OPINION

 

L'alchimie du mensonge!!

Hafdallah Bouchraya Bachir
Chercheur au Centre des Recherches Africaines a la Sorbonne I.

 

Une semaine seulement après les événements du 11 septembre, avant même que la communauté internationale ne dresse le portrait du nouvel ennemi terroriste et redessine ainsi le nouveau paysage politique mondial, certains medias marocains ont immédiatement chercher ( et trouver comme par miracle !!) le lien entre le front Polisario et Oussama Benladen. L'une des accusations des plus invraisemblable étaient d'affirmer l'existence « d'une visite du chef d'al-Qaïda aux campements de réfugiés sahraouis l'été 2001 ». Cette rumeur n'a pas fait long feu et n'était guère sorti des pages intérieures de deux journaux marocains. Son énormité faisait rire plus d'un.

Nous constatons, cependant, que depuis le début de cette année les autorités marocaines ont été désavouées par le conseil de sécurité qui a validé, « le plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental » de James Baker en juillet 2003. Cela confirme un début d'isolement de ces mêmes autorités qui avaient déjà refusé trois plans de paix proposés précédemment par la communauté internationale. La ténacité de la résistance sahraouie à l'intérieur comme à l'extérieur du territoire et son attachement au droit à l'autodétermination ont mis en échec la stratégie marocaine. Cet énième échec a conduit les autorités marocaines à mener une campagne médiatique de diversion et de désinformation visant le front Polisario à laquelle la majorité de la presse marocaine a participer avec zèle et suivisme rares. Les autorités marocaines se sont même offertes les services d'un « intellectuel » français, M. Aymeric Chauprade, proche des milieux de l'extrême droite française pour étayer leur thèse du « Polisario proche d'al Qaïda ». Cela rappelle les liens douteux qu'entretenait Hassan II avec un certain Jean Marie Le Pen.

Cette campagne médiatique avait naturellement pour but de créer la confusion dans l'opinion international en inventant des liens entre l'organisation terroriste d'al-Qaïda et le front Polisario afin d'entacher la résistance du peuple sahraoui et lui coller l'étiquette de mouvement terroriste. Mais l'objectif principal de cette campagne consiste surtout à dévier le processus de règlement du conflit et à affaiblir la volonté de la communauté internationale dans sa recherche d'un règlement conforme au droit international qui reconnaît au peuple du Sahara occidental le droit à l'autodétermination. Droit, par ailleurs, inaliénable et imprescriptible.

L'histoire des campagnes de propagande marocaine dirigées contre le Polisario sont aussi vieilles que le conflit lui même et avaient constamment pour but la diabolisation du mouvement sahraoui. Ceux qui en suivent l'historique, ne manqueront pas de relever les flagrantes contradictions qui les caractérisent. Ces campagnes de propagande ont toujours été conçues de façon à laisser croire que le Front Polisario avait des complicités certaines avec le ennemi de l'occident le plus décrié du moment. Il devient ainsi l'autre face cachée de cet ennemi et sa liquidation devient par conséquent impérative et légitime. Voici, schématiquement, quelques exemples de ces campagnes de désinformation que certains avaient peut être oubliées :

A- le Polisario marxiste-léniniste (les années soixante-dix) : pendant cette période de guerre froide intense, le Maroc se présentait comme l'allié fidèle de l'occident. Pour gagner le soutien de celui-ci face à la guerre de libération que menait la résistance sahraouie, il n'y avait pas meilleure accusation contre le Polisario que de le qualifier de mouvement marxiste léniniste. On se souvient tous du visage ridicule de la presse marocaine qui n'hésitaient pas un instant d'affirmer que le Polisario n'est qu'un ramassis de vietnamiens, cubains et autres angolais qui cherchent à créer un Etat communiste à la solde de l'union soviétique au Sahara occidental.

B- le Polisario khomeyniste (début des années quatre-vingt) : au plus fort de la tension entre les Etats unis d'Amérique et l'Iran après la chute du régime du Chah et la crise autour des otages américains, les services secrets marocains et la presse marocaine n'ont pas hésité à mener des campagnes médiatiques communes qualifiant le Polisario de khomeyniste. Les voiles rouges communistes dans lesquelles on a voulu draper le mouvement sahraoui ont soudainement, par la magie de la propagande, laisser place aux voiles noirs khomeynistes.

C- le Polisario castriste (les années quatre-vingt-dix) : après l'effondrement de l'Union soviétique, le triomphe de l'occident et la domination de l'esprit de «la fin de l'histoire», il régnait une conviction générale que les régimes communistes étaient devenus anachroniques et vivaient dans une «autarcie destructrice et dangereuse» pour la sécurité internationale. Les autorités marocaines se sont empressées de classer le Polisario parmi «les restes néfastes du communisme» car elles voyaient se profiler à l'horizon un plan de paix dont l'ONU était déterminée par le mettre en oeuvre.

D- le Polisario affilié à al Qaïda : dans le contexte de l'après 11 septembre et la déclaration de la guerre contre le terrorisme, l'éradication d'al-Qaïda et toute autre mouvement terroriste est devenue la priorité absolue de la communauté internationale. Là encore l'instinct maladif d'éradiquer le mouvement sahraoui a conduit les autorités marocaines à mener une nouvelle campagne transformant subitement le Polisario de «débris qaïdistes» après avoir été des «débris communistes» !

Toutes ces propagandes obsessionnelles peuvent faire gagner quelques points au régime marocain dans sont inutile combat visant à barrer la route aux aspirations légitimes du peuple sahraoui mais cachent mal une autre réalité amère à savoir que le Maroc est atteint par le radicalisme religieux, exporte le terrorisme et perçu par bon nombre d'experts comme une véritable poudrière, notamment après les attentats du 16 mai à Casablanca et ceux du 11 mars à Madrid.

Toutes ces propagandes, concoctées laborieusement dans les officines de désinformation du Makhzen sont entachées de contradictions énormes. Par quel magie le mouvement sahraoui pouvait radicalement et constamment muté du marxisme-léninisme au khomeynisme, du guévarisme au benladennisme !?

Ce changement substantiel et constant ne peut se concevoir que grâce à une étrange alchimie. C'est l'alchimie du mensonge qui n'a en réalité aucune crédibilité auprès des gens sérieux. Seuls la MAP et les quelques journaux marocains en sont des véritables laboratoires.

27 juillet 2004


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