Le roi Hassan II du Maroc sera à Paris les 6 et 7 mai
prochains pour une visite de travail. Annoncé pour novembre
1995, ce voyage officiel avait été reporté en
raison de l'aggravation de l'état de santé du souverain
marocain. Cette rencontre entre le souverain marocain et le
président français, est donc attendue, de longue
date.
L'excellence des rapports qu'entretiennent le président
Jacques Chirac et le roi du Maroc, place la France aujourd'hui dans
une position de choix; le président français devrait
jouer le rôle médiateur, attendu par la
communauté internationale, pour amener Rabat à
réviser sa politique quant au règlement de la question
du Sahara occidental - incertitude qui nous
préoccupe avant toute autre.
L'occupation artificielle du territoire sahraoui demande au Maroc un
effort qu'il ne peut fournir sans gravement hypothéquer son
propre développement et menacer les intérêts,
notamment français, dans le pays. L'état de
santé critique du souverain marocain, la crise
généralisée qui submerge le Maroc,
l'instabilité politico-militaire de la région
aggravée par l'échec du plan de règlement de
l'ONU et de l'OUA presque consommé, sont autant de facteurs
qui devraient amener le Maroc à opter pour une solution sage:
se débarrasser du Sahara Occidental.
Le roi Hassan II dont l'intelligence politique est
réputée, saura-t-il saisir cette occasion pour trancher
le nud gordien ? Le geste est urgent et crucial.
Je crois qu'il est temps de se souvenir qu'à Marrakech, le 4
janvier 1984, le roi Hassan II nous disait qu'il ne laisserait pas le
conflit du Sahara Occidental sur les bras de son héritier. Il
est donc fort probable qu'il veuille lui-même refermer le
dossier qu'il a ouvert.
Que la guerre reprenne et le risque est grand qu'elle survive au roi
malade.
Or justement, les sahraouis sont de plus en plus nombreux à ne
voir d'autre issue que la reprise des combats. Ils se sentent trahis
et déçus, honteux de cet excès d'optimisme qui
leur avait fait accepter le cessez-le-feu en contrepartie d'une
simple attestation de bonne foi. Ils ont cru dans le
déroulement sans détour du plan de paix pour le Sahara
occidental. Aujourd'hui, ils disent avoir péché par
excès d'optimisme et paient cette erreur: le temps perdu, le
relâchement général, l'isolement
médiatique Parallèlement, le Maroc renforce
tranquillement ses positions militaires, sous le nez des observateurs
impassibles de la Minurso.
Mais qui veut la guerre? Aucun sahraoui ne souhaite se voir
réduit à cette dernière extrémité,
cette sombre perspective n'enchante personne. La fin du règne
de Hassan II approchant inquiète d'autant plus qu'elle arrive
alors qu'il y a encore tout à faire La paix actuelle n'est pas
la Paix. Le Grand Maghreb n'est pas construit.
Il y a un avenir à préparer pour que le Maghreb puisse
affronter les défis du XXIe siècle Cet avenir,
préparons-le ensemble! Ayons le courage de faire la paix et de
la maintenir. Ayons la volonté de nous réconcilier et
de faire-valoir notre complémentarité.
Il faut donner à chaque peuple sa place dans l'édifice
maghrébin, à commencer par le peuple sahraoui, et faire
en sorte que tous les partenaires de la région sortent
gagnants -y compris la France- de cette affaire.
Et les frères-ennemis d'hier deviendraient les
frères-amis de demain...
Fadel ISMAÏL.
Le Président Jacques Chirac, récemment à
Beyrouth, a insisté sur la "vocation" de la France à
"être un acteur important dans l'élaboration d'une
grande politique méditerranéenne, tendant à
développer dans l'ensemble du pourtour
méditerranéen une zone de paix, de liberté de
développement et de stabilité".
Nous nous félicitons de cette déclaration. cependant,
on ne saurait réaliser la paix au Maghreb tant que le
problème du Sahara Occidental demeure. Aujourd'hui, le plan de
règlement de l'ONU et de l'OUA est en train d'échouer.
D'ailleurs, la mission des Nations Unis pour l'organisation du
référendum d'autodétermination au Sahara
Occidental (MINURSO) a réduit de moitié les effectifs
de la commission d'identification des électeurs et ceux de la
police civile.
L'ONU semble jeter l'éponge tandis qu'aucune volonté
politique n'a été mise en uvre pour appliquer ce plan
de paix, d'autre part, continuer à considérer le Maroc
comme l'"îlot de stabilité" de la région n'est
pas réaliste. Ce pays s'essouffle dans l'effort à
fournir pour maintenir artificiellement le Sahara Occidental sous son
contrôle. La crise s'y généralise et ouvre la
porte à toutes les incertitudes.
La République sahraouie, soucieuse de voir la paix et la
stabilité s'établir y compris au Maroc, appelle la
France à oeuvrer dans ce sens. Tandis que la guerre menace de
reprendre, nous espérons beaucoup de cette volonté de
la France, de replacer les relations franco-maghrebines dans un cadre
nouveau, plus à même de garantir la stabilité de
la région.
