient agressés et victimes d'une injustice contre laquelle ils n'avaient de moyens de résistence que leurs prières et le choix de leurs descendants, la lutte armée contre les nouveaux envahisseurs.

Seuls les Saharouis peuvent véritablement apprécier les difficultés et les souffrances qu'ils avaient à affronter pour relever des défis de survie et de succés qu'ils avaient pu accomplir avec des résultants plus que satisfaisants. Ce passé durant lequel nous étions sur le point de l'anéantissement total n'est pas très loin. Il existe dans nos mémoires, dans notre vie quotidienne et à travers les milliers d'orphelins, de veuves, de blessés de guerre, d'ex-prisonniers politique et dans les souffrances que nous avons accumulées et desquelles nous ne pouvons nous débarrasser durant n'importe quel moment de notre vie quotidienne.

La guerre nous a unis en tant que peuple. Elle a renforcé nos liens de solidarité et notre sentiment national. Ça fait déja plus de 13 ans qu'on vit en paix, au moins ceux d'entre nous qui vivent dans les campements des refugiés et dans les territoires liberés ou dans la diaspora saharaouie en Europe. Seuls ceux vivant directement sous l'occupation continuent à souffrir d'une politique de représsion que nous seuls savons.

Aujourd'hui une vague d'abandon et d'oubli nous envahit. Pour certains d'entre nous la guerre est terminée, l'exil est notre demeure éternelle et le Maroc est plus l'ennemi de nos confrères dans les territoires occupés que de nous dans l'exil. Ils sont les victimes quotidiennes de sa répréssion et de la négligence de sa part des droits de l'homme les plus élementaires.

Heureusement l'échange de visites familliales entre les campements des réfugiés et les territoires occupés nous a confirmé un sentiment que nous étions sur le point d'oublier à savoir que nos familles demeurent divisées et que grâce à cette lutte que nous avions menée, nous avons aujourd'hui non pas le droit mais le privilège de rencontrer nos parents, pas sur un territoire neutre, mais dans notre propre pays. Ceux d'entre nous qui ont eu la chance de visiter El Ayoune, Smara, Dakhla ou Boudjour ont pu découvrir l'autre moitié de notre peuple. Pas forcément les figures les plus éminentes de la résistance pacifique tels que Mohamed Deddach ou Ali Salem Tamek ou les autres, mais leurs propres parents, leurs voisins d'antan ou simplement d'autres Sahraouis venant leur rendre visite. Le message des territoires occupés est clair. "Il ne faut pas céder, continuez votre lutte, la mort avec dignité en exil est mieux que la mort lente sous l'occcupation marocaine". L'unanimité des Sahraouis contre l'occupation marocaine est aujourd'hui plus forte que jamais malgré la politique d'ouverture et les apparences que les autorités marocaines laissent planer sur les territories occupés.

Le Maroc n'a pas pu gagner les coeurs des Sahraouis malgré trente années de tentatives d'intégration et de maquillage qu'il a fait dans la zone. Le Sahara demeure une zone exclusive, une grande prison, interdite aux étrangers sauf un petit nombre bien choisi par les autorités centrales.

La résistance des Sahraouis mérite beaucoup d'estime et d'appréciation. La lutte du peuple Sahraoui est une leçon pour tous les peuples du monde. Nous Saharouis en sommes fiers et très orgueilleux, néanmoins nous sentons que nous sommes abandonnés et oubliés par la communité internationale. Il nous a été toujours très difficile de convaicre notre ancienne génération que dans ce monde la justice existe, le droit et les défenseurs de la légalité existent aussi. Elle était très reluctante. Une prudence que les trentes années d'exil et de souffrances nous ont demontrée. Nos parents ont preféré mourir les uns après les autres dans cette partie du désert parce qu'ils nous ont crus, nous. Ils avaient cru que la communauté internationale viendra de leur côté et leur arrachera leurs droits Ils sont morts dans l'attente de l'ange sauveteur qui n'est autre que vous cher lecteur de ce papier, mais certainement pas les Nations Unies.

Nous n'avons pas de doute concernant nos droits légitimes cependant nous avons besoin de voir des gens qui se mettent de notre côté et de nous épaulent. Nous avons besoin d'une grande campagne de solidarité et médiatique internationale pour briser le silence qui entoure notre cause et dépasser le silence ou la complicité des Nations Unies.

Les mois prochains seront décisifs pour notre cause. Faites quelque chose pour sauver les Sahraouis sinon ils seront tous enterrés dans le désert les uns après les autres. Si cela arrivait, le désert aurait certainement pour vous, qui avez pu voir et connaître de près les Sahraouis, leur générosité et leurs espoirs, un coucher de soleil bien moins romantique.

Le 14 Aout 2004

Hamdi Salek Allal
Wilaya de Aouserd


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