Le Sahara Occidental n'est pas à vendre

Christiane Perregaux, Comité suisse de soutien au peuple sahraoui

Le jour de sa réélection comme Secrétaire général de l'ONU, ce 29 juin, Kofi Annan propose au Conseil de sécurité un projet cadre qui trahit le peuple sahraoui et nie tout simplement le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. De quoi s'agit-il ? Sous les termes alambiqués de l'écriture onusienne, il est question d'accepter l'occupation coloniale marocaine du Sahara occidental, d'installer le peuple sahraoui dans une situation de dépendance totale vis-à-vis du gouvernement marocain, de remettre le référendum d'autodétermination aux calendes grecques. Tous les ingrédients réuni pour développer la violence et la guerre dans la région.

Décidément, l'élection ou le changement du Secrétaire général de l'ONU correspondent à des jours noirs pour le peuple sahraoui. En 1991 déjà, quelques heures avant de quitter sa charge, Perez de Cuellar avait élargi la règle du jeu établie pour identifier les Sahraouis qui pourraient voter pour exprimer leur volonté d'indépendance ou de rattachement au Maroc. Ce coup de dé a creusé l'impasse actuelle. Perez de Cuellar s'était pourtant engagé dans la réalisation d'un plan de paix onusien devant mettre fin à la guerre entre le Maroc et le Front Polisario. Rappelons que ce conflit oublié a été déclenché en 1975 par l'occupation du Sahara Occidental par le Maroc, suite au départ irresponsable du colon espagnol.

Quittez les campements de réfugiés où la vie est de plus en plus précaire, dit en substance au peuple sahraoui le nouveau projet onusien adopté par le Conseil de sécurité le 29 juin, retournez au Sahara occidental, libérez les prisonniers de guerre qui sont chez vous parfois depuis plus de 20 ans et contentez-vous d'un parlement et d'une justice alibi, tout le reste est assuré par la Maroc.

Accueillant Maroc où des cohortes de politiciens &endash; français surtout - aiment à se rendre pour jouir des délices offerts par le roi. Amical Maroc, qui fait perdre aux puissants le sens de leurs responsabilités. Pourtant le Sahara occidental n'est pas à vendre. Il est à décoloniser. Brave Maroc qui garde embastillés, à quelques tours de moteur des cars de touristes, des centaines de disparus sahraouis dont il nie l'existence. Comme il a nié précédemment le bagne de Tazmamart. Comme il nie la détention de prisonniers politiques sahraouis pour les reléguer dans le lot des droit communs. Brave Maroc qui arrête et interdit de sortie des témoins gênants de violations des droits de l'homme au Sahara Occidental, confisque le matériel qui devait être montré à Genève, à la Commission des droits de l'homme en mars 2001. C'est à ce Maroc là que l'ONU propose de livrer le Sahara Occidental.

On ne répétera jamais assez quelle confiance le peuple sahraoui a mis dans l'ONU dès la fin des années 80. Pour lui, cette organisation était dépositaire d'une résolution juste du conflit qui passait par l'organisation d'un référendum d'autodétermination. Du fait même de sa Charte et des positions claires de sa Commission de décolonisation prises en 1975 déjà, l'ONU garantissait au peuple sahraoui son droit à l'autodétermination et l'exécution d'un plan de paix sur lequel le Maroc et le Front Polisario s'était mis d'accord en 1988.

Le peuple sahraoui n'est même plus cité en tant que peuple dans le rapport du Secrétaire général du 29 juin. Ils sont pourtant sahraouis ces réfugiés qui vivent depuis plus de 25 ans l'exil et la précarité. Ils sont toujours sahraouis ces jeunes des zones occupées du Sahara Occidental qui vont peut-être se livrer à de nouvelles formes d'intifada comme ils ont déjà su le faire malgré une répression terrible. C'est dans un huis clos insoutenable que le peuple sahraoui vit aujourd'hui sa douleur et sa colère. La question est de savoir jusqu'à quand et jusqu'où la trahison onusienne pourra se consommer dans l'indifférence générale.

Publié dans La Tribune de Genève le 04.07.01.


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