Robert Pelletreau, le secrétaire d'Etat américain
adjoint chargé du Proche-Orient, est venu délivrer un
"message officiel" du président américain Bill Clinton
au président algérien Liamine Zeroual, les 18 et 19
mars à Alger. Cette visite a été saluée
par le président de la République algérienne
comme une "normalisation à haut niveau" des relations entre
les deux pays.
Trois jours après la signature d'un contrat pétrolier
d'un milliard de dollars entre la compagnie algérienne
Sonatrach et la compagnie américaine ARCO pour l'exploitation
d'un gisement de pétrole à Khourd El-Baguel, la venue
du secrétaire d'Etat américain adjoint à Alger
montre la nouvelle vigueur des relations entre les deux Etats.
Si Philippe Seguin s'est dit soucieux d'unité
maghrébine à Rabat le 2 mars dernier, Paris aura, quant
à elle, mené une politique séparatiste marquant
clairement ses préférences pour le Maroc et la Tunisie
au détriment de l'Algérie. Le président Jacques
Chirac réservait à Rabat ses premiers pas de chef
d'Etat sur le continent africain, en juillet 1995, les bras
chargés des meilleures intentions. La Tunisie recevait elle
aussi son "enveloppe" et les compliments du président
français, à Tunis, en octobre 1995.
Paris boudait Alger malgré l'urgente nécessité
qu'un dialogue s'établisse entre le gouvernement
algérien et la France, profondément touchée par
la crise algérienne. Aussi les relations de la France avec
l'Algérie, pour être "normales" selon un
porte-parole du ministère des affaires
étrangères français, attendent d'être
elles aussi renforcées par une visite de M. de Charette qui
semble n'avoir pas encore arrêté de date. Le
président de l'Assemblée nationale est-il le seul
officiel français à s'être rendu en
Algérie depuis l'élection, en novembre 1995, du
président Liamine Zeroual.
En conséquence, la France apparaît
reléguée au second plan des tractations
économiques auxquelles se livrent les compagnies
étrangères sur le marché des hydro-carbures
algériens. Selon le quotidien algérien Liberté
(4/1/96) "L'Italie pourrait ravir à la France la place de
premier partenaire commercial de l'Algérie".
En effet le groupe pétrolier et gazier italien ENI
prévoit des investissements pour un montant approchant les 3,5
milliards de dollars au cours des quatre prochaines années en
Algérie et en Egypte (AFP). Le lendemain d'une rencontre entre
M. Werner Hager, le secrétaire d'Etat allemand aux Affaires
étrangères, et le président algérien
Liamine Zeroual, les deux pays ont également signé, en
Algérie, le 13 mars dernier, un accord portant sur
l'encouragement et la protection mutuelle des investissements (AFP).
La banque espagnole Banesto vient, elle aussi, d'accorder un
prêt, à 7% sur dix ans, de 156 millions de dollars
à la Sonatrach pour lui permettre d'investir en biens de
services espagnols.
C'est en marge des cérémonies à la
mémoire de François Mitterrand, que M. de Charette, le
chef de la diplomatie française a enfin rencontré son
homologue algérien, Ahmed Attaf à la mi-janvier. Ces
discussions concluant au "respect mutuel, la non-ingérence
dans les affaires du voisin, l'amitié et la
coopération" ont un peu apaisé le choc provoqué
en Algérie par la déclaration que fit Jacques Chirac au
lendemain du "rendez-vous manqué" avec Liamine Zeroual en
octobre 1995, de "proportionner son aide" à l'Algérie
à la mesure de ses progrès démocratiques (Le
Monde 24/1/96).
Henri BROUST.
Lors d'une conférence tenue à Alger, le 20 mars,
Robert Pelletreau disait aux journalistes de la radio Sahrarouie
l'impatience des Etats Unis de voir respectées les
résolutions de l'ONU sur le Sahara Occidental (l'OEil du
POLISARIO, N°2, mars 1996) .On se souvient des conseils
délivrés par M. Pelletreau à Rabat, le 11
décembre 1995, de considérer avec attention la
"réémergence" politique et économique de
l'Algérie. Lourde de sens, cette remarque faisait suite au gel
des activités de l'UMA préconisé par le Maroc en
réponse à l'intervention de l'Algérie devant le
Conseil de Sécurité de l'ONU, en décembre
dernier, pour marquer sa désapprobation quant au contenu du
rapport du secrétaire général Boutros
Boutros-Ghali sur la situation au Sahara occidental (S.1995.986). A
ce propos M. Pelletreau avait précisé à ses
interlocuteurs marocains que les Etats-Unis souhaitaient " que le
référendum sur le Sahara puisse être
considéré comme légitime et non pas
manipulé et pour cela il serait évidemment
préférable que toutes les parties concernées
soient d'accord sur les conditions dans lesquelles celui-ci se
déroulera".