N O U V E L L E S

S A H R A O U I E S

BULLETIN du COMITE SUISSE DE SOUTIEN AU PEUPE SAHRAOUI
Nouvelles Sahraouies , No 119, février 2006

Claude Bontems est professeur à la Faculté de Droit de l'université de Sceaux. Il est l'auteur de « La guerre du Sahara occidental », paru en 1984. Il nous livre ici un impressionnant raccourci historique du conflit tout en jugeant de façon pessimiste les perspectives d'application du droit international.

 

La décolonisation inachevée : le Sahara Occidental.

Les limites du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes

Professeur Claude BONTEMS

Vers la fin des années cinquante, au vingtième siècle, un grand courant de liberté traverse la planète, il aboutit au démantèlement des grands empires coloniaux et à l'adoption solennelle des principes devant régir les processus de décolonisation (Nous faisons allusion ici aux deux célèbres résolutions 1514 (XV) et 1541 (XV) adoptées par l'ONU en 1960).

Ne nous laissons pas leurrer, si nombre d'État saluèrent cette mesure comme un progrès dans l'humanisation des relations internationales, pour d'autres, il s'agissait surtout d'abattre un obstacle de taille dans la marche vers leur hégémonie économique.

Un territoire entrait, comme tant d'autres, dans le cadre de ce processus de décolonisation, il s'agit du Sahara qui à l'époque s'appelait espagnol. Territoire peu peuplé, parfaitement délimité et recélant d'importantes richesses, il devint, à ces trois titres, un territoire convoité, en particulier par son voisin immédiat : le Maroc.

À trois reprises, le Sahara Occidental frôla l'indépendance. En 1974, son colonisateur, l'Espagne, fit part de son intention d'organiser un référendum d'autodétermination et d'indépendance. Le Maroc riposta par la demande de saisine pour avis de la Cour Internationale de Justice de La Haye et par le lancement de la célèbre « Marche Verte » en 1975. En 1984, après son admission à l'O.U.A. et son retrait volontaire, le Sahara voyait l'organisation régionale africaine organiser à son profit un véritable plan de paix qui reposait sur trois principes très simples : cessez-le-feu, négociations entre les deux adversaires (Sahara Occidental et Maroc), organisation d'un référendum d'autodétermination et d'indépendance libre de toute contrainte administrative et militaire. Par son refus de participer effectivement aux négociations, le Maroc paralysa la mise en œuvre de ce plan de paix. En 1988, le Secrétaire général de l'O.N.U., Perez de Cuellar pensa qu'il était possible de passer outre à la passivité du Maroc.

Le pensa-t-il réellement ? C'est possible. Voulut-il se livrer à une démonstration par l'absurde qu'il était impossible d'accorder au Sahara Occidental son indépendance ? C'est tout aussi possible ; de même, également, qu'il est possible qu'il ait entendu donner du temps au Maroc, qui, à l'époque, se trouvait dans une situation critique sur le plan international, ayant lassé ses principaux protecteurs.

Perez de Cuellar décida de lancer le processus référendaire sans l'accord préalable du Maroc et, pour ce faire, il fit adopter le principe de la MINURSO (Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara Occidental).

Cette initiative qui perdure, qui a soulevé maints et maints espoirs, maintes et maintes déceptions, nous permet de fixer les limites du droit des peuples à l'autodétermination. La décision de Perez de Cuellar constitue un échec catastrophique. En quinze ans, aucun progrès n'a réellement été accompli. Le Front Polisario, de concession en concession, a davantage perdu du terrain qu'il n'en a gagné. L'indépendance n'existera que pour autant que les grandes puissances auront la volonté de faire pression sur le Maroc afin de contraindre ce dernier à l'accorder aux Sahraouis. Ainsi, un référendum n'a d'autre valeur que de confirmer, de légaliser ce dont les protagonistes ont convenu. Un référendum ne crée pas l'indépendance, il ne fait que confirmer l'accord préalablement intervenu entre puissance colonisatrice et pays colonisé. Faute de cet accord, volontaire ou imposé, un référendum ne peut avoir lieu. C'est ce que nous enseigne, hélas, l'histoire du Sahara Occidental. Les grands principes du droit international public n'existent que dans la mesure où ils sont sous-tendus par la volonté des États capables d'en imposer le respect, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. En l'état actuel de la situation, le peuple sahraoui est condamné à continuer de vivre écartelé entre l'exil et l'occupation marocaine et à attendre un hypothétique retournement de la situation internationale, à vivre comme les peuples kurde ou basque, ou bien à accepter l'association avec le Maroc et à « bénéficier » d'une autonomie plus ou moins large au sein d'une souveraineté marocaine.

S'il est exact que le Maroc a beaucoup investi dans ce qu'il appelle ses provinces sahariennes, il n'en demeure pas moins que ses investissements n'ont en rien profité à la population sahraouie qui est demeurée sur son territoire. Par ailleurs, la population qui vit dans les camps de réfugiés de la région de Tindouf est devenue la victime du succès de sa gestion par le Front Polisario. Les efforts de scolarisation, de maintien d'un système de santé particulièrement efficace ont porté leurs fruits : une population alphabétisée à un haut niveau ne peut se contenter pour tout avenir d'une existence dans des camps de réfugiés. Elle a perdu cette mentalité de réfugié, elle aspire à une existence normale, supérieure à celle qui lui est proposée, d'autant plus que les aspects militaires ne jouent désormais qu'un rôle tout à fait secondaire dans l'affaire du Sahara Occidental

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