Rapport OMDH

ORGANISATION MAROCAINE DES DROITS DE L'HOMME

RAPPORT ET OBSERVATIONS SUR LE PROCES DU 21 JUIN 1995 DEVANT LE TRIBUNAL PERMANENT DES FORCES ARMEES ROYALES

Le 5 juin 1995, ont comparu devant le Tribunal permanent des Forces Armées Royales, huit jeunes étudiants et chômeurs domiciliés à LAAYOUNE sous l'inculpation d'atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat. Le dossier a été renvoyé pour permettre la désignation d'avocats pour assister les poursuivis au titre de l'assistance judiciaire.
Le 21 juin, l'audience a repris à huis clos par décision du tribunal qui a invité les journalistes présents à quitter la salle. Etaient présents outre les inculpés et leurs avocats, trois observateurs: Maîtres SEFIANI Khalid, MAADANI Abderrahim pour l'O.M.D.H. et Maître ARAHMOUCH Ahmed pour l'A.M.D.H. Il ressort du rapport préparé par les observateurs de l'Organisation Marocaine des Droits de l'Homme ce qui suit:
D'après les faits rapportés par le procès-verbal de la police judiciaire et qui ont été évoqués par le tribunal lors de l'interrogatoire des poursuivis, ces derniers auraient organisé le 11 mai l995 à LAAYOUNE, une manifestation mettant en cause l'intégrité territoriale du pays. Cette manifestation aurait été préparée lors de réunions tenues dans les domiciles de certains d'entre eux. Des papiers manuscrits et des drapeaux du Polisario auraient été saisis. Les inculpés ont nié les faits en déclarant qu'ils ont subi un mauvais traitement après leur arrestation. L'interrogatoire a duré une heure environ. Pendant 40 minutes, le procureur a présenté son réquisitoire fondé sur les éléments du procès verbal de police judiciaire, affirmant que les faits constituaient une atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat. Il a requis le maximum de la peine contre quatre inculpés et 15 ans contre les autres. Les avocats de la défense ont évoqué l'état dans lequel les inculpés ont été amenés au tribunal: yeux bandés, mains menottées et transportés de LAAYOUNE à RABAT dans des conditions inhumaines. lls ont demandé que le tribunal ne prenne en considération que les éléments ressortant des débats à l'audience et prononce l'acquittement des poursuivis. Après 50 minutes de délibération, le tribunal militaire a condamné les poursuivis: LEMBARKI Ahmadou, DAHOU El Mahfoud, NlSSAN Marabih Rabou, LAKEHAL Abdehai à 20 ans de prison. BABA Larbi, CHOUIKHATOU Abdelkebir à 17 ans. LAGOUARA Ahmed et ELBECHRAOUI Nebet à 15 ans.

Conclusions de l'O.M.D.H.

Sur la base du rapport établi par les observateurs, le Bureau National de l'O.M.D.H.
1. déplore que les déclarations relatives au traitement qu'auraient subi les poursuivis n'aient pas donné lieu à une expertise judiciaire.
2. relève que les faits rapportés et qui ont été niés par les poursuivis à l'audience constituaient un simple délit de manifestation non déclarée, relevant de la compétence du tribunal de première instance de LAAYOUNE.
3. estime, par conséquent, que les poursuites pour atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat et la saisie d'un tribunal d'exception n'étaient pas justifiées. De même, que les peines prononcées et qui ont été particulièrement sévères, sont sans commune mesure avec les faits reprochés.
4. demande que la Cour suprême, saisie d'un pourvoi en cassation, se prononce rapidement sur ce recours et statue en toute indépendance, conformément à la loi.
5. considère que la saisie injustifiée du Tribunal permanent des Forces Armées dans cette affaire, le caractère expéditif du procès et la récente déclaration du ministre chargé des droits de l'homme se disant persuadé que la Cour suprême "annulera" la sentence, confirment les craintes maintes fois formulées par l'O.M.D.H. sur les dysfonctionnements de la justice.
LE BUREAU NATIONAL
RABAT, le 28 juin 1995
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