Révolte des Sahraouis - Revolt of the Saharawis - Revuelta de los Saharauis

Bagnolet le 3 Août 2005

Sa Majesté Mohamed VI
Roi de Maroc
Palais Royal
Rabat
Maroc

 

Majesté,

Ce jour doit comparaître devant le Tribunal de Dakhla le jeune HAMMIA HAMDI MOUSSA.

J'ai rencontré ce jeune homme le 2 novembre 2002 à Dakhla où il m'a raconté sa longue quête de vérité. Ce jeune homme n'avait pas atteint sa première année quand son père, Ahmed HAMMIA a été arrêté le 14 novembre 1980 alors qu'il gardait le camps de Bir Enzaran en tant que membre des forces auxiliaires de l'armée marocaine dans laquelle il avait été enrôlé. Après 7 mois passés dans la prison de Dakhla il a été transféré à Casablanca où il est resté quelques mois avant d'intégrer le bagne secret de Galaat M'Gouna où ses compagnons l'ont entendu longuement gémir et délirer avant de mourir. La famille n'a jamais obtenu de certificat de décès alors qu'elle possède un journal marocain indiquant son nom parmi les personnes décédées durant leur détention.

Ahmed HAMMIA a été élevé par sa grand-mère avec son cousin dont le père a également disparu. Depuis son adolescence, ce jeune homme n'a de cesse d'obtenir des autorités marocaines la vérité sur le sort de son père, et c'est tout à fait à son honneur. C'est ce qui l'a amené dans la dernière période à être arrêté à l'issue de la manifestation du 26 juin 2005 violemment réprimée par la police qui tente d'intimider la population sahraouie par les menaces de viols et violences. Vous devez savoir que les passages à l'acte ne tardent pas à suivre les paroles. Ainsi le jeune homme a-t-il été arrêté par le commissaire divisionnaire de la police de DAKHLA dans la rue, en début de matinée du 19 juillet 2005 et emmené au commissariat de police où il a reçu des menaces précises de mort, de viols sur sa famille s'il ne cessait pas ses activités militantes. Il a été remis en « liberté » mais il fut de nouveau arrêté le soir, à 18H20, avant même que la manifestation annoncée ne commence. Il a été gardé au commissariat de police jusqu'au lendemain 20 juillet 2005 14H30 ou il a été transféré directement au tribunal de première instance de la ville. Au cours de la nuit de garde à vue il a été insulté et battu par des membres de la Compagnie Mobile d'Intervention CIM en présence des responsables des Renseignements Généraux, de la DST et du commissaire divisionnaire de police, EL AARBI HARIZ qui m'a été cité comme tortionnaire par de nombreuses personnes qui sont passées entre ses mains durant les trente années d'exercice d'activités au Sahara Occidental.

Ces méthodes musclées ont conduit le jeune homme au cours de la nuit a signer sous la contrainte, trois procès verbaux différents successifs rédigés par la police sans en connaître leur contenu qui vont servir de « preuves » aujourd'hui au tribunal.

Majesté, vous avez exprimé l'idée d'une réconciliation avec les victimes de la répression des années noires qu'a connu le royaume de votre père. La meilleure façon d'y parvenir, avec les population sahraouies, c'est d'une part de cesser de perpétuer des méthodes qui ont prouvé leur inefficacité sur leurs revendications. C'est d'autre part de permettre ce qui est inéluctable à terme : l'organisation d'un référendum d'autodétermination libre et sans contrainte, sous l'égide de l'ONU.

Dans l'immédiat, c'est de mettre un terme aux violences auxquelles se livrent quotidiennement en votre nom, les divers corps de police et de libérer les prisonniers politiques sahraouis.

Ainsi pourrez-vous démontrer la modernité dont vous souhaitez marquer votre règne, ce qui est incompatible avec des événements qui ne peuvent de nos jours rester cachés derrière le mur du silence qui tombe de jour en jour en brèche.

Permettez aux peuples marocain et sahraoui de vivre en voisins et frères, c'est ainsi que vous marquerez positivement l'histoire du Maghreb.

Recevez, Majesté, l'expression de mes salutations respectueuses.

Michèle DECASTER

Membre du Secrétariat de l'AFASPA

 


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