[archives arso, publication papier 1994]

Reflets de l'actualité au Sahara Occidental - juillet 1994
 

8.7. Une amnistie bien sélective
Le roi du Maroc, dans un discours à l'occasion de la Fête de la Jeunesse, reconnaît l'existence de prisonniers politiques au Maroc. Il annonce sa décision «de tourner définitivement la page» afin de mettre fin «aux critiques tendancieuses». Hassan II charge le CCDH (Conseil consultatif des droits de l'homme) de lui fournir la liste la plus complète possible des détenus d'opinion, «étant entendu que quiconque ne reconnaît pas la "marocanité" du Sahara occidental ne peut en aucun cas figurer sur cette liste».
Deux listes comprenant en tout 424 personnes ont été établies par le CCDH et ratifiées par le roi. Selon cet organisme, onze personnes étaient des "politiques", celles figurant sur l'autre liste n'étant que «des personnes condamnées dans des événements douloureux» (le Maroc a toujours refusé d'admettre l'existence de prisonniers politiques dans ses prisons !).
Des dizaines de personnes, entre autres des islamistes, n'ont pas été libérées. La situation des exilés politiques reste confuse. Les "disparus" ne sont aucunement évoqués, en particulier les centaines de "disparus" sahraouis. Le Front Polisario, les organisations marocaines de défense des droits de la personne ainsi qu'Amnesty International ont protesté contre le caractère sélectif et arbitraire de cette mesure.

12.7.1994 Rapport du Secrétaire général de l'ONU au Conseil de Sécurité (S/1994/819)
Selon ce rapport l'élément militaire de la MINURSO comprend actuellement 242 personnes chargées de la surveillance du cessez-le-feu ainsi que 26 policiers membres de la police civile. La commission d'identification a poursuivi son travail: début juillet 76'000 électeurs potentiels s'étaient inscrits, 55'000 formulaires ayant été recueillis dans le Territoire, 18'000 dans les camps de réfugiés de la région de Tindouf et 3'000 à Zoueratt. Leur identification n'a pas débuté le 8.6. comme prévu, «la question (plutôt marginale selon Boutros-Ghali) de la désignation des observateurs de l'OUA» n'ayant pu être réglée à temps. On remarquera que l'attitude du Maroc n'est en rien condamnée voire même critiquée par Boutros-Ghali.
L'identification des électeurs potentiels se déroulera en présence des chefs de tribus (chioukhs), d'observateurs des deux parties et de l'OUA. Le Maroc veut que le président en exercice de l'OUA désigne personnellement comme observateurs deux représentants qui ne soient pas des hauts fonctionnaires de cette organisation. Iil y a une année deux hauts fonctionnaires de l'OUA avaient été désignés par le président en exercice de l'organisation africaine comme observateurs de la commission d'identification. Le Maroc a attendu jusqu'en juin pour faire connaître son opposition...

Dans le cas où le Conseil de sécurité décidait la tenue du référendum, le Secrétaire général propose un nouveau calendrier vu le retard pris encore une fois par l'identification: le 31.8.94 sera la date limite pour la réception des demandes d'inscription des électeurs. Boutros-Ghali souligne qu'il aura besoin d'au moins 40 équipes de 3 ou 4 membres chacune pour pouvoir achever l'identification en temps voulu. Le «Jour J» est fixé au 1.10.94. Le retrait partiel de l'armée marocaine du Territoire et les travaux de la commission d'identification doivent être terminés le 15.12.94. Le début de la campagne référendaire aura lieu le 25.1.95, coïncidant avec la fin du rapatriement des votants. Enfin le référendum est prévu pour le 14.2.95.

17.7.1994 La réaction du Front Polisario
Dans une lettre adressée au président du Conseil de sécurité les autorités sahraouies clarifient les choses et relèvent le rôle ambigu du Conseil de sécurité et du Secrétaire général de l'ONU. Elles constatent que le processus d'identification a été retardé «à cause du veto imprévu et injustifié» du Maroc à la participation des observateurs de l'OUA. Elles estiment que «le rapport se limite seulement à refléter la position du Maroc». Elles soulignent que la République sahraouie est membre de l'OUA et que les arguments du Maroc sont faux. La question des observateurs de l'OUA n'est pas un aspect marginal: l'intervention du Maroc dans le processus de désignation de ces observateurs signifie que le Maroc peut modifier à sa guise un Plan de paix pourtant garanti par le Conseil de sécurité et le Secrétaire général de l'ONU. Pour la première fois officiellement le Front Polisario émet des doutes sur leur rôle et leur demande solennellement de préserver l'intégrité du Plan.

29.7.1994 Au Conseil de sécurité
Le Conseil veut attendre le prochain rapport du Secrétaire général fin août pour se prononcer sur l'organisation et le calendrier du référendum. Il approuve l'intention de la commission d'identification de fixer au 31.8.94 la date limite pour la réception des demandes d'inscription des électeurs.

Des questions en suspens
Selon le dernier rapport du Secrétaire général le plan de paix semble sortir de l'impasse. Plusieurs questions restent selon nous en suspens.
Le Conseil de sécurité n'a pas suivi Boutros-Ghali: il n'a pas décidé la tenue du référendum selon le calendrier proposé. Le Front Polisario a en effet maintenu ses réserves sur certains critères d'identification des électeurs. Prudent, le Conseil veut attendre la fin de l'inscription des possibles électeurs pour se prononcer. Fin août, on y verra plus clair. Mais le manque de fermeté de l'organisme international face à l'arrogance marocaine dans la question des observateurs de l'OUA montre, encore une fois, son manque de détermination (ou sa compromission ?) face au Maroc. Mais encore: le rapport ne mentionne pas les dizaines de milliers de Marocains déplacés au Sahara occidental après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu. Ce déplacement de population non identifiée, jamais condamné par l'ONU, a pour but de fausser le référendum. M. J. Manz, l'ancien représentant spécial, l'avait bien compris puisqu'il démissionna, estimant inutile de poursuivre sa tâche dans de telles conditions. Resteront-ils sur place lors de la votation ? Leur présence permettra-t-elle une campagne électorale honnête ?

D'autres points d'interrogation subsistent. Les Sahraouis des territoires occupés peuvent-ils s'inscrire sur les listes électorales en toute liberté ? Pourquoi ces territoires restent-ils fermés aux journalistes étrangers et aux observateurs indépendants ? Comment se fera l'inscription des prisonniers de guerre et des détenus politiques, leur libération n'étant prévue qu'après le «Jour J» et donc après la clotûre des listes électorales ? Comment s'effectuera le rapatriement des personnes autorisées à voter ? etc.


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