OPINION

 

Quoi Négocier et pourquoi ?

Par Baba M. Sayed

Le 31 octobre 1975, le Royaume du Maroc a engagé une implacable course contre le temps pour « maintenir sous tutelle » le peuple sahraoui et l’empêcher, coûte que coûte, de disposer librement de son avenir.

Avec le soutien actif des puissances occidentales, et notamment des États unis d’Amérique et de la France, Hassan II n’a pas éprouvé de grandes difficultés à amener l’Espagne, l’ancienne puissance coloniale du Sahara Occidental, et la Mauritanie de Mokhtar ould Daddah à accepter de barrer avec lui le chemin de la libération au peuple sahraoui. D’où la signature des infâmes Accords tripartites de Madrid le 14 novembre 1976 qui stipulent, entre autres, le partage de l’ancienne colonie espagnole et de son peuple comme un troupeau de moutons.

Parallèlement aux intenses efforts diplomatiques menés, à l’échelle de la planète, pour « convaincre », les États et les forces politiques qui peuvent l’être du bien fondé de son entreprise coloniale, le Makhzen a cru pouvoir imposer au plus vite sur le terrain, avec le soutien résolu et généreux de ses alliés Américains et Français, son fait accompli militaire au Sahara Occidental. 

La suite nous la connaissons. Sur le plan politique et diplomatique, aucun pays n’a reconnu officiellement la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental et sur le plan militaire, l’armée marocaine, ensablée dans l’une des dernières guerres coloniales, n’a pu préserver son existence en tant que corps que grâce aux murs de défense érigés, en toute hâte, sur les vifs et impérieux conseils des généraux israéliens…

Mesurant à sa juste valeur la gravité de la situation et ses potentielles graves conséquences sur la stabilité et la santé de la monarchie, Hassan II décide d’explorer, toujours avec l’appui et le soutien de ses sempiternels alliés Français et Américains, d’autres voies que celle de la force brute pour « se débarrasser » d’un conflit qui commence à évoluer hors de sa maîtrise…

De puissance occupante, Hassan II a réussi avec ses contacts et prises de position à Nairobi à faire accepter son pays dans le lexique des organisations internationales comme l’autre partie prenante du conflit. En acceptant, du moins officiellement, le principe d’un référendum qu’il voudrait toutefois confirmatif de la marocanité du Sahara Occidental, le Royaume du Maroc est arrivé en peu de temps à desserrer la corde de la pression intérieure et internationale autour de son cou…

Sans jamais se départir de sa position de principe sur la nature du référendum qui devrait, selon lui, être confirmatif de « la marocanité du Sahara Occidental », Hassan II et Driss Basri, son homme à tout faire, décident d’ouvrir des discussions, parfois « privées » et parfois sous l’égide des Nations unies, avec le Front Polisario. Ces discussions ont porté, de manière générale, sur les modalités d’un « indéfinissable processus » que les uns considèrent comme une simple formalité devant confirmer « la marocanité » du Sahara Occidental et que les autres supposent être la dernière séquence programmée d’un inéluctable processus de décolonisation…

Malgré les difficultés et les embûches, le Front Polisario est arrivé non seulement à « encourager » le Maroc à arrêter avec lui, sous les auspices des Nations unies, les modalités précises du référendum mais aussi à amener ce dernier à considérer l’organisation du référendum d’autodétermination comme la seule et unique possibilité de mettre fin, d’un commun accord, au confit.

En un tour de passe passe, le Front Polisario est arrivé, contre toute attente, à piéger le Maroc et ses puissants alliés Français et Américains : devant une opinion marocaine médusée, les véhicules des Nations unies, drapeaux déployés au grand vent, apportent la preuve tangible et irréfutable qu’après trente ans de guerre, le Sahara Occidental n’est pas, loin s’en faut, devenu pour autant « marocain ». Quelques mois après le déploiement de la MINURSO, les territoires sahraouis sous occupation marocaine s’embrasent. Partout dans les zones occupées de la RASD, les citoyennes et citoyens sahraouis revendiquent leur appartenance au F. Polisario et leur détermination de lutter pour l’indépendance du Sahara Occidental…

Devant une telle situation, le roi a été nu et son régime exposé à de sérieux et multiples dangers.
Le Front Polisario a réussi à transformer sa faiblesse en force indéniable

Que faire pour le sauver ?    
Les alliés du Royaume, notamment les Américains et les Français, ne trouvent rien de mieux pour requinquer le régime marocain que d’essayer, sous le prétexte que l’une des parties, en l’occurrence le Maroc, refuse d’honorer ses engagements, que d’essayer d’obliger le Front Polisario à se faire hara-kiri. Car, faut-il y insister, toute nouvelle négociation du cadre de la solution du problème ou des modalités de l’organisation du référendum ne peuvent que se traduire par de nouvelles concessions de la part du Front Polisario. Et toute concession supplémentaire ne peut que nous éloigner un peu plus de la perspective de l’organisation d’un référendum d’autodétermination, libre, régulier et transparent, et partant nous rapprocher, irrésistiblement, d’une triste et tragique fin en tant que peuple.

14.06.07


